Un Israélien athée défend l’islam
Mohamed Salmawy
Je
n’imaginais pas que la question soulevée par le pape du
Vatican, Benoît XVI, et ses retombées allaient perdurer
jusqu’à maintenant ou que j’allais en parler de nouveau. Mais
j’ai retrouvé récemment un important article signé par un
écrivain israélien qui m’a été envoyé par un ami égyptien par
courrier électronique. Cet article comporte, à mon avis, la
meilleure réponse à propos de ce sujet. J’ai estimé nécessaire
de mettre le lecteur au courant de son contenu à cause de
l’argument qu’il avance et de la discussion objective des
faits historiques qui réfutent les conclusions du pape en
faisant de l’islam une religion violente propagée par la force
de l’épée.
L’écrivain de l’article n’est autre que Uri Avneri, ex-député
de la Knesset et l’un des membres importants du mouvement de
paix israélien Gush Shalom. Le titre de l’article est L’Epée
de Mohamed. Avneri démontre que la relation entre les «
Empereurs » et les chefs de l’Eglise depuis l’époque de
l’Empire romain a évolué à plusieurs étapes, qui se
caractérisaient parfois par des relations d’animosité. Les «
Empereurs » démettaient les chefs d’Eglises ou le contraire se
passait. Mais ceci n’empêchait pas qu’il existait des moments
de relations amicales et pleines de cordialité. Avneri dit que
nous vivons actuellement l’une de ces étapes entre l’actuel
pape et le président américain George Bush, ce qui nous
rappelle la relation entre l’Eglise et les rois et reines de
l’Europe du Moyen-Age. L’Eglise avait jadis incité les rois à
déclencher des guerres contre les Arabes au nom de la croix.
Les remarques faites par le pape dans sa conférence sont en
accord avec les guerres menées par Bush pour l’heure contre ce
qu’il appelle « le fascisme islamique » ou la « guerre contre
le terrorisme ».
Avneri
affirme qu’il est un juif athée et par conséquent, il ne peut
pas comprendre les dires du pape selon lesquels Dieu, dans le
christianisme, se caractérise par la rationalité, à l’inverse
de l’islam. Il a ajouté qu’il n’avait pas l’intention de
défendre un avis contre l’autre, mais de défendre plutôt la
vérité.
Au début, Avneri démontre que le pape a fait une erreur en ce
qui concerne le numéro du verset coranique, selon lequel il
n’y a pas de contrainte en matière de religion, que c’est le
verset 256 alors qu’il s’agit du verset 257 de la deuxième
sourate. Le pape avance que lorsque la position de Mohamad
s’est raffermie, il a donné l’ordre à ses adeptes d’utiliser
l’épée au nom de la religion. Mais le Coran, déclare Avneri,
ne comporte pas ce qui incite les musulmans à diffuser l’islam
par l’épée et Mohamad, lorsqu’il a mené sa guerre, l’avait
fait pour des raisons politiques et non pas religieuses.
Mohamad était sur le point, selon les dires d’Avneri, de
fonder un grand Etat qui a perduré plus de mille ans. Et la
question est de savoir ce qu’ont fait ces gouvernants
musulmans avec la force de l’épée ? Avneri répond à cette
question en niant le fait qu’ils aient utilisé la force à
cette fin. Les musulmans ont gouverné la Grèce, par exemple,
pendant des siècles, les Grecs se sont-ils convertis à l’islam
et les musulmans ont-ils tenté de les y faire adhérer par la
force ? Les Grecs de confession chrétienne ont occupé les plus
hauts grades au sein de l’Empire ottoman, et les Bulgares, les
Serbes et les Hongrois ainsi que d’autres peuples européens
ont été soumis au pouvoir islamique sans être contraints à se
convertir à l’islam.
Uri Avneri mentionne que la population albanaise et celle de
Bosnie se sont converties à l’islam sans en être contraintes.
Alors qu’en 1099, les croisades ont utilisé leurs épées pour
massacrer les musulmans et les juifs sans distinction aucune
et ceci au nom du christianisme rationnel dont parle le pape.
L’écrivain israélien affirme que Jérusalem, à cette époque,
était sous le pouvoir islamique depuis environ 400 ans, et en
dépit de cela, la majorité était chrétienne.
Et Avneri de poursuivre : il n’existe aucune preuve dans
l’Histoire que les musulmans ont essayé d’imposer l’islam par
la force aux juifs. Ainsi, les juifs d’Espagne ont connu sous
le pouvoir de l’islam une prospérité qu’ils ne connaissent pas
de nos jours. Les juifs étaient des ministres et des savants
et également des poètes. Les chercheurs musulmans, juifs et
chrétiens ont travaillé ensemble à Tolède dans la traduction
des œuvres des philosophes grecs. Cette époque était non
seulement l’âge d’or des sciences et des arts, mais également
celle de la coexistence entre les religions. Comment ceci
aurait-il pu se faire si le prophète avait donné l’ordre aux
musulmans de diffuser l’islam par l’épée ?
A travers les faits de l’Histoire, Avneri affirme que les
événements ultérieurs sont encore plus significatifs. Lorsque
les catholiques ont envahi l’Espagne et l’ont prise aux
musulmans, ils ont établi un pouvoir religieux reposant sur le
terrorisme. Les musulmans et les juifs étaient obligés de se
convertir au christianisme, sinon ils auraient été massacrés
ou expulsés. Avneri se demande où sont allés les milliers de
juifs qui n’ont pas voulu renoncer à leur religion ? Et de
répondre qu’ils ont été accueillis à bras ouverts dans les
pays islamiques du Maroc jusqu’en Iraq, à l’est, et en
Bulgarie dans le nord, qui faisait partie à l’époque de
l’Empire ottoman jusqu’au sud. Les pays musulmans n’ont pas
connu les massacres de l’inquisition catholique dans tous les
pays chrétiens. L’islam n’a pas demandé à ses adeptes
d’utiliser l’épée, mais de bien traiter les adeptes des
religions monothéistes.
Ensuite, il aborde la question de la guézia ou tribut que
payaient les non-musulmans dans les pays musulmans. Cet
argument est avancé par certains pour prouver que les adeptes
des autres religions n’étaient pas traités sur un pied
d’égalité avec les musulmans. En effet, ils payaient le tribut
mais ils n’étaient pas appelés à effectuer le service
militaire dans leurs armées. C’était une équation qui plaisait
bien aux juifs et aux chrétiens, surtout en sachant que le
tribut qu’ils payaient équivalait à 2 % de leurs revenus
annuels, alors que les musulmans, eux, devaient payer 2,5 % de
leurs revenus annuels sous forme de zakat (ou aumône légale)
et ils effectuaient également le service militaire.
Uri Avneri parvient à dire en conclusion, et je cite là
littéralement ses propos dans l’article : « Chaque juif
sincère connaisseur de l’histoire de son peuple doit ressentir
une gratitude profonde envers l’islam qui a protégé les juifs
tout au long de 50 générations. Alors que le monde chrétien
les a persécutés par l’épée pour les obliger à se convertir au
christianisme ».
Il ajoute que l’histoire de la diffusion de l’islam par l’épée
est une mystification pure et simple dont les origines
remontent à l’Europe au moment des grandes guerres contre les
musulmans depuis la guerre des catholiques contre les
musulmans en Espagne jusqu’aux croisades pour en arriver à la
guerre contre les Turcs ottomans, qui étaient sur le point
d’envahir Vienne. Le pape allemand croit en ces fausses idées.
Ce qui signifie que le leader catholique du monde, qui est un
grand théologien et chercheur en matière de religion, n’a pas
déployé le maximum d’efforts pour étudier l’histoire des
autres religions.
Si telles sont les croyances du pape, la question est de
savoir la raison d’en parler actuellement ? Pour répondre à
cette question, Avneri affirme que nous ne pouvons guère
dissocier les dires du pape de la guerre actuelle menée par
Bush au nom des croisades et qui a pour ultime objectif de
contrôler les puits de pétrole de par le monde. Ce n’est pas
la première fois que cet appel revêt un habit religieux pour
voiler les intérêts économiques existants.
Pour terminer, tout ce que je peux dire, c’est que nous les
musulmans aurions été embarrassés d’apporter une réponse
pareille comme nos citoyens chrétiens ont été embarrassés par
les paroles du pape. La réponse est arrivée de Uri Avneri, le
juif athée, raison pour laquelle j’ai choisi de lui consacrer
mon article cette semaine.