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Ministre nigérienne des Affaires étrangères, de la Coopération et de l’Intégration africaine, Aïchatou Mindaoudou était en visite en Egypte la semaine dernière. Elle évoque les rapports de Niamey avec Le Caire et analyse les grandes questions qui préoccupent le continent noir.
« Il n’est pas juste qu’un pays déterminé représente indéfiniment l’Afrique au Conseil de sécurité »

Al-Ahram Hebdo : Vous avez présidé, au Caire, avec votre homologue égyptien Ahmad Aboul-Gheit la commission mixte égypto-nigérienne. Quel bilan faites-vous de ces travaux ?

Aïchatou Mindaoudou : Nous sommes satisfaits des résultats de la commission mixte parce qu’elle s’est tenue dans un environnement favorable, à la suite du discours prononcé par le président Hosni Moubarak lors du dernier sommet du Nepad à Charm Al-Cheikh, où il a donné une orientation très claire pour que l’Egypte puisse être aux côtés de l’Afrique et intervenir d’une façon beaucoup plus intense en sa faveur. Nous sommes satisfaits parce que notre pays figure parmi les pays ciblés. Ce nouvel environnement a contribué à la réussite de notre mission en Egypte.

Concrètement, l’Egypte, à travers ses ministres concernés, s’est engagée à accroître son aide au Niger dans les domaines traditionnels de coopération, fondamentaux pour le développement de notre pays, que sont la santé, la formation des ressources humaines et l’agriculture. Concernant cette dernière par exemple, l’Egypte a mis en place au Niger il y a quelques années une ferme-pilote dont l’objectif est de développer des semences d’une meilleure productivité. Avec l’aide d’experts égyptiens, nous recherchons les moyens de doubler, de tripler, voire de quadrupler la production agricole d’un pays qui est à 90 %, voire à 100 % agricole, dont la production est soumise aux aléas climatiques et où la saison des pluies ne dépasse pas les trois mois par an. Cette ferme a aussi pour vocation de développer la production laitière. Nos vaches produisaient entre 2 et 3 litres par jour. Grâce aux expériences des spécialistes égyptiens, cette production a été portée à 10 litres par jour. L’expérience de cette ferme va être renforcée et généralisée et nous avons sollicité l’ouverture d’une deuxième ferme au Niger. C’est très important pour un pays désertique comme le nôtre.

Concernant les ressources humaines, l’Egypte dispense des formations de courte et de longue durées aussi bien pour des étudiants que des fonctionnaires nigériens. Le seul problème que nous rencontrons et que nous avons pu régler cette fois-ci était celui de l’équivalence des diplômes. Ce qui nous empêchait de pouvoir profiter pleinement du nombre de bourses mises à notre disposition. Là dessus, le ministre égyptien de l’Enseignement supérieur m’a promis de régler ce problème et, mieux, d’accroître le nombre de bourses au bénéfice du Niger. Ces domaines de coopération sont très importants pour le développement de notre pays.

Outre ces secteurs traditionnels, nous avons exploré de nouveaux domaines de coopération, notamment l’irrigation. Le monde entier sait que l’Egypte a acquis une grande expérience dans les techniques de l’irrigation. Le ministre égyptien de l’Irrigation et des Ressources hydrauliques enverra dans les prochains jours une équipe d’experts pour évaluer les besoins du Niger en matière d’irrigation. Notre pays désertique utilise encore des techniques traditionnelles d’irrigation qui ne sont pas très performantes. Nous avons donc besoin de l’expertise égyptienne pour apprendre à notre population à avoir une irrigation optimale, avec peu de moyens.

Nous avons enfin conclu un accord avec le ministère égyptien des Affaires étrangères pour renforcer notre coopération pratique et surtout notre concertation politique au niveau international, afin de parvenir à des positions communes que nous pouvons défendre sur le plan international.

— Cette concertation politique dont vous parlez a-t-elle abouti à une position commune concernant la réforme et l’élargissement du Conseil de sécurité de l’Onu ? Le Niger soutient-il la candidature de l’Egypte à un siège permanent parmi les deux qui seraient attribués à l’Afrique au sein de l’exécutif onusien ?

— Pour le Niger, la question des sièges au Conseil de sécurité n’est pas importante, car il s’agit avant tout d’une réforme des Nations-Unies. Le Niger met beaucoup plus l’accent sur l’autre aspect de la réforme qui consiste à savoir comment et quels moyens mettre en place pour atteindre les objectifs du Millénaire. Concernant l’élargissement du Conseil de sécurité, nous pensons qu’il y a deux étapes. La première est de définir une position commune sur les demandes de l’Afrique. L’Union Africaine (UA) a avalisé la formule A qui accorde deux sièges au continent, mais renforcée du droit de veto. Pour le Conseil de sécurité, tous les membres doivent avoir un droit de veto ou bien aucun membre ne doit l’avoir. C’est une question de principe et d’égalité, parce que nous ne voulons pas que l’Afrique aille au Conseil de sécurité pour être un membre de seconde zone.

Si nous avons les deux sièges pour l’Afrique, avec droit de veto, il faut à ce moment-là revenir pour décider qui vont occuper ces deux sièges. Aucun pays africain ne doit être exclu de la prétention à représenter l’Afrique au Conseil de sécurité. Dans ce cadre, l’Egypte a tout à fait le droit de vouloir représenter l’Afrique. Mais c’est une décision qui va se prendre le moment venu, et le Niger va prendre sa décision conformément à ses excellentes relations de coopération avec l’Egypte.

— Le Niger préférerait-il que l’occupation de ces deux sièges soit par rotation entre pays africains plutôt que par deux Etats déterminés ?

— Je pense que l’orientation que prennent les débats au sein de l’Afrique va effectivement dans le sens du principe de rotation. Il est vrai que dans les discussions officielles cette question de « partage » des sièges n’est pas posée, mais dans les discussions informelles, la plupart de mes collègues sont favorables à ce principe de rotation. Vous ne pouvez pas soutenir qu’un pays déterminé représente l’Afrique au Conseil de sécurité indéfiniment. Ce ne serait pas très juste.

— Plus de trois ans après son lancement en fanfare, le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad) n’arrive pas à décoller. Pourquoi ?

— Quelle que soit la critique que l’on peut adresser au Nepad, nul ne peut contester le caractère exceptionnel de la philosophie qui a sous-tendu le Nepad. Nos chefs d’Etat ont pris la responsabilité de prendre en charge le développement de l’Afrique en posant clairement un cadre à même de réaliser cet objectif, notamment en matière d’infrastructures et de grands projets. Il faut donc rendre justice à cet esprit d’africanité qui a animé les initiateurs de ce projet. Cependant, on ne peut pas nier qu’il y a un grain de sable qui empêche la mécanique de tourner. Une telle initiative ne peut pas être mise en œuvre de façon optimale et satisfaisante du jour au lendemain. Les peuples africains qui sont dans le besoin sont impatients. Mais dans certains domaines, il faut savoir être patient.

Le problème est que plusieurs promesses de financement ont été faites, mais elles ne se sont pas concrétisées, d’où l’idée de régionaliser la mise en œuvre du Nepad, c’est-à-dire de prendre en compte les besoins de chaque région du continent et de procéder par morceaux. C’est ainsi qu’on peut avancer sur un continent aussi immense que l’Afrique.

— Pour rendre crédible leur volonté d’introduire des réformes aussi bien économiques que politiques, les Etats africains ont créé le Mécanisme Africain d’Evaluation par les Pairs (MAEP). Le but étant d’attirer les investissements et les aides étrangers. Cependant, les pays donateurs ne tiennent toujours pas leurs promesses de financement des projets du Nepad. Pourquoi ?

— Nos partenaires occidentaux demandent toujours plus en matière de démocratie et de respect des droits de l’homme. Mais le comité de mise en place du Nepad essaie toujours de convaincre nos partenaires de matérialiser leurs promesses de financement.

— Pourquoi l’Afrique se trouve-t-elle à la traîne par rapport aux autres continents en matière démocratisation ?

— Les peuples d’Afrique n’aspirent pas moins à la démocratie que les peuples des autres continents. Mais à partir du moment où nous avons en Afrique un boulet au pied, constitué principalement par la pauvreté, les autres questions, y compris la démocratie, peuvent sembler secondaires. Cela n’enlève rien à la volonté des populations africaines de vivre dans un environnement démocratique.

— Quel diagnostic faites-vous de la multiplication des conflits en Afrique ? Comment y remédier ?

— C’est essentiellement une question de volonté de vivre en paix, de s’asseoir autour d’une table pour se comprendre, et de faire des concessions. Mais parfois, chacun est passionné et crispé sur ses positions. Ce qui amène les conflits. Cependant, avec l’UA, les conflits sont pris en charge déjà avant leur éclatement. L’UA s’est donné pour mission de calmer les tensions et de rapprocher les points de vue des parties en conflit. L’UA, contrairement à son prédécesseur l’Organisation de l’unité africaine, s’occupe d’intérêts plus pratiques, plus matériels et plus actuels de l’Afrique. C’est ainsi que le règlement des conflits figure en tête des priorités de l’UA, car on a constaté que ces conflits constituent un lourd handicap pour le développement du continent .

Propos recueillis par
Hicham Mourad

 

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