Palestine
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Ibrahim Al-Anani, professeur de droit à l’Université de
Aïn-Chams, fait le point sur la situation actuelle dans la
région et sur les conséquences pour les Arabes de la guerre
américaine contre le terrorisme.
«
Il faut remettre les pendules à l’heure »
Al-Ahram Hebdo : Dans quelle mesure est-il possible
aujourd’hui pour les Arabes de ne plus subir les conséquences
de la « guerre contre le terrorisme » ?
Ibrahim Al-Anani : Au lendemain des événements du 11 septembre
2001, les Etats-Unis ont pu détourner les regards du problème
réel. Ils ont fait croire au monde entier que la problématique
n’est pas la violation des droits des Palestiniens, notamment
le droit de l’autodétermination et celui de l’établissement
d’un Etat palestinien, mais que la résistance est un
terrorisme. Ils ont considéré les agissements israéliens comme
un travail complémentaire de l’effort américain international
pour lutter contre le terrorisme. Ils ont donc transformé le
coupable en victime et ont poussé tous les pays à tourner dans
ce cercle. Ce faisant, tous les efforts qui ont été réalisés
au fil des ans dans les négociations ont été anéantis. Notre
but est actuellement de nous défendre, de rejeter l’accusation
d’être des terroristes. Il faut remettre les pendules à
l’heure. Les Etats-Unis et leurs alliés, notamment la
Grande-Bretagne et Israël, ont exploité les événements du 11
septembre pour nous faire oublier la cause palestinienne. L’Administration
américaine est même allée jusqu’à qualifier les dirigeants
israéliens, y compris l’ex-premier ministre Ariel Sharon,
d’hommes de paix qui mènent le processus de libération et de
démocratisation. En revanche, ils ont mis le Hamas sur la
liste noire des organisations terroristes et malheureusement,
ils ont été suivis par les pays européens. Le président
américain a même taxé les musulmans de fascistes, alimentant
de la sorte la haine et la rancune.
— Mais dans cette ambiance si sombre, n’existe-t-il pas de
solutions ?
— La seule solution possible réside dans l’unité des Arabes.
Nous devons tirer profit de l’esprit d’union qui a prévalu
lors de la dernière guerre israélienne contre le Liban. Seule
l’union arabe pourrait fait changer l’orientation américaine
en insistant sur l’essence du problème, à savoir le problème
de la Palestine et de son peuple. Malheureusement, tous les
pays arabes ont peur et se sentent en danger. Ils ont
l’impression que s’ils soutiennent la résistance, ils seront
considérés comme faisant partie de l’axe du mal, comme ennemis
des Etats-Unis et ils s’attireront leurs foudres. Les pays
arabes doivent se débarrasser de ce sentiment erroné,
retrouver leur équilibre, s’unir pour faire face à cette
politique.
— Puisque les Arabes sont les premiers à subir les effets de
la guerre américaine antiterroriste, ne vaut-il pas mieux
trouver une législation pour affronter ce problème ?
— Il existe une convention arabe unifiée, ratifiée en 1998 et
concernant la lutte contre le terrorisme. Cette convention
peut être utilisée dans les pays signataires en tant que
législation indépendante. Ces pays peuvent promulguer des lois
comprenant les clauses de la convention. Ceci dit, le fait
d’élaborer une législation arabe unifiée est chose facile dans
le cadre de cette convention. La loi égyptienne, à titre
d’exemple, considère le terrorisme comme un crime. Mais le
problème n’est pas là. Nous sommes ciblés et l’affaire
concerne les relations internationales.
— Et pour ce qui est de l’Iraq ?
— Les Etats-Unis ont subi un échec cuisant en Iraq et tout ce
à quoi ils prêchaient — la liberté, la démocratie, l’idéalisme
— s’est effondré. Dans le pays de la Mésopotamie, l’espoir est
dans la résistance en premier lieu. Viennent ensuite la
pression de l’opinion publique américaine et occidentale et
les prochaines élections présidentielles américaines. Si le
président américain George W. Bush et les Républicains
ressentent une possibilité de les perdre, ils chercheront un
prétexte pour se retirer de l’Iraq sans paraître pour autant
vaincus.
Rania Adel