Un
bilan de victimes très lourd et une offensive israélienne des
plus violentes. C’est le moins qu’on puisse dire de la situation
actuelle dans les territoires occupés. Si depuis l’enlèvement du
soldat Gilad Shalit, au mois de juin 2006, plusieurs
interventions militaires ont été menées dans la bande de Gaza,
celle menée actuellement sous le nom de « Nuages d’automne » est
la plus cruelle, ne faisant pas de différence entre armé et
civil, ni entre homme et enfant. Jusqu’à lundi, 48 Palestiniens,
dont au moins 25 combattants, ont été tués et plus de 200
personnes blessées. Et il semble qu’on va attendre longtemps
avant que l’entité sioniste décide d’arrêter cette offensive. «
Nous n’avons pas l’intention d’annoncer quand elle prendra fin
», a affirmé le premier ministre israélien Ehud Olmert.
L’opération israélienne a conduit à la réoccupation totale de la
ville de Beit Hanoun (nord) transformée en zone de guerre et
placée sous couvre-feu.
La situation a été qualifiée de « désespérée
» par John Ging, directeur opérationnel de l’Agence de l’Onu
pour l’aide aux réfugiés palestiniens à Gaza, qui a demandé
l’arrêt des violences. Face à cette situation, le président de
l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbass, n’a trouvé de solution
que de faire appel à l’Onu. « M. Abbass a adressé une lettre au
président du Conseil de sécurité lui demandant de réunir
immédiatement cette instance pour discuter de la situation
tragique provoquée par l’agression israélienne contre la bande
de Gaza », a indiqué le porte-parole de M. Abbass, Nabil
Abou-Roudeina. « Israël parle d’autodéfense, mais cherche en
fait l’escalade pour nuire aux efforts que les Palestiniens
déploient pour résoudre leur crise politique », a-t-il ajouté.
Toutefois, sur la scène internationale, aucun
acte concret n’a été entrepris. On assiste juste à des
déclarations de dénonciations de faible teneur. Le secrétaire
général de l’Onu, Kofi Annan, a seulement fait part de sa
préoccupation face à la poursuite des attaques israéliennes sur
Gaza. Il a mis en garde contre des « opérations militaires dans
les zones habitées » qui « font inévitablement des victimes
civiles ». Il a appelé Israël « à faire preuve de retenue, à
faire de son mieux pour protéger les civils et à s’abstenir de
provoquer une escalade dans une situation qui est déjà grave ».
Le ministre des Affaires étrangères français, Philippe
Douste-Blazy, a de la même manière demandé à « toutes les
parties » d’« éviter l’escalade de la violence » et a ajouté que
la situation actuelle rendait « plus nécessaire encore la
reprise du processus de paix ». La ministre des Affaires
étrangères britannique, Margaret Backett, a tenu un langage
assez proche en déclarant : « Israël a le droit de se défendre
mais toute action doit être proportionnée et en accord avec les
lois humanitaires internationales ».
Seul Washington a affiché un soutien plus net
à l’Etat hébreu. Le porte-parole du département d’Etat, Sean
McCormack, a certes affirmé que « la perte de vies innocentes
est une réelle tragédie ». Mais pour lui, ce qui est
inacceptable, c’est que des soldats israéliens soient placés «
dans des situations où ils doivent choisir entre se défendre ou
risquer la vie des innocents ».
Réoccuper Gaza ?
La position de la communauté internationale
est pour ainsi dire honteuse. « Pour expliquer ce qui se passe
dans la bande de Gaza, il faut prendre en considération trois
phénomènes. Primo, la position des pays arabes qui n’ont joué
aucun rôle diplomatique pour dissuader Israël ou lui faire
connaître la gravité de ses pratiques. Secundo, le parti pris
des forces internationales pour l’Etat hébreu, celles-ci voulant
laisser Israël prouver qu’il demeure toujours un pays fort, même
après sa défaite au Sud-Liban. Cette conspiration est dirigée
par les Etats-Unis qui donnent des prétextes d’autodéfense à
Israël. Tertio, la faiblesse et la dissidence interpalestinienne
a certes permis à l’Etat hébreu de mener ses incursions »,
assure le Dr Seif Abdel-Rahmane, professeur de sciences
politiques à l’Université du Caire.
S’agit-il d’une volonté de réoccuper la bande
de Gaza ou d’arrêter vraiment les tirs de roquette ? D’aucuns ne
se trompent que les raids cachent un autre objectif, beaucoup
plus profond, à savoir affaiblir davantage le Hamas en liquidant
ses chefs, semer la terreur entre les Palestiniens et libérer le
caporal Gilad Shalit, fait prisonnier en juin dernier. L’Etat
hébreu parviendra-t-il à atteindre ce but ? Non. « L’agression a
échoué et nous poursuivons nos héroïques tirs de roquettes », a
dit Abou-Moujahid, porte-parole des Comités de la résistance
populaire. Ce groupe, responsable de l’enlèvement du caporal
Gilad Shalit a mis en garde contre l’intensification des frappes
aériennes dans la bande de Gaza qui pourraient selon eux mettre
en danger la vie du soldat.
« Nous faisons porter à l’ennemi sioniste la
responsabilité de la vie du soldat s’il est tué dans un raid
aérien à n’importe quel endroit », a déclaré Abou-Moujahid. Un
porte-parole du Hamas a, de son côté, souligné : « Nous
répondrons durement à ces assassinats contre les fils du Hamas.
Ces assassinats ne nous rendront que plus forts dans la
résistance », a déclaré Abou-Obeïda. Même son de cloche chez le
chef du parti israélien d’opposition de gauche Meretz, Yossi
Beilin, qui a en revanche réclamé l’arrêt immédiat de cette
opération qui ne fait que renforcer la position d’Ismaïl Haniyeh.
« Haniyeh était très affaibli ces derniers temps. Avec notre
opération, il est redevenu un héros », a-t-il estimé.
Pour le Dr Abdel-Rahmane, toute résistance
pourra traverser une période de faiblesse, mais cela ne signifie
point sa fin, elle se rétablira et retrouvera sa force. Espérons
que ce soit le cas dans les territoires occupés.
Rania Adel