Palestine .
Les territoires occupés ont connu une semaine sanglante
où les affrontements entre les factions ont menacé de
dégénérer en guerre civile. Une initiative saoudienne
représente la seule lueur d’espoir. Etat des lieux.
Négocier armes sur table
Qui l’aurait cru ? Après un optimisme justifié par la
rencontre tant attendue entre le président de l’Autorité
palestinienne, Mahmoud Abbass, et le chef du bureau
politique du Hamas, Khaled Mechaal, en exil en Syrie,
les discussions inter-palestiniennes se sont trouvées
dans l’impasse. Non seulement les pourparlers sur la
constitution d’un gouvernement d’union nationale ont été
interrompus, mais aussi les territoires palestiniens se
sont mués en un théâtre d’événements meurtriers. Il
s’agit de la plus grave crise depuis l’élection du
Hamas, en janvier 2006. 30 personnes ont trouvé la mort
et au moins 68 autres ont été blessées en l’espace de
cinq jours, lors de combats entre les factions rivales.
Les moments d’accalmie furent de courte durée et on
signalait des échanges de tirs à l’arme légère, mais
aussi au lance-roquettes et au mortier. Les cibles sont
parfois symboliques. Ainsi, ce dimanche, la maison d’un
garde du corps de Mohamad Dahlane, l’homme fort du Fatah
dans la bande de Gaza, a-t-elle été endommagée par une
bombe. Vendredi et samedi matin, les fusillades
faisaient rage à Gaza. Des violences ont notamment
éclaté au service de sécurité préventive, loyal à Abbass.
De même, les miliciens du Hamas ont tiré des mortiers
sur les locaux ainsi que le domicile du chef du
département, Rachid Abou-Chebak, samedi avant l’aube,
d’après des responsables de la sécurité. Et ce, sans
oublier les prises d’otages. Au total, onze membres du
Hamas ont été enlevés, ainsi que huit membres du Fatah.
Une attaque menée jeudi soir contre la Force exécutive,
organe du Hamas, a mis le feu aux poudres, marquant le
début des plus violents affrontements entre le Fatah, le
parti du président palestinien Mahmoud Abbass, et le
Hamas au pouvoir.
Dans ce chaos sécuritaire, des voix se sont élevées pour
demander le retour au calme. Le Conseil de Coopération
du Golfe (CCG), qui réunit six monarchies arabes, a
appelé les belligérants à mettre fin à « l’effusion de
sang palestinien ». Le CCG a exhorté le Hamas et le
Fatah à reprendre les négociations pour parvenir à la
formation d’un gouvernement d’union nationale. Même
teneur dans les appels lancés par la Ligue arabe ou,
encore, par l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI).
Nouvelle médiation
Mais c’est surtout l’appel saoudien qui semble avoir eu
un écho. L’Arabie saoudite a appelé dimanche les
Palestiniens à cesser leurs affrontements et leur
a proposé de se réunir « d’urgence » à La Mecque. Le
monarque saoudien Abdallah bin Abdel-Aziz a invité tous
les dirigeants rivaux palestiniens à venir discuter de
leurs désaccords « en terrain neutre », dans la Grande
Mosquée de La Mecque, à l’abri des « interventions
étrangères ».
Demandant aux deux camps de se « montrer raisonnables et
de préférer le dialogue au langage des armes », le roi a
jugé que ce « qui arrive sur les terres de la Palestine
est une honte, qui ternit l’histoire de la lutte
honorable du peuple palestinien ».
Une initiative qui semble avoir été bien
accueillie, comme le souligne un bref communiqué de la
présidence palestinienne. « Le président Mahmoud Abbass
accueille favorablement et apprécie l’invitation du roi
Abdallah de reprendre le dialogue national en Arabie
saoudite ». Idem du côté du Hamas qui déclare par la
bouche de son chef en exil à
Damas, Khaled Mechaal, qu’il « accueille favorablement
l’invitation du roi d’Arabie saoudite à se réunir afin
de régler tous les problèmes, de parvenir à un accord
national et de former un gouvernement d’union nationale
». Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement du
Hamas est paralysé mais campe sur des positions qui ont
entraîné un boycottage occidental asphyxiant et une
crise politique interne sans précédent.
La question qui se pose est de savoir si cette rencontre
en Arabie saoudite s’ajoutera à tant d’autres où les
accords convenus de reprise du dialogue sont
restés sans lendemain. Pour Mahdi Abdel-Hadi, président
de l’Académie palestinienne des recherches, les
précédents pourparlers palestiniens ont discrédité et la
présidence et le gouvernement aux yeux du peuple,
puisqu’ils portaient sur la répartition des quotas. Il
s’agit d’une lutte pour le pouvoir. « Une rencontre à La
Mecque pourrait permettre de retourner aux bases et de
rectifier les erreurs commises dans le passé », a-t-il
souligné à une chaîne de télévision égyptienne.
Pour Mamdouh Al-Ekr, commissaire général de l’Agence
palestinienne indépendante pour les droits du citoyen,
le lieu de la rencontre est à même d’influencer les
responsables palestiniens pour qu’ils fassent prévaloir
l’intérêt général par rapport à leur intérêt
particulier. « Mais, ces pourparlers ne porteront leur
fruit que si on fait participer au round d’autres
parties palestiniennes. Je crois que les chances de
réussite du dialogue sont grandes, étant donné que
l’Arabie a une expérience précédente réussie dans la
réconciliation libanaise et la signature de l’accord de
Taëf qui a mis fin à la guerre civile. L’Arabie saoudite
accorde la priorité à la dimension politique de la
crise. Par contre, l’Egypte privilégie la dimension
sécuritaire, et c’est peut-être la raison pour laquelle
la médiation égyptienne n’a pas réussi », assure le
politologue palestinien.
Pour certains chercheurs, toutes les médiations ne
peuvent être menées à bien que si les Palestiniens se
mettent d’accord sur un seul agenda politique, et non
pas deux comme c’est le cas aujourd’hui, sur la façon de
traiter avec Israël et sur la nécessité d’activer le
rôle de l’Organisation de Libération de la Palestine
(OLP).
Rania
Adel