Iraq.
Les deux formations chiites les plus puissantes ont conclu
un accord de réconciliation propice à la consolidation de l’Etat
iraqien.
Les chiites tentent le front uni
Afin
de mettre fin à une rivalité meurtrière, les deux formations
chiites les plus puissantes d’Iraq ont conclu samedi dernier
un accord de réconciliation. Le Conseil Suprême Islamique
d’Iraq (CSII) de Abdel-Aziz Al-Hakim dirigé par son fils,
Ammar, et le courant plus radical de Moqtada Sadr disposent
tous deux de puissantes milices armées, qui s’affrontent
pour le contrôle de la communauté chiite, majoritaire en
Iraq. Cette réconciliation chiite devra s’étendre aux autres
communautés, a noté Selim Abdullah, porte-parole de
l’alliance sunnite au Parlement. Il a souhaité que «
l’accord ne se limite pas aux deux mouvements chiites mais
s’ouvre sur d’autres formations ».
Cependant, le représentant des Sadristes à Najaf, Lywa
Sumaysim, a prévenu que « cet accord ne veut pas dire que
nous retournons au gouvernement ou dans les rangs de
l’alliance parlementaire ». Les ministres sadristes ont
quitté le cabinet de Nouri Maliki et se sont désolidarisés
de la majorité gouvernementale. Pour sa part, Ammar, le
jeune chef politique, a affirmé que « nous n’avons pas
d’autre choix que de construire l’Etat iraqien. La loi doit
avoir le dernier mot, et les armes doivent être entre les
mains du gouvernement. Les Iraqiens n’ont pas d’autre choix
que la tolérance ». Pour lui, l’accord entre le CSII et les
Sadristes est l’aboutissement normal d’un processus de
rapprochement dicté par la nécessité. « Tout affrontement de
quelque sorte que ce soit en Iraq handicaperait le processus
politique et notre projet », a assuré Ammar Hakim.
Gamal Zahrane, professeur à la faculté de sciences
économiques et politiques à l’Université du Canal de Suez,
estime que « cet accord entre les deux influents leaders
chiites montre qu’ils veulent accélérer le processus de
retrait des troupes étrangères de leur pays. Si les autres
courants signent des accords semblables, la violence peut
diminuer ».
En revanche, d’autres analystes sont plus pessimistes. « Les
différentes communautés iraqiennes ont signé plusieurs
accords de réconciliation, mais ces accords n’ont pas donné
de véritables résultats. Il existe trop de divergences entre
les différentes factions iraqiennes », affirme Hicham Ahmad,
professeur de sciences politiques à l’Université du Caire.
Cela dit, les Iraqiens tentent tant bien que mal d’y croire.
Le premier ministre iraqien Nouri Maliki a jugé cet accord
comme étant « l’expression de la responsabilité nationale »
de ces deux formations qui peuvent aligner plusieurs
dizaines de milliers de combattants.
Cessation des violences
L’accord contient trois points. Le premier évoque une
cessation des violences et porte sur la nécessité de
respecter le sang iraqien en toutes circonstances et entre
toutes les parties. Les deux autres points insistent
notamment sur la mise sur pied de comités locaux pour parer
à d’éventuelles divergences.
Le mouvement de Moqtada Sadr, formé peu après l’invasion
américaine de 2003, est la plus puissante formation chiite
d’Iraq et son bras armé, l’armée de Mahdi, particulièrement
implantée parmi les classes les plus pauvres de la
population chiite, est composée de milliers de militants.
L’armée de Mahdi a annoncé le 29 août une trêve de six mois
de ses opérations militaires contre les forces américaines,
tandis que la branche politique du mouvement s’est retirée
de la coalition parlementaire pro-gouvernementale
mi-septembre. Moqtada Sadr, son chef, se présente comme un
nationaliste intransigeant, ouvertement hostile à
l’occupation américaine. De l’autre côté, Hakim dirige le
CSII, une autre faction chiite très puissante qui est l’un
des piliers de la coalition gouvernementale du premier
ministre Nouri Maliki. Le CSII fut fondé en 1982 en Iran en
tant que mouvement d’opposition en exil. Cette formation est
rentrée en Iraq en 2003. Elle a remporté l’année dernière 30
sièges sur les 275 du Parlement iraqien et rejoint la
coalition gouvernementale. Le chef Abdel-Aziz Al-Hakim est
réputé pour avoir des liens étroits avec les responsables
iraniens, mais il a également été reçu par le président
George W. Bush, et évite d’exiger un calendrier de départ du
contingent américain.
Depuis des mois, leur rivalité s’est traduite par des
affrontements armés, et des assassinats, et plus récemment
des violences dans la ville sainte de Kerbala, au sud de
Bagdad. Ce dernier épisode avait outré les chiites, qui
voient ces affrontements internes entamer l’aptitude de leur
communauté à traduire son poids démographique en une
dynamique politique efficace. « C’est pour cela que les deux
bords ont compris qu’il était dans leur intérêt de passer un
accord », a commenté pour l’AFP, Mahmoud Othman, un député
kurde. « Je pense que la tension entre les deux les avait
affaiblis », a-t-il poursuivi.
La concurrence entre le CSII et les Sadristes tient avant
tout de leur histoire récente, et de la nature de leurs
clientèles respectives. Mais pour que l’initiative des deux
mouvements chiites débouche sur une stabilisation en Iraq,
elle doit dépasser le cadre étroit des rapports de sécurité
entre leurs milices respectives — ce qui n’est pas encore le
cas.
Maha
Salem