A
l’instar de la Yougoslavie en 1990, l’équipe libanaise de
basket-ball se trouve prise dans la tourmente à la veille d’un
Championnat du monde. Une préparation tronquée, des déplacements
compliqués, des démarches administratives entravées, tels sont
les problèmes rencontrés par les basketteurs libanais sans
compter l’angoisse de laisser leurs proches dans un pays
bombardé par Israël depuis le 12 juillet dernier.
Car l’équipe nationale ira bien au Japon, où
se tiendront les Championnats du monde FIBA. « Il était
essentiel qu’on participe.. Le Liban a besoin de quelque chose
de positif, on est un peu les porte-drapeaux du pays », affirme
Paul Coughter, le coach américain de la sélection.
Autour de la star Fadi Al-Khatib, le pays du
Cèdre avait effectué des grands championnats d’Asie en 2005.
Seulement défaits en finale par la Chine du All-Star NBA Yao
Ming, la médaille d’argent qu’ils décrochaient était néanmoins
suffisante pour se qualifier pour ces Championnats du monde.
Si les Libanais ne se dotent d’une équipe
nationale qu’en 1999, ils n’attendront pas longtemps pour faire
parler d’eux. Ils terminent deuxièmes aux Championnats d’Asie
dès 2001 (battus par la Chine, déjà), ce qui leur permettra
d’être du voyage à Indianapolis (Etats-Unis), ville hôte des
Championnats du monde de 2002. Malgré leur dernière place,
suivie d’une non qualification pour les Jeux Olympiques (JO)
d’Athènes 2004, le noyau dur de cette équipe est toujours là.
Dans
la raquette, le Liban espérait compter sur la taille de Joseph
Vogel et Paul Khoury (2,12 m chacun), deux joueurs solides et
expérimentés âgés respectivement de 32 et 38 ans. Mais le
dernier, bloqué aux Etats-Unis, ne pourra finalement rejoindre
la sélection, et sera remplacé par un jeune espoir de 20 ans. La
mène est assurée par le jeune Rony Fahed, très habile derrière
les 6,25 m, mais c’est à l’aile que se trouve la principale
menace offensive libanaise. Fadi Al-Khatib, Scoring-Machine de
27 ans, à la fois « inarrêtable » en un-contre-un et bon
shooteur à trois points, était même proche de signer un contrat
en NBA (Ligue américaine). Après plusieurs essais, il ne sera
finalement pas retenu, mais il reste un joueur de fort potentiel
qui pourrait à terme intégrer l’élite du basket mondial.
Américain de naissance, l’ailier Brian Beshara, qui joue depuis
2001 au pays du Cèdre, complète ce cinq majeur né à
Indianapolis.
Sur le banc, en revanche, les joueurs sont
plus jeunes et, mis à part quelques matchs en Championnats
d’Asie, manquent d’expérience internationale à faire valoir.
En 2005, Paul Coughter, globe-trotter
impénitent sur la planète orange depuis 25 ans et ex-entraîneur
de trois équipes libanaises, prend les rênes de l’équipe avec la
qualification pour les Championnats du monde comme objectif. Ce
contrat rempli, il ne restait plus aux Libanais qu’à faire mieux
qu’en 2002.
C’était sans compter l’attaque israélienne,
lancée moins d’une semaine après le rassemblement des joueurs
libanais à Beyrouth.
La préparation, primordiale avant de telles
échéances internationales, fut dès lors on ne peut plus
chaotique. « Après les premières attaques, on a essayé de
continuer mais les joueurs avaient clairement autre chose en
tête, alors on a fait la seule chose humainement possible de
faire, les laisser rejoindre leurs familles », témoigne le
coach. Après être restés bloqués pendant cinq jours à Beyrouth,
les basketteurs libanais parviennent à sortir du pays par le
nord. Dix heures de bus seront nécessaires pour rejoindre Amman,
en Jordanie, où se tiendra le nouveau camp d’entraînement. Après
un match de soutien au peuple libanais face à l’équipe nationale
jordanienne, ils s’envolent successivement pour la Turquie et la
Slovénie où des tournois internationaux les attendent. Malgré la
situation, les Libanais en reviennent tout de même avec deux
victoires probantes sur le Canada et le Venezuela (mais aussi
une lourde défaite face à la Slovénie), nations habituées aux0
joutes internationales.
Après ces semaines perturbées, l’équipe
devait s’envoler pour les Philippines pour un ultime tournoi de
préparation avant le Japon. Mais la malchance n’avait pas lâché
le pays du Cèdre puisque après vingt minutes de vol, un individu
tentait de s’introduire dans la cabine de pilotage ... Et s’il
fut rapidement maîtrisé par les passagers, bien aidés en cela
par les basketteurs, l’avion dut quand même faire demi-tour.
Finalement arrivés en Asie, les Libanais
tiendront à bien représenter leur pays en essayant de passer le
premier tour. Ce ne sera pas chose aisée ; opposé à l’Argentine,
la France, la Serbie, le Nigeria et le Venezuela, le Liban devra
remporter au moins deux matchs pour se qualifier.
Mais si leur préparation perturbée ne joue
pas pour eux, l’envie de bien faire et la possibilité de mettre
du baume au cœur de leurs compatriotes pourraient leur faire
déplacer des montagnes.
Samuel Tribollet