Iran.
Téhéran refuse de céder sur l’enrichissement de l’uranium
malgré les nouvelles sanctions américaines.
Bush enfonce le clou
La
crise du dossier nucléaire iranien n’en finit pas de
connaître des rebondissements, compliquant davantage la
recherche d’une solution. Lundi, le directeur adjoint de
l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), Olli
Heinonen, est arrivé à Téhéran pour une visite de trois
jours afin de rencontrer les responsables nucléaires à
propos des centrifugeuses d’enrichissement d’uranium. « Nous
avons déjà fait beaucoup de choses, mais beaucoup reste à
accomplir et nous espérons que cela sera fait », a déclaré
M. Heinonen à son arrivée. Ces entretiens s’inscrivent dans
le cadre de l’accord conclu le 21 août entre l’AIEA et
Téhéran qui a fixé un calendrier par lequel l’Iran s’engage
à répondre à une série de questions en suspens sur l’étendue
de son programme nucléaire. M. Heinonen a déjà eu deux
séries de discussions en fin septembre et début octobre avec
les responsables iraniens pour faire la lumière sur les
centrifugeuses de type P1 et P2, des modèles plus
performants.
Optant toujours pour la diplomatie, le directeur général de
l’AIEA, Mohammed Al-Baradei, a déclaré dimanche qu’il ne
disposait d’aucune preuve que l’Iran avait effectivement
entrepris de fabriquer une bombe atomique, estimant que les
récentes menaces américaines ne faisaient que jeter « de
l’huile sur le feu ». « Je crains que si l’escalade se
poursuit des deux côtés, nous finissions dans un précipice
», a mis en garde M. Al-Baradei.
Ces déclarations contrastent avec celles des Etats
occidentaux qui réclament davantage de sanctions. Le
ministre français de la Défense, Hervé Morin, a souhaité que
de nouvelles sanctions financières soient adoptées par l’Onu
et l’Union Européenne (UE), n’excluant pas la possibilité de
sanctions « unilatérales ». Depuis la prise du pouvoir par
Nicolas Sarkozy, la France a adopté une attitude assez dure
vis-à-vis du régime iranien et ne cesse de soutenir la
position américaine quant à la nécessité de durcir les
sanctions imposées à ce pays.
Cette position fait l’écho de celle des Etats-Unis qui ont
imposé vendredi des sanctions unilatérales sur l’Iran.
Frustrés par leur incapacité d’imposer une troisième série
de sanctions au Conseil de sécurité, les Américains ont
imposé de rudes sanctions à trois importantes banques
iraniennes dans l’objectif de fermer tous les canaux de
financement du régime islamique, outre l’adoption d’autres
sanctions contre le corps des Gardiens de la révolution,
l’armée idéologique du régime, accusé de contribuer à la
prolifération d’armes de destruction massive, et son unité,
Al-Quds, accusée de soutenir le terrorisme.
Justifiant l’adoption de ces sanctions, la secrétaire d’Etat
américaine, Condoleezza Rice, a affirmé que l’Iran constitue
« le plus grand défi » à la sécurité des Etats-Unis, le
président George W. Bush allant jusqu’à accuser sa « bête
noire » de mettre au point un missile balistique
intercontinental capable de frapper les Etats-Unis et
l’ensemble de l’Europe avant 2015. En effet, M. Bush a jeté
de l’huile sur le feu, en agitant le spectre d’une troisième
guerre mondiale si Téhéran possédait l’arme atomique. Selon
la plupart des analystes, il s’agit d’une simple « guerre de
mots » car Bush ne pourra jamais s’enliser dans une nouvelle
guerre en Iran, après celle de l’Iraq qui a déjà discrédité
son image sur la scène internationale.
Poings liés, Washington n’a qu’une option : imposer des
sanctions unilatérales. Une arme qui n’a aucun impact sur
les Iraniens, car les Etats-Unis ne sont plus le centre du
monde comme jadis. D’autres pays, comme la Chine, pourraient
facilement prendre la relève et compenser un Téhéran
persécuté. « Les sanctions unilatérales sont inefficaces,
car les Etats-Unis ont très peu de moyens de pression sur
cet Etat riche en pétrole et habitué aux sanctions
américaines il y a 28 ans. Le dossier nucléaire est devenu
une affaire de dignité pour les Iraniens. Ces sanctions ne
parviendront ni à faire chuter le régime iranien ni à
l’obliger à faire marche arrière », analyse l’expert Mohamad
Abbass.
Détermination iranienne
La
République islamique en est consciente. Elle a affiché sa
détermination farouche et inébranlable à poursuivre son
chemin. Le nouveau chef du dossier nucléaire, Saïd Jalili, a
déclaré que les nouvelles sanctions américaines n’auront «
aucun effet » sur la politique nucléaire de l’Iran. « Ces
sanctions ne font qu’isoler les Etats-Unis sur la scène
internationale », a-t-il ajouté. Selon les analystes, la
démission de l’ancien responsable du dossier nucléaire, Ali
Larijani, le 20 octobre, et son remplacement par Saïd Jalili,
un proche du président iranien Ahmadinejad et qui partage
avec lui son intransigeance sur le dossier nucléaire, est un
signe de raidissement du pouvoir iranien en matière
nucléaire : « Il semble qu’il s’agit d’un pas vers la
consolidation du camp du président. Ceci dit, la ligne dure
de défi suivie par l’Iran en matière nucléaire va se
poursuivre », estime l’analyste iranien Mohammad El-Hosseini.
S’élevant contre les menaces imposées contre les Gardiens de
la révolution, le porte-parole de la commission
parlementaire des affaires étrangères et de la sécurité,
Kazem Jalali, a affirmé : « Les Etats-Unis ont commis une
erreur stratégique en plaçant sur leur liste noire les
Gardiens de la révolution qui sont une force officielle en
Iran. Alors, les qualifier de terroristes interfère dans les
affaires intérieures d’une nation souveraine ». Déjà, un des
commandements des Gardiens de la révolution a riposté aux
Américains, en leur promettant un déluge de roquettes et
d’obus « dès la première minute » en cas d’agression. Plus
ferme encore, le président iranien a balayé cette semaine
les menaces de sanctions et d’actions militaires américaines
contre son pays : « L’ennemi dessine une carte de l’Iran sur
le mur et lance des fléchettes et ensuite il dit qu’il va
attaquer l’Iran », se moque Ahmadinejad.
Malgré cette confiance iranienne et l’improbabilité d’une
attaque américaine imminente, la persistance des menaces
d’une part et de l’intransigeance de l’autre ravive si fort
le souvenir des quelques mois qui ont précédé la guerre de
l’Iraq.
Pour le moment, les six grandes puissances impliquées dans
les discussions sur le nucléaire iranien doivent se réunir,
début novembre, pour examiner une nouvelle série de
sanctions après un rapport de l’AIEA qui doit être présenté
en novembre sur la coopération de l’Iran avec l’agence. «
Les Américains et les Français ne doivent pas trop espérer
car tous leurs efforts visant à imposer une troisième série
de sanctions onusiennes risquent de se heurter aux
résistances russes et chinoises », affirment les analystes.
L’attitude de ces deux pays est déjà sans ambiguïté : ils
n’accepteront ni un durcissement des sanctions ni un recours
à la force. Samedi, la Chine a estimé que de nouvelles
sanctions contre Téhéran compliquent la situation et
n’aident pas à une résolution pacifique de la crise
nucléaire. « Le dialogue et les négociations sont le
meilleur moyen pour résoudre la crise iranienne », a affirmé
le porte-parole du ministère chinois des Affaires
étrangères, Liu Jianchao. Quant à la Russie, elle était
aussi claire. Le président russe, Vladimir Poutine, a assuré
que toute nouvelle sanction risque d’envenimer le dossier
nucléaire iranien .
Maha
Al-Cherbini