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 Semaine du 14 au 20 Novembre 2007, numéro 688

 

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Le doyen des archéologues arabes, Ali Radwane, vient d’être nommé membre du comité de préservation de l’héritage international de l’Unesco. Un poste couronnant quelque 40 ans de carrière.

Inlassable creuseur

A peine arrivé au Conseil suprême des Antiquités, on est là, à le saluer, lui rendre service ... L’accueil est chaleureux, témoignant du respect au doyen des archéologues, Ali Radwane. Puis, dans le bureau du chef des antiquités égyptiennes, Zahi Hawas, un secrétaire le reçoit cordialement : « Vous êtes le bienvenu, il n’a pas de visiteurs ». Hawas a été l’un de ses disciples dans le temps, et aujourd’hui un vrai ami. L’accueil est suivi de grandes félicitations, puisque Radwane vient de devenir membre du comité de préservation de l’héritage international auprès de l’Unesco. « Le comité regroupe 21 pays, lesquels œuvrent pour la protection des sites archéologiques de par le monde. C’est un des plus anciens comités de l’Unesco, qui date de 1976. La qualité de membre est un honneur, non pas pour la personne, mais pour le pays. C’est pour cela que j’étais au comble de ma joie le jour des résultats. Je serai là pour représenter l’Egypte et le monde arabe », dit-il, évoquant le bonheur qu’il a connu ces derniers jours.

Pendant plus de quarante ans, il a bâti sa réputation d’homme très direct, clairvoyant, qui ne vise que le bien de son pays. Archéologue et professeur d’égyptologie, il n’hésite pas à rouler des yeux furibonds quand le patrimoine égyptien est en danger. Il s’attaquera fermement et farouchement aux plus hauts responsables. Ainsi, s’est-il opposé au projet du ministre de la Culture visant à déplacer le Musée d’art islamique. Ces derniers temps, d’aucuns lui ont reproché de se joindre à la cohorte gouvernementale et d’adhérer aux mêmes points de vue que le ministre de la Culture et les maîtres archéologues. La presse n’a pas manqué de s’attaquer à Ali Radwane. Mais sur un ton calme et posé, il explique : « Dans le domaine archéologique, ce qui compte pour moi, c’est de préserver les sites historiques de mon pays. Autrefois, je m’opposais directement à une question ou un point de vue incorrect en tant qu’homme ayant une grande expérience dans ce domaine. Mais quand l’action des responsables n’est pas sans promouvoir ce domaine, je n’ai pas de quoi me plaindre, notamment avec la présence de quelqu’un comme Zahi Hawas, à la tête du Conseil suprême des antiquités. En plus, étant membre de ce conseil, j’ai le droit d’intervenir et de stopper n’importe quel projet que je juge douteux ou inutile ».

Avec un visage sculpté, aux traits sévères, Radwane a l’air d’un descendant des pharaons. Dès son plus tendre âge, il a éprouvé de la passion pour le passé et l’Histoire. « Je suis originaire de la ville d’Al-Tell Al-Kébir (dans le Delta). Ma grand-mère a vécu jusqu’à l’âge de 100 ans. Elle me racontait souvent des faits réels et des histoires qu’elle a vécues. Elle me narrait par exemple les faits de la bataille d’Al-Tell Al-Kébir menée par le leader patriotique Ahmad Orabi. Avec une grande fierté, elle me décrivait ce leader et me montrait le lieu de la bataille, situé à quelques mètres de notre maison. Elle me racontait la gloire de son village », évoque-t-il. Ces histoires éveillaient sa curiosité d’enfant. Il adorait écouter les événements de jadis comme dans un conte de fée.

Durant le cycle secondaire, l’adolescent se penchait sur l’histoire de l’Egypte ancienne et rêvait d’être un jour un inspecteur d’archéologie. « En première année secondaire, on étudiait un livre d’Histoire rédigé par l’Américain James Henry Breasted, un grand historien de la fin du XIXe et début du XXe siècle, traduit par le célèbre archéologue égyptien Ahmad Fakhri. Ce dernier a choisi d’écrire une introduction où il racontait l’histoire de sa vie en tant qu’archéologue. Il décrivait son travail d’inspecteur des antiquités dans les années 1930 et sa rencontre avec ce grand historien américain … J’étais alors ravi de ce métier, fasciné par la carrière d’Ahmad Fakhri », raconte-t-il.

Ses parents s’attendaient à avoir un fils ingénieur ou médecin, et pas vraiment archéologue. Son oncle lui a imposé de passer un bac scientifique, mais discrètement, Radwane a choisi de faire lettres. Parce que tout simplement, il cherchait encore l’Histoire et les contes des faits réels. Ensuite, il s’est joint à la faculté des lettres, section anglaise, et le rêve d’archéologue s’est éteint.

Le hasard a joué son tour lorsqu’il rencontra un ancien ami du département d’archéologie. Avide de mieux comprendre de quoi il en retournait, Radwane a suivi son ami et assisté à un cours donné par le professeur d’égyptologie Ahmad Abou-Bakr. « J’étais charmé par ce cours. Le lendemain, j’y voyais plus clair. Je voulais étudier l’archéologie, il n’y avait pas de doute là-dessus. Mon rêve pouvait devenir réalité …Cela est un jeu de fatalité », sourit-il. Certains lui ont quand même fait des reproches : « Comment quitter le département d’anglais ? Quel avenir avec l’archéologie ? » ...

Dès lors, il s’est adonné à son Egypte et son Histoire. « Mon travail consiste à préserver notre identité face aux défis de la mondialisation. L’archéologie n’étant que notre Histoire à tous, notre culture. De quoi approfondir la conscience patriotique du peuple », dit-il.

Son diplôme en poche, le jeune archéologue de 21 ans cherche alors un travail. Il postule pour être commentateur à la télévision, mais est vite embauché comme inspecteur d’archéologie dans les gouvernorats du Fayoum et de Béni-Souef. Un premier défi professionnel. « A l’époque nassérienne, des individus voulaient s’emparer des terrains de Kiman Farès au Fayoum pour construire des bidonvilles. Pour eux, ces terres n’appartenaient à personne. Mais en fait, c’était un site antique. J’ai eu donc recours à des appareils de mesures, j’ai effectué quelques fouilles et découvert des bains gréco-romains. Ensuite, j’ai déclaré ces terrains comme sites archéologiques. A l’époque, je travaillais seul avec le secrétaire Tewfiq effendi et les vigiles, cependant j’ai réussi à faire cesser les menaces des personnes mal intentionnées ». Une mission appréciée par ses chefs et le gouverneur du Fayoum.

En dépit de cette passion vouée à l’archéologie, Ali Radwane a dû s’en éloigner pendant un moment, le temps de remplir des fonctions d’attaché culturel à l’étranger. Mais rapidement, le destin a dicté sa loi : Radwane est ensuite nommé professeur d’archéologie à l’Université d’Assiout et obtient une bourse de cinq ans pour étudier l’égyptologie en Allemagne. « J’ai été ébloui par l’ordre et l’efficacité de ce pays. Les Allemands sont passionnés d’égyptologie, considérant que ce n’est pas uniquement l’histoire d’un pays, mais de toute l’humanité », dit-il.

Durant ses années de boursier, Radwane a connu Ingeborg, sa future femme, qui s’est intéressée à lui autant qu’à l’égyptologie. « C’est en demandant sa main qu’elle m’a dévoilé ses origines nobles. J’ai épousé la baronne de Campen House. De plein gré, elle a quitté son pays, son titre et sa famille pour venir avec moi en Egypte et fonder une famille », confie–t-il avec beaucoup de gratitude, ajoutant : « Je sais qu’en Egypte je représente pour elle toute sa famille, mais elle comprend l’importance de mon travail et sait qu’il s’empare de tout mon temps. Elle ne se plaint jamais ».

Radwane a enseigné à Minya, Assiout, Fayoum et fondé avec d’autres professeurs, dans les années 1970, la faculté d’archéologie de l’Université du Caire. Il a aussi été retenu par l’Unesco en 1972 pour rédiger un livre sur les récipients en cuivre et en bronze dans l’Egypte pharaonique. Une tâche qui lui a pris 10 ans de recherches.

Radwane a également découvert la barque funéraire de la cinquième dynastie d’Abou-Sir. Il raconte : « Après de longues études, j’ai remarqué que les textes pharaoniques citent souvent cinq temples du soleil dans cette région d’Abou-Sir. Or, on n’en avait répertorié que deux. En 1992, au nom de l’Université du Caire, j’ai donc fait des fouilles et découvert un cimetière de l’époque du roi Mina, où j’ai trouvé la barque funéraire ». Radwane s’est investi dans cette découverte avant d’arrêter les fouilles, préférant se consacrer à la publication.

Pourtant, il est toujours heureux de contribuer à la création de l’Histoire. « Une découverte ou une excavation change l’Histoire et révèle d’autres faits. Pour nous les archéologues, l’Histoire se renouvelle sans cesse ».

Inspecteur d’archéologie, professeur d’égyptologie, chercheur, doyen de la faculté d’archéologie, auteur de nombreux articles sur des découvertes archéologiques, membre de l’Union des archéologues arabes et aujourd’hui chef de l’union à vie … les postes se multiplient, et son agenda demeure surchargé … Mais il trouve le temps d’élaborer des manuels scolaires d’Histoire, se focalisant sur l’époque pharaonique, enseignée en cycles primaire et préparatoire. « Ce n’est pas un travail inférieur ou une corvée, c’est un honneur, un devoir patriotique », juge-t-il.

En plus, il suit de près les diplômés de l’école du Musée égyptien et supervise les jeunes chercheurs. C’est le parcours qu’il a choisi, il en est plus que satisfait.

May Sélim

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Jalons

1968 : Doctorat en égyptologie de l’Université de Munich.

1969 : Mariage et retour au Caire.

1983 : Prix de l’Encouragement de l’Etat pour son ouvrage sur les récipients en cuivre et bronze de l’époque pharaonique.

1992 : Découverte de la barque funéraire à Abou-Sir

(nord de Saqqara).

2003 : Prix d’Estime de l’Etat.

2006 : Médaille d’honneur et d’estime de l’Allemagne.

2007 : Membre du comité de préservation de l’héritage international de l’Unesco.

 

 




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