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Polygamie. Une seule épouse ne suffit pas, tel est le slogan d’une nouvelle association fondée par une femme qui appelle à la polygamie afin de résoudre les problèmes des filles qui ne trouvent pas de maris. L’idée a déclenché un tollé parmi les femmes.

Maris à la carte

Trois ans après la diffusion du feuilleton de Hag Métoualli, un singulier personnage marié à quatre femmes en même temps, une association nommée Tayssir (littéralement faciliter) soutenant la polygamie a vu le jour, avec comme slogan une seule épouse ne suffit pas. La fondatrice de l’association, Hayam Darbak, une journaliste, appelle les hommes mariés à prendre une seconde épouse. Depuis, le téléphone n’arrête pas de sonner et la fondatrice de cette association ne cesse de recevoir des lettres de femmes exprimant leur mécontentement en termes injurieux, car très révoltées par cette idée saugrenue.

Un sujet qui a provoqué un tollé après la publication de plusieurs articles de la journaliste.

Selon elle, l’objectif est d’aider à résoudre le problème des jeunes filles qui ont dépassé l’âge du mariage et de lutter contre les relations extraconjugales. « N’est-il pas préférable qu’un mari prenne une seconde femme que d’avoir une maîtresse ? », argumente Hayam Darbak. Des déclarations qui ont provoqué une onde de choc auprès des femmes outrées par ce slogan, soutenu de surcroît par une femme cultivée. Il y a quelques semaines, lors d’une émission télévisée présentée par Mona Al-Husseini, cette journaliste a été vivement critiquée et bombardée de questions. Depuis, les réactions de mécontentement ne cessent d’affluer face à cet appel considéré par beaucoup de femmes comme une offense. « Viendra-t-il le jour où l’on verra des hommes se balader avec des pancartes indiquant homme à louer ? », lâche une femme scandalisée. « Pourquoi précisément les hommes mariés et non pas les célibataires ? A croire que l’objectif de cette association est de détruire les foyers stables ». « Aujourd’hui, l’homme a de plus en plus de difficultés à subvenir aux besoins d’une seule femme, serait-il alors capable de prendre en charge une seconde épouse ? », autant d’avis nuancés et qui reflètent ce flot de contestations mêlées de colère face au personnage de Hag Métoualli, qui s’est comporté avec loyauté envers ses 4 épouses. Face aux critiques acerbes lancées contre elle, Hayam Darbak a révélé avoir proposé à son mari, qu’elle aime toujours, de prendre pour seconde épouse l’une de ses trois amies pour le rendre plus heureux, étant donné qu’elle est trop prise par ses activités quotidiennes. Elle explique sa logique. « Dès que l’homme prend une seconde épouse, les deux femmes en tirent profit. Autrement dit, la première fera de son mieux pour reconquérir le cœur de son mari en prenant soin de son allure qu’elle a longtemps négligée, car trop obnubilée par les tracas de la vie quotidienne. Et plutôt qu’une rivalité, il y aura une saine émulation entre elles », explique-t-elle, en ajoutant qu’elle a eu cette idée le jour où son amie, Mervat, diplômée en pédagogie, est venue se plaindre de son mari. Elle insistait pour divorcer car elle avait appris qu’il avait une seconde épouse et ce depuis trois ans. Après de longues discussions avec son amie, Darbak est arrivée à convaincre Mervat de ne pas détruire son ménage, ni de priver ses enfants de leur père, mais plutôt d’accepter cette réalité. En effet, ce mariage n’avait pas eu de répercussions inattendues, puisque son mari n’avait pas changé de comportement avec elle, et que tout allait bien sur le plan matériel et sentimental. Chose étonnante, il était plus attentionné et disponible comme s’il voulait se faire pardonner la faute qu’il avait commise. De plus, elle reconnaît que ces trois dernières années ont été les plus belles de sa vie. « Pourquoi insistes-tu à détruire ton ménage et celui de la seconde épouse alors que vous êtes toutes les deux heureuses ? », conseille Darbak à son amie Mervat qui a fini par abdiquer.


Epouses : ne soyez pas égoïstes !

Une expérience qui a poussé Darbak à adopter un tel slogan : une seule femme ne suffit pas. Elle implore les femmes à mettre de côté leur égoïsme et encourage les jeunes filles qui ne sont pas encore mariées, ainsi que les veuves et les divorcées à trouver un partenaire. Une association qui sensibilise et appelle les hommes et les femmes à penser autrement, d’autant plus que 40 000 mariages ont lieu en secret parmi les jeunes âgés entre 18 et 30 ans.

Une initiative qui provoque l’indignation de Fardos Al-Bahnassi, conseillère au développement humain et membre dans plusieurs ONG défendant les droits de la femme. Elle s’interroge pourquoi donc les hommes déjà mariés pour résoudre le problème du nombre important de filles qui ne sont pas mariées ou de mariages secrets.

Elle s’étonne qu’une telle association propose cette solution magique — formule employée par la fondatrice — mais très offensante pour beaucoup de femmes.

« A ce stade, la femme est considérée comme une marchandise et tout homme qui en a les moyens peut se l’approprier. On a restreint la relation de couple à un besoin sexuel à satisfaire sans tenir compte des sentiments d’amour ou de tendresse », explique Fardos. Et d’ajouter : « Il ne nous reste plus maintenant qu’à résoudre les problèmes d’un homme qui désire avoir plus d’une femme pour satisfaire son appétit sexuel et se désintéresser de ceux des jeunes qui ne trouvent pas les moyens d’en avoir une seule ! ».

Or, Darbak explique que cet appel est lancé seulement aux hommes qui ont les capacités physique et matérielle d’avoir deux femmes à la fois, à condition d’avoir le consentement de la première et d’agir en toute équité.

« Mais qui peut garantir que cet homme sera équitable alors qu’il arrive qu’on soit injuste envers ses propres enfants ? Même le Coran insiste pour rappeler à celui qui craint d’être injuste de se contenter d’une seule femme », explique Fardos.

D’ailleurs, la polygamie reste conditionnée dans la religion et demeure un sujet de polémique, puisque certains oulémas expliquent que si le Coran met l’accent sur ce point, il mentionne aussi : « Et vous ne pouvez être justes », ce qui signifie que le Livre saint émet une réserve quant au second mariage car il est clair qu’on ne peut pas éviter le favoritisme. Pour d’autres, comme le cheikh Abdel-Metaal, imam d’une mosquée au quartier d’Al-Haram, ce verset signifie que Dieu sera clément avec l’homme qui commet ce favoritisme car il s’agit d’un sentiment incontrôlable et que l’être humain ne peut pas être équitable. Cependant, il explique que ce second mariage serait insensé si l’homme n’a pas les moyens matériels de subvenir à deux familles.


Un droit mal exploité

Mais le fait que la polygamie soit permise par la religion est le prétexte qu’utilisent beaucoup d’hommes pour prendre une seconde épouse. Ces derniers n’hésitent pas à encourager l’initiative de Darbak. Elle révèle que beaucoup d’hommes l’ont appelée pour la soutenir, même s’ils n’ont pas le courage de l’annoncer. D’après elle, un homme est venu lui dire qu’il voulait se remarier et quand elle lui a demandé s’il aimait toujours sa femme, il a répondu non, mais les chambres à coucher ont leurs secrets. Certains n’hésitent pas à confier : « Pourquoi ne pas devenir un autre Hag Métoualli, puisque j’ai les moyens et je possède un grand appartement qui peut réunir quatre femmes. Un avantage que n’a pas un jeune diplômé », argumente Chadi, un homme d’affaires.

D’autres exemples de polygames qui pensent avoir réussi à trouver une certaine stabilité en dehors de la maison. Ils avancent que leurs femmes continuent à être obnubilées par leurs enfants, oubliant même qu’elles ont un mari. Une bonne occasion pour certaines jeunes filles de s’infiltrer dans la vie d’un homme marié.

Et si beaucoup de femmes refusent la polygamie et vont jusqu’à manifester leur mécontentement à ce sujet, d’autres acceptent d’être la seconde épouse sous prétexte qu’elles sont tombées amoureuses de cet homme.

Sanaa, médecin âgée de 35 ans, a accepté d’être une seconde épouse. Après deux ans d’amour et de sorties, elle s’est mariée avec Mahmoud, père de deux enfants. « Je l’ai trouvé différde tous les prétendants que j’ai rencontrés même s’ils étaient célibataires. Lui n’est pas heureux avec sa femme, mais il a tenu à préserver la stabilité de son foyer et ne pas perturber psychologiquement ses enfants ».

Il n’en demeure pas moins que les femmes comme Sanaa sont une minorité. Les autres ont du mal à accepter l’idée de l’association Tayssir, à l’instar de Hanaa, mariée depuis 15 ans, qui lance : « Si une femme possède une belle robe, elle consentira difficilement à la prêter même à sa meilleure amie, et s’il s’agissait de son propre mari, accepterait-elle de le partager avec une autre ? »

Chahinaz Gheith
Doaa Khalifa

 
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