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 Semaine du 3 au 9 mai 2006, numéro 608

 

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Enquête

Déchets Agricoles. Le gouvernement se dit décidé à s’atteler au problème. Il était temps, alors qu’ils devraient aujourd’hui être à la base d’une industrie de recyclage, ils représentent en fait la cause essentielle de pollution atmosphérique en Egypte. Enquête.

Prémices d’un traitement réfléchi

Mieux vaut tard que jamais. Cependant, la déclaration du ministre de l’Agriculture Amin Abaza d’avril dernier dans la presse sur les déchets agricoles n’en reste pas moins étonnante. Selon lui, l’Egypte souffrirait en effet du problème des déchets en général et ceux résultant de l’activité agricole en particulier. Et cela depuis les années 1980 ! C’est pourquoi, a-t-il poursuivi, son ministère met actuellement en place une stratégie de gestion des déchets agricoles. Elle consistera en des mécanismes précis visant à recycler tous les déchets résultant des différentes récoltes agricoles. Les engrais organiques, les fourrages et bien d’autres composants résultant du recyclage seront ensuite utilisés pour fertiliser les sols et alimenter les élevages.

Sachant que le brûlis des déchets agricoles sont une cause essentielle du nuage noir au-dessus du Caire entre septembre et novembre de chaque année, cette déclaration suscite une question importante : Pourquoi l’Egypte n’a-t-elle pas encore mis en place de politique pour limiter les dégâts de ces déchets agricoles sur l’environnement et en tirer profit ? Car il y a urgence. Tout d’abord, les déchets agricoles en Egypte consistent en des déchets botaniques et animaux, dont le volume s’élève à environ 45 millions de tonnes par an. 30 millions de tonnes constituent des déchets botaniques, selon les sources de l’Agence Egyptienne pour les Affaires de l’Environnement (AEAE). Ces derniers comprennent environ dix espèces, provenant des différentes récoltes agricoles. Mais la paille de riz présente un vrai problème. Et ce, à cause des importantes superficies de culture de riz dont résultent environ 3,5 millions de tonnes de paille par an, brûlées pendant les mois de septembre, d’octobre et de novembre. Autrement dit, la saison du nuage noir au-dessus du Caire. « Le paysan se trouve en fait coincé pendant ces trois mois. Il doit se débarrasser de la paille pour procéder à une autre culture. Ce qui le pousse à brûler rapidement ce genre de déchet. Le manque de coordination entre les ministères de l’Agriculture et de l’Environnement est flagrant sur cette question. Le premier condamne le paysan qui procède au stockage de la paille, à une amende de 10 000 L.E. et à une peine de prison de trois ans. Le second le condamne à une amende de 10 000 L.E. s’il la brûle », explique Essam Nada, responsable des déchets au Bureau Arabe pour la Jeunesse et l’Environnement (BAJE).

D’un autre côté, les efforts du gouvernement pour la gestion des déchets agricoles sont minimes. Il n’existe par exemple dans les villages aucun centre de l’environnement à l’instar des centres sanitaires. Un tel centre, proche des champs, pourrait constituer le lieu où les paysans se débarrasseraient des déchets agricoles à moindres frais. « Il nous manque la gestion complémentaire dans ce secteur de déchets. Il nous manque également une coordination entre les différents ministères concernés. Chaque ministère travaille en fait à huis clos », assure Chaalane Abdel-Hamid Chaalane, ancien directeur de l’Institut de recherches du sol et de l’eau, dépendant du Centre de recherches agricoles.

Le problème résulte également du manque de compresseurs de déchets agricoles. Selon les derniers chiffres publiés par le ministère de l’Environnement, 294 compresseurs sont à la disposition des paysans. Un nombre insuffisant. « En conséquence, le paysan se trouve obligé d’attendre son tour. Pire encore, l’utilisation des compresseurs n’est pas gratuite. La compression de la paille résultant d’un feddan de riz coûte au paysan environ 200 L.E. », assure Rachid Ghobachi, paysan.

De plus, les ministères concernés conseillent aux paysans de construire des silos afin de conserver les déchets agricoles pendant un certain temps jusqu’à fermentation, et ensuite de les utiliser comme fourrages. « Mais ces silos exigent un large espace pour leur construction et une grosse somme d’argent. Les paysans qui peuvent s’en équiper ne sont pas nombreux », explique Essam Al-Gamal, paysan résidant dans le gouvernorat de Qalioubiya. C’est la raison pour laquelle des Organisations Non Gouvernementales (ONG) interviennent depuis 2004 pour aider à résoudre le problème du manque de moyens et d’équipements. Pour ce faire, des projets ont été lancés avec le Fonds Mondial de l’Environnement (FME). « En coopération avec cette instance internationale, nous avons mené, en 2004, un projet pour les déchets agricoles dans trois gouvernorats principaux, à savoir, Qalioubiya, Daqahliya et Charqiya. Nous sommes actuellement dans la deuxième phase qui rassemble environ 32 ONG à Daqahliya et 15 à Charqiya. Leur travail consiste à obtenir un don d’environ 4 000-5 000 dollars pour former les paysans au rassemblage des déchets, à leur recyclage ou à leur transformation en compost ou engrais mixte dans des silos », souligne Samir Al-Chimi, conseiller auprès du FME pour le projet des déchets agricoles tenu avec le BAJE.

Economies considérables

Malgré ces efforts, une autre question se pose : pourquoi la création d’une industrie de base pour les déchets et notamment ceux résultant des activités agricoles est-elle freinée ? Le volume énorme des déchets agricoles produits par l’Egypte nécessite pourtant l’existence d’une industrie afin de tirer un profit maximum. « Selon les études économiques soumises au Conseil des ministres depuis 1997, les ordures ménagères au Caire nécessitent à elles seules la construction d’environ 50 usines de recyclage ayant chacune une capacité de recycler 500 tonnes d’ordures par jour. Bien entendu, si nous attendons les municipalités pour relever ce défi, étant donné leur budget, rien ne sera réalisé », affirme Salah Youssef, directeur du département des sols et de l’eau, au sein du Centre de Recherches du Désert (CRD), relevant du ministère de l’Agriculture. Il explique qu’en Allemagne, par exemple, il existe 20-25 usines destinées au traitement de différents types de déchets.

En Egypte, une industrie pareille pourrait donner des produits comme les engrais organiques qui remplaceront les pesticides chimiques utilisés. Il suffit de savoir que « les millions de tonnes de déchets déversés par an en Egypte peuvent réaliser un investissement de 13-15 milliards de L.E., soit 7 % du budget annuel de l’Etat », assure Youssef. De plus, en Egypte, les engrais chimiques sont subventionnés. Et les paysans ne sont pas les seuls à en profiter. Il existe bien d’autres bénéficiaires qui exportent ces engrais subventionnés. Ces derniers sont réimportés sous d’autres appellations. Affaire qui coûte à l’Etat environ 6-7 milliards de L.E. par an, selon les rapports faits par le Centre égyptien des études économiques. « Il s’agit en fait d’une vraie mafia des engrais chimiques qui entrave la création d’une telle industrie de déchets en Egypte », affirme Youssef. Et d’ajouter : « Si un seul investisseur se lance dans ce domaine, petit à petit d’autres hommes d’affaires prendront l’initiative et nous aurons en Egypte une vraie industrie qui nous aide à résoudre plusieurs problèmes ».

Reste à dire que le ministère de l’Agriculture a pensé récemment à résoudre le problème de la paille de riz en diminuant l’espace cultivé en riz. Il a déjà décidé d’interdire la culture de riz à Qalioubiya, dans la banlieue du Caire. Décision prise pour diminuer la pollution causée par le brûlis de paille ainsi que pour diminuer la quantité d’eau utilisée dans l’agriculture. « Le riz et la canne à sucre utilisent environ 30 % de l’eau utilisée pour l’agriculture en Egypte », assure Samer Al-Moufti, ancien directeur général du CRD. Mais la culture du riz permet aussi de réduire le taux de salinité et celui des résidus pesticides chimiques. Cette culture est donc essentielle. Sinon « dans un an ou deux, rien ne pourra plus être cultivé sur le sol de ce gouvernorat. Le paysan n’aura d’autre solution que de cultiver le riz mé l’interdiction. Qui nourrira ses enfants ? Certainement pas le gouvernement ! », conclut Hassan Saoudi, paysan de Qalioubiya.

Racha Hanafi

 

 




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