«
La situation dans les territoires occupés n’a jamais été si
sombre, si indigne et si en proie au pessimisme ». C’est en ces
termes que le politologue égyptien du Centre des Etudes
Politiques et Stratégiques d’Al-Ahram (CEPS), Mohamad Al-Sayed
Saïd, qualifie ce qui se passe actuellement en Palestine. Un
constat amer, mais qui s’avère des plus vrais. Outre les raids
et les incursions auxquels sont en proie la bande de Gaza et ses
habitants, l’armée israélienne tente de redorer son blason au
détriment du gouvernement islamique du Hamas. S’il a subi un
revers face au Hezbollah, Israël s’efforce d’accentuer sa
pression sur le Hamas par volonté de rectifier son image, du
moins aux yeux de ses citoyens. Et si à aucun moment de sa lutte
avec le Hezbollah l’Etat hébreu n’a allégé sa pression sur le
volet palestinien, ce dernier souffre davantage notamment après
le retour au calme relatif au Sud-Liban. Ainsi, et dans le but
d’infliger un camouflet au Hamas, Israël a décidé d’arrêter non
pas des activistes mais des membres du gouvernement palestinien.
Dimanche, le secrétaire général du Parlement palestinien,
Mahmoud Al-Ramahi, a ainsi été arrêté par l’armée israélienne,
a-t-on appris auprès de responsables palestiniens de sécurité et
de sa famille. Les soldats ont encerclé son domicile en plein
jour et l’ont arrêté.
Al-Ramahi n’est pas le premier responsable du
Hamas à être arrêté, et apparemment il ne sera pas le dernier.
Un porte-parole de l’armée israélienne a indiqué que cette
arrestation relevait « de la lutte contre le mouvement radical
Hamas », qui refuse de reconnaître l’Etat hébreu et de renoncer
à la violence. Toutefois, ancien doyen de la faculté islamique
Al-Najah de Naplouse, ce père de six enfants, également ministre
de l’Education, fait figure de technocrate et de modéré au sein
du Hamas. N’oublions pas qu’une soixantaine de responsables du
Hamas, dont le président du Parlement et le numéro deux de
l’Autorité palestinienne, Aziz Doweik, huit ministres et 26
députés, ont été arrêtés depuis le 29 juin par l’armée
israélienne. Quatre ministres et le vice-président du Parlement
ont entre-temps été libérés.
Ces arrestations ont commencé après
l’enlèvement, le 25 juin dernier, d’un soldat israélien par des
groupes armés palestiniens, dont la branche armée du Hamas.
S’agit-il alors pour Israël d’une volonté de récupérer ce soldat
par ces arrestations de dirigeants palestiniens ? Certes, non.
L’objectif va beaucoup plus loin. Si au Sud-Liban Israël a
cherché à détruire le Hezbollah, dans les territoires occupés,
il œuvre à se débarrasser du Hamas. Cette arrestation constitue
« la poursuite du feuilleton criminel auquel se livre le
gouvernement d’occupation » contre le gouvernement palestinien,
a dénoncé son porte-parole, Ghazi Hamad. « L’objectif d’Israël
n’est autre que la disparition d’un gouvernement ou d’une
Autorité palestinienne, ou leur affaiblissement », a-t-il ajouté.
Pour Saëb Eraqat, principal négociateur
palestinien, « cette arrestation sape les efforts déployés pour
former un gouvernement d’union nationale appliquant le programme
du président Abbass ».
Le ministre égyptien des Affaires étrangères,
Ahmad Aboul-Gheit, dont le pays est impliqué dans les efforts
pour la libération du soldat israélien, a condamné l’arrestation,
affirmant que Le Caire refusait les « tentatives d’Israël
d’imposer sa volonté au peuple palestinien ».
Le timing de ces arrestations traduit, en
effet, la véritable intention de l’entité sioniste.
N’intervient-il pas après l’accord des Palestiniens sur « le
document des prisonniers », stipulant la constitution d’un
gouvernement national, et au moment où des discussions entre le
président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbass, et le
premier ministre, Ismaïl Haniyeh, sont en cours en vue de former
un tel gouvernement regroupant le Hamas et le Fatah ? Mais avec
les arrestations israéliennes, la formation d’un tel
gouvernement risque d’être ajournée. Formation déjà reportée à
cause de l’embrasement dans le sud libanais.
Levée du « siège »
Au cours de cette semaine, le premier
ministre palestinien a posé les conditions de la formation de ce
gouvernement. M. Haniyeh a insisté sur la présence d’un
représentant de son parti à la tête de ce gouvernement : « Tout
gouvernement (d’union nationale) doit être fondé sur la base des
résultats des élections législatives palestiniennes » de janvier
2006, remportées par le Hamas, et son dirigeant doit appartenir
à ce parti, a-t-il dit. Il a de même réclamé la libération
préalable de « tous les ministres et députés » du parti
islamiste, arrêtés par l’armée israélienne le 29 juin.
Il a également affirmé qu’un tel gouvernement
ne pourrait voir le jour avant la levée du « siège » imposé par
l’armée israélienne dans la bande de Gaza, où elle poursuit des
opérations militaires depuis le 28 juin. Cette offensive a fait
au moins 179 morts, côté palestinien, et un, côté israélien.
Enfin, M. Haniyeh a posé vendredi dernier
comme dernière condition à la formation d’un gouvernement
d’union nationale le fait qu’aucun responsable ne soit impliqué
ou accusé de corruption. Le Fatah de M. Abbass avait perdu les
élections législatives de janvier, notamment en raison de la
corruption. Condition difficile à remplir ? Pour le Dr Saïd,
non. « Seule une minorité du Fatah est taxée de corruption »,
explique-t-il.
La formation d’un tel gouvernement devrait
mettre fin à la crise que traverse l’Autorité palestinienne
depuis l’arrivée au pouvoir du Hamas, en mars dernier. Cette
crise est notamment due au gel par les Etats-Unis et l’Union
Européenne (UE) d’une grande partie de leur aide aux
Palestiniens. Washington et l’UE boycottent le Hamas, qu’ils
considèrent comme une organisation « terroriste », et exigent
qu’il reconnaisse Israël, les accords signés avec lui et renonce
à la violence.
Mais avec l’intransigeance israélienne, les
Palestiniens parviendront-ils vraiment à unifier leurs rangs ?
Pour les observateurs et les analystes, ils n’ont pas d’autre
choix et doivent lutter pour y arriver. « Il faut que les Arabes
adoptent une position forte afin de permettre à l’Autorité
palestinienne d’exercer ses pouvoirs, de contrôler la situation
sécuritaire et de mettre un terme au chaos. Les Palestiniens ne
peuvent pas affronter seuls Israël. Si le statu quo persiste,
les affaires se détérioreront et le pessimisme pourra en décider
plusieurs à utiliser les armes pour régler leurs problèmes. Si
on perd la confiance en le gouvernement, il y aura plus
d’effritement », conclut le Dr Saïd.
Rania Adel