Conflit
Israélo-Palestinien. Les
Palestiniens sont enthousiasmés par le scrutin du 25 janvier
qu’ils vivent comme une fête sans se préoccuper du sort
de Sharon. Les figures symboliques de Arafat et du cheikh
Ahmad Yassine dominent la campagne. |
La
passion électorale |
Gaza,De notre correspondant
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Ce
qui se passe à l’hôpital Hadassa de Jérusalem n’empêche
pas les factions palestiniennes de mener tambour battant
leur campagne électorale, sous le signe du passé. Passé
récent, il est vrai, mais aussi et surtout une référence
symbolique. Un an après la mort de Arafat et deux ans
après l’assassinat par Israël du cheikh Ahmad Yassine,
fondateur du mouvement Hamas, les deux hommes étaient
fortement présents dans la propagande électorale pour
l’élection du Conseil législatif. La campagne entamée
le 3 janvier doit se terminer le 23 du même mois, soit
48 heures avant l’ouverture du scrutin qui aura lieu le
25 janvier. De plus, avec les échos de l’état de santé
de Sharon, on ne manque pas à cet égard de comparer :
le bouleversement politique créé en Israël par l’état
critique du premier ministre avec un processus plus ou
moins similaire côté palestinien, avec l’affaiblissement
du chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbass. Elu
il y a un an sur un programme prônant notamment la restauration
de l’ordre public et le respect de la loi, Abbass est
régulièrement défié par ses propres troupes. De plus,
l’image d’un Sharon qui aurait pu être l’homme du règlement
pacifique s’adapte à cette situation nostalgique qui règne.
Cela dit, si cela entraîne des calculs chez les responsables,
le citoyen, lui, ne voit pas la différence entre un Sharon
et un autre politicien israélien.
Dès le premier jour de la campagne, les
candidats du Fatah, la faction la plus importante de l’OLP,
ont choisi la tombe de Yasser Arafat, son fondateur mort
en 2004 et qui demeure le symbole de la lutte palestinienne
pour l’indépendance, dans la cour de la Mouqataa, le quartier
général de l’Autorité palestinienne à Ramallah en Cisjordanie.
Dans une brève allocution, le directeur de la campagne
du Fatah, le vice-premier ministre Nabil Chaath, s’est
tourné vers la foule immense de partisans. « De devant
la tombe du commandant et symbole, le fondateur de la
révolution palestinienne, et dans ces conditions exceptionnelles
de l’histoire de notre peuple où les lourdes tâches et
les défis internes et externes se mêlent, j’annonce le
lancement de la campagne ». Cette présence de Arafat ne
s’est pas limitée à Ramallah mais s’est étendue à toutes
les villes et villages palestiniens, notamment à Gaza
de telle sorte que le portrait du dirigeant historique
est devenu un dénominateur commun dans toutes les affiches
électorales des partisans du Fatah et des autres candidats
n’appartenant pas aux mouvements Hamas et le Djihad.
Voire, les hommes du Fatah ne se sont
pas contentés de l’image de Arafat. Ils ont eu recours
aussi à sa voix. Ils ont loué des voitures avec haut-parleurs
pour faire le tour des rues de Gaza diffusant des discours
de Arafat. Il s’agit de donner la preuve du caractère
patriotique des candidats, du fait qu’ils se fondent sur
un grand passé de militantisme, celui d’Abou-Ammar (nom
de guerre de Arafat). C’est l’homme qui a transformé la
cause palestinienne et lui a donné son étiquette de cause
d’indépendance. C’est lui qui a attiré l’attention du
monde à cette affaire qui était jusque-là limitée à une
cause de réfugiés qui cherchent à être réinstallés. Une
campagne donc dont le leitmotiv est : « Avec votre permission,
Abou-Ammar, nous continuerons à brandir le drapeau du
Fatah et le conduirons à la victoire ».
Face au Fatah qui est l’initiateur de
la lutte palestinienne au cours de toutes les étapes et
aussi l’initiateur du processus de paix né à Oslo, le
mouvement islamiste Hamas a également choisi de lancer
symboliquement sa campagne devant la maison de son fondateur
Ahmad Yassine, assassiné en 2004 par Israël. Les portraits
du cheikh Yassine et de son successeur Abdel-Hamid Al-Rantissi
sont venus concurrencer ceux de Arafat donc. Dans un discours
à l’adresse des partisans, cheikh Ismaïl Haniya, cadre
du Hamas, a indiqué que la décision d’annoncer la campagne
à Gaza était destinée à exprimer la fidélité au cheikh
Yassine.
Cheikh Haniya a évoqué un autre aspect
de cette campagne, celui du relèvement du niveau de vie
des Palestiniens. Il a indiqué que la participation au
Conseil législatif Palestinien (CLP) était une étape pour
réorganiser les affaires intérieures des Palestiniens.
« Quand le Hamas entrera au CLP, il aidera à renforcer
les services économiques et sociaux pour le peuple »,
a-t-il ajouté.
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Hamas
défie Tel-Aviv |
Bien qu’Israël n’ait pas caché son
intention de poursuivre ses assassinats des chefs du
Hamas, des dirigeants comme Haniya et Mahmoud Al-Zahar
qui figurent sur les listes des candidats ont défié
l’Etat hébreu. Ils sont sortis dans les rues pour participer
à la campagne et organisé des rallies populaires qui
reflètent la forte présence du mouvement dans les rues
de Gaza en particulier et la rue palestinienne en général.
Au-delà, la campagne électorale a apporté
de l’effervescence dans les rues palestiniennes en général
et le secteur de Gaza en particulier. Elles ont témoigné
d’activités fébriles de la part des candidats de tous
bords : les indépendants comme les membres des partis
inscrits sur des listes. La loi électorale palestinienne
prévoit que 50 % des sièges du conseil soient attribués
aux candidats individuels même s’ils sont membres de
partis. Un certain nombre de sièges est réservé au niveau
des listes et individuels aux femmes et aux chrétiens.
Ce n’est donc pas une surprise que des femmes et des
chrétiens figurent sur les listes du Hamas.
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Une vie nocturne
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Autre preuve
de cet engouement électoral, les veillées et les propagandes
ne se sont pas limitées aux congrès publiques, elles
ont gagné aussi les foyers familiaux. Les représentants
des candidats ont par ailleurs défié la police en gribouillant
les murs de graffitis, chose interdite en principe.
Une armada d’activistes de toutes obédiences a ainsi
envahi les rues pour en peinturlurer les murs. A l’angle
de l’avenue, sur les façades du Conseil législatif,
d’immenses panneaux du Front Démocratique pour la Libération
de la Palestine (FPLP), groupe aux lointaines origines
marxistes, dégoulinent de colle fraîche. Sur l’artère
parallèle, les Lionceaux du Fatah, nouvelle émanation
du vieux mouvement nationaliste, badigeonnent avec entrain
le mur blanc face au stand du vendeur de falafels le
plus apprécié du quartier.
A Gaza,
les élections ont apporté de la différence. Ce secteur,
connu pour être couche-tôt en raison de l’absence de
cinémas, de théâtres et de boîtes de nuit et aussi parce
que les habitants veulent se réveiller à l’aube pour
faire leur prière, est tout d’un coup devenu très agité
le soir. Il n’est pas inhabituel d’entendre les voitures
munies de haut-parleurs faire la propagande au cœur
de la nuit et attirer ainsi les habitants, les tirant
de leur sommeil. Chose que ni les bombardements israéliens
ni les survols nocturnes de la chasse israélienne n’ont
réussi à faire. Il est devenu familier de croiser des
gens à minuit dans les rues. Les magasins restent ouverts
aussi jusqu’à l’aube. Avec ceci de négatif : de nombreuses
bagarres entre des jeunes appartenant aux différentes
factions avec usage des armes parfois. Un jeune activiste
du Hamas a ainsi été tué.
Malgré
cette fébrilité, des réconciliations ont lieu quelques
heures plus tard.
Le seul
incident qui a fait que les habitants palestiniens ont
retenu leur souffle a été la mort de deux policiers
égyptiens à Rafah. Des membres armés des Brigades des
martyrs d’Al-Aqsa avaient forcé la frontière avec l’Egypte,
mercredi 4 janvier, près de Rafah, dans le sud de la
bande de Gaza, pour protester contre l’arrestation de
l’un de leurs dirigeants à la suite du bref enlèvement
de ressortissants britanniques à la fin du mois de décembre.
Ces miliciens, issus du Fatah, se sont emparés d’un
bulldozer avec l’aide duquel ils ont défoncé une partie
du mur de béton installé pour empêcher les passages
illégaux en Egypte. Dans le désordre qui s’esensuivi,
deux policiers égyptiens ont été tués. Une affaire réglée
au niveau diplomatique et qui a été marquée par des
défilés d’habitants de Gaza exprimant leur amour pour
l’Egypte. Rien de plus normal, de nombreux habitants
sont d’origine égyptienne et maintiennent des rapports
avec l’Egypte depuis Mohamad Ali. C’est la seule chose
qui a fait diversion dans cette ambiance d’effervescence
électorale .
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Achraf
Aboul-Hol |
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Shimon Pérès, 82 ans. C’est
monsieur ministères qui a exercé toutes les fonctions
ministérielles : deux fois chef de gouvernement, ministre
des Affaires étrangères, de la Défense, des Finances,
de l’Information, des Transports, de l’Intégration.
Seule la fonction de président de l’Etat lui échappe
en 2000 lorsqu’il a été battu par Moshé Katsav. Pérès
est l’un des derniers pères fondateurs travaillistes.
Présent sur la scène politique depuis plus d’un demi-siècle,
il a perdu la direction du Parti travailliste en novembre
face à Amir Peretz. Une défaite qui le pousse à quitter
son parti pour soutenir la nouvelle formation d’Ariel
Sharon, Kadima.
Classé à ses débuts parmi les « faucons
» travaillistes, il a cautionné, alors qu’il était ministre
de la Défense dans les années 1970, les premières colonies
en Cisjordanie et s’est acquis une réputation de « colombe
» en jouant un rôle moteur dans les accords conclus
avec Yasser Arafat en 1993, alors que Ytzhak Rabin,
le premier ministre de l’époque, était encore très sceptique.
Mais, il a été battu par Netanyahu aux élections générales
qui ont suivi l’assassinat de Rabin et il n’a jamais
été capable de remporter une victoire nationale. Les
récents sondages le placent pourtant en tête des législatives
de mars.
Ehud Olmert, 60 ans, politicien
accompli, il est l’un de ceux qu’on appelle les « princes
du Likoud ». Sa formation idéologique est celle d’un
homme de droite, mais il a été l’un des premiers à suivre
M. Sharon lorsque ce dernier a claqué la porte du Likoud
pour former le parti Kadima, en vue des élections de
mars prochain. Il a été pendant dix ans maire de Jérusalem
et a mené la lutte pour la judaïsation de Jérusalem-Est
avant d’être nommé ministre de l’Industrie dans le gouvernement
d’Ariel Sharon puis vice-premier ministre. Amateur de
football et de cigares, Olmert est un grand bourgeois
qui a entamé une évolution en faveur de plus de souplesse
à l’égard des Palestiniens alors que c’était lui qui
prônait des injures contre le président Arafat.
Selon lui, « Arafat ne peut plus être
un facteur dans ce qui se passe ici. La question est
de savoir comment nous allons atteindre notre objectif.
L’expulsion est certainement une option. Le tuer est
également une option ». Cependant, Olmert aura été celui
qui lançait les ballons d’essai de la nouvelle politique
israélienne, avant même le premier ministre. Il s’était
porté candidat à la direction du Likoud en 1999 face
à Sharon. Il n’a pas non plus d’assise politique. Il
n’est donc pas évident que le Kadima le désignera pour
succéder à Sharon .
Amir Peretz, 53 ans. C’est
le bouillonnant syndicaliste de gauche et l’ancien militant
du mouvement anticolonisation La Paix Maintenant. Son
entrée au Parlement date de 1988. Amir Peretz a pris
la tête du Parti travailliste en liant la lutte sociale
et le combat pour la paix. Né au Maroc et issu d’un
milieu populaire, il a battu le leader historique du
parti, Shimon Pérès, et écrasé ses autres rivaux, tous
des anciens généraux ashkénazes pour devenir le premier
séfarade ou juif d’origine orientale à prendre la tête
du Parti travailliste. Ses espoirs avaient été écrasés
par le rouleau compresseur Sharon et par la création
du Kadima. Une partie de l’électorat pourrait se tourner
vers lui. Mais son manque d’expérience puisqu’il n’a
jamais occupé de poste ministériel reste un handicap
.
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Aliaa
Al-Korachi et S. G. |
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