Liban.
Les efforts diplomatiques de la Troïka européenne ne sont
pas parvenus à aplanir les différends entre l’opposition et
la majorité. De quoi rendre impossible la tenue des
présidentielles à l’heure actuelle.
Crise reportée
Ce n’était pas une surprise. Tout le monde s’y attendait en
effet du fait de l’ampleur des divergences
inter-libanaises. Les
parlementaires de la majorité soutenue par l’Occident et
ceux de l’opposition proche de Damas ne sont toujours pas
parvenus à se mettre d’accord sur le successeur du président
sortant, le pro-syrien Emile
Lahoud, dont le mandat expire le
24 novembre prochain. Partant, la séance du Parlement prévue
hier pour élire un nouveau président du Liban a été reportée
au 12 novembre pour favoriser un accord entre l’opposition
pro-syrienne et la majorité
soutenue par les Occidentaux, a annoncé en début de semaine
le secrétariat général du Parlement.
C’est la deuxième fois que les députés sont obligés de
reporter une séance consacrée à la présidentielle après
l’échec d’une première tentative le 25 septembre. Ce
jour-là, les députés de l’opposition avaient boycotté le
Parlement pour empêcher que le quorum de deux tiers des
députés présentés soit atteint et que les factions
anti-syriennes, qui ont, ensemble, une courte majorité,
élisent un nouveau chef d’Etat.
Mais ce nouveau report, signe d’un blocage, permettra-t-il
de décrisper la situation ? Un des deux candidats issus de
la majorité, Nassib
Lahoud, pense que les deux camps
attendront le dernier moment pour parvenir à un accord.
De même, selon l’analyste Ziad
Baroud, « à mesure qu’on s’approche des dix derniers jours
(du délai constitutionnel), le ton va crescendo, mais les
chances d’un accord vont parallèlement augmenter »,
analyse-t-il. Il estime qu’aucun des deux camps n’est en
mesure de prendre le dessus. «
C’est pour cette raison qu’ils vont devoir composer, ou bien
alors arriver jusqu’au bout du délai constitutionnel sans
que l’élection ait lieu », poursuit-il, indiquant que « tout
peut se jouer à la dernière minute ».
Ce report est intervenu alors que des efforts diplomatiques
sont déployés pour favoriser un accord. Les ministres
français, espagnol et italien des Affaires étrangères ont
effectué une mission commune samedi à Beyrouth. Sans nier
l’existence de mésententes, ils ont évoqué un climat plus «
positif » et « constructif » entre les protagonistes
libanais, les appelant à ne pas rater « le rendez-vous
démocratique ». Les diplomates ont également noté un «
mouvement de coordination, d’acceptation commune » sur
l’échéance présidentielle entre les chrétiens des deux
parties.
En effet, les tractations vont bon train. Dimanche soir, une
rencontre s’est tenue entre deux leaders chrétiens de
l’opposition et de la majorité, le général Michel Aoun et
l’ancien président Amine Gemayel, pour « apaiser la tension
politique » et favoriser le dialogue entre les deux parties.
Chose qui n’aura lieu qu’au prix de nombreuses concessions.
Soulignant la gravité de la situation, le conseiller de M.
Gemayel, Sélim
Sayegh, qui était présent à la
réunion, a indiqué qu’il « ne fallait pas sous-estimer la
tension qui existe actuellement dans les milieux chrétiens »
divisés entre opposition et majorité. « Cette tension
pourrait être fondatrice d’une déflagration dont les
chrétiens payeront le prix », a-t-il dit.
Le Liban traverse une grave crise politique depuis que
l’opposition a retiré ses six ministres du gouvernement de
Fouad Siniora en novembre 2006,
provoquant une paralysie des institutions, dont celle du
Parlement qui élit le président de la République. La
majorité insiste pour que le futur président soit issu de
son camp, alors que l’opposition met en garde contre
l’élection d’un candidat qui ne serait pas « consensuel ».
L’impasse actuelle fait craindre la création d’un
gouvernement rival par l’opposition, aboutissant à la
coexistence de deux équipes de l’exécutif, un scénario
identique à celui qu’a connu le Liban à la fin de la guerre
civile. Beaucoup craignent également l’assassinat d’un autre
député de la majorité anti-syrienne avant la nouvelle
séance, comme ce fut le cas pour Antoine
Ghanem, tué à quelques jours de
la session du 25 septembre.
Il s’agissait du sixième assassinat d’un député depuis 2005
dans des attentats imputés par la majorité à la Syrie, qui
nie toute implication. Le vice-président américain Dick
Cheney a accusé dimanche la
Syrie d’utiliser la « corruption et l’intimidation » pour
empêcher que le Parlement libanais puisse procéder sans
entrave à l’élection du président de la République.
Rania
Adel