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Présidentielles. Certains se considèrent inéligibles parce que ne comprenant pas les règles du nouveau jeu instauré, à l’exemple de plusieurs chefs de partis qui pratiquent la politique du Wait and See. D’autres, qui ont voulu par défi secouer l’inertie ambiante, font figure de vrais parias en manque de crédibilité. Portraits.

La relève potentielle


Hamdine Sabbahi

Ce « jeune » politicien a la faveur des mouvements contestataires, mais n’exclut pas un chef d’Etat qui ne fasse pas partie de la classe politique.

Même à 50 ans, il est l’une des plus jeunes figures de l’opposition. Une vie passée sous le signe des campagnes politiques. Il se retrouve dès sa première jeunesse au beau milieu des combats, notamment lors des élections des unions estudiantines universitaires dans les années 1970. Nassérien acharné, il se fait remarquer lors de la fameuse rencontre entre Anouar Al-Sadate et les étudiants en 1977. C’était au lendemain des émeutes de la faim. Sadate brandissait un communiqué des étudiants où la politique du régime était fortement critiquée et les droits du peuple mis en valeur. « Vous m’accusez. Qui sont ces Nassériens qui me font un procès ? ». Sabbahi se lève et, sur un ton très calme, dit : « Moi ». Et d’expliquer pendant 25 minutes au chef de l’Etat sa vision du nassérisme. Aujourd’hui encore, il se reconnaît comme un Nassérien et pense qu’il pourrait reprendre le même discours. « Nous vivons sous les mêmes conditions avec des différences de détails. La réconciliation avec Israël, l’alliance avec l’Amérique, le démembrement de l’unité arabe, avec un décor démocratique ». Pourtant, il affirme que ce n’est pas lui qui pourrait prendre la décision de se présenter aux présidentielles, même si le mouvement « kifaya » (Assez), qui est le déclencheur de la récente vague d’opposition, veut le désigner comme candidat à la présidentielle. Pourtant, il dit qu’un candidat doit avoir le consensus de toute l’opposition, et non pas d’une seule branche même s’il s’agit de son futur parti, Al-Karama, non encore agréé. Pour lui, il faudrait une coordination pour trouver une figure, pas forcément un politicien. Pourquoi pas un professeur d’université ? Tout dépend des conditions qui seront fixées. « Ce qu’on recherche, c’est un homme capable de diriger, et non le remplaçant de la nation »


Réfaat Al-Saïd

Le représentant par excellence de la gauche traditionnelle refuse de parier sur l’inconnu.

Un des piliers de la gauche. Il est à la tête du Parti du Rassemblement unioniste progressiste (RPU), ou Tagammoe, depuis le départ à la retraite de Khaled Mohieddine. Il fait partie du dernier carré des fidèles de la gauche marxiste. Né en 1932, ses débuts à la vie politique restent liés à la question palestinienne. 1947 marqua un tournant dans sa vie. C’est à ce moment qu’il commence à participer aux manifestations. Il a rejoint par la suite le mouvement communiste et connut la prison sous Nasser. Il se pose comme un virulent adversaire de l’islam politique. Ce qui lui a permis un certain rapprochement avec l’Etat. Il ne faut donc pas compter sur une grande mobilisation d’une rue plutôt islamiste en sa faveur. C’est le sarcastique de l’opposition. Il dit : « Sans égalité des chances entre les candidats des prochaines présidentielles, il faudrait chercher un candidat parmi les fous pour y participer ». Saïd estime que la situation n’est en aucun cas encourageante et que l’opposition pourrait se diriger vers un boycott du prochain scrutin. Tout à fait comme son parti a agi en boycottant le référendum sur Moubarak en 1999. Il refuse de dire s’il sera candidat ou non sans connaître les conditions de candidature. « En politique comme en Histoire, on ne peut rien bâtir avec des si » .


Diaeddine Daoud

Faisant partie de l’ancienne garde, il semble disqualifié par un changement de conjoncture.

Occupant le poste de chef de parti politique, Diaeddine Daoud, président du Parti nassérien (mouvement héritier de la pensée de Nasser), né en Egypte le 27 mars 1926, possède ainsi l’un des atouts principaux qui pourrait faire de lui un candidat dans les prochaines élections présidentielles. Daoud s’est pourtant éloigné de toute chance d’y participer. Pour le Parti nassérien, aucune mesure ne sera prise à propos de cette affaire qu’à la suite de la déclaration des conditions finales à ce propos. L’écart que prend Diaeddine Daoud dans l’affaire électorale est selon lui essentiel, car ses 75 ans et son état de santé ne l’aideront pas à bien remplir ce poste, même si son passé riche politiquement peut faire de lui un candidat assez fort. Il est à noter que Diaeddine Daoud avait dans les années 1960 occupé des postes assez importants, à savoir ministre chargé des Affaires du Conseil de la nation, ministre des Affaires sociales, puis membre du Comité exécutif supérieur (1969-1971) et finalement président du parti politique. D’autre part, le temps et les conditions politiques de l’Egypte ne l’encourageront pas à prendre une telle décision. Il affirme : « Un état d’obscurité envahit la scène politique égyptienne aujourd’hui. Rien n’est encore clair et les cartes joker ne seront jetées qu’à la fin ». Si une vraie réforme a lieu en Egypte et s’il décide de se présenter à de telles élections, Diaeddine Daoud sera alors très fortement soutenu par son parti malgré tous les conflits qui le divisent, mais qui ne sont vus par leur président que comme étant des concurrences entre les membres autour des postes enviés et qui peuvent exister dans tous les partis. Mais ce qui est affirmé par les Nassériens c’est qu’ils resteront unis et suivront toujours les mêmes idéologies et principes nassériens. Daoud l’a fait en étant le seul dirigeant de l’opposition qui n’a pas reculé lorsqu’il était question d’un amendement de la Constitution.


Noamane Gomaa

Si le Wafd est le parti d’opposition le plus populaire et le plus actif, son président reste hésitant face aux présidentielles.

Se mettant d’accord avec les chefs des autres partis, Noamane Gomaa, président du parti politique néo-Wafd, perdant tout espoir qu’une démocratie complète soit appliquée sur la scène égyptienne, a décidé de ne pas se présenter aux prochaines élections présidentielles. Le PND, qui a dominé le pouvoir pendant 50 ans successifs, a affaibli tous les partis politiques d’opposition se trouvant en Egypte et a fait perdre tout espoir à leurs représentants de pouvoir vraiment se présenter aux élections ou de pouvoir gagner des voix. Au sein du parti, de nombreux reproches ont été faits à Noamane Gomaa d’avoir provoqué, depuis son arrivée à la tête du parti en 2000, le départ de plusieurs députés du néo-Wafd. Il lui est également reproché d’avoir écarté plusieurs journalistes et deux rédacteurs en chef du quotidien Al-Wafd sans observer les procédures légales. Noamane Gomaa avait aussi pris la décision de nommer un musulman au poste de secrétaire général du parti, alors que la tradition du néo-Wafd exige la nomination d’un copte à ce poste. Malgré tous ces troubles et toutes ces querelles internes, le parti du néo-Wafd serait non seulement prêt à s’unir si l’un de ses membres décide de se présenter aux élections, mais aussi à soutenir tout autre parti d’opposition décidant de franchir ce pas. Un espace médiatique est alors exigé pour permettre à ces candidats de pouvoir s’exprimer et d’apparaître devant leur public égyptien pour leur donner une chance d’être connus de ceux qui devront choisir.


Aymane Nour

Aymane Nour est le seul chef de parti à avoir annoncé sa décision de participer aux présidentielles, mais il devra éviter avant tout la prison.

S’il y a vraiment candidat et disposé à l’être, c’est bien Aymane Nour, le président du parti Al-Ghad, qui a toutes sortes de démêlés avec la justice et qui, tout d’un coup, a pris l’allure de figure internationale. On dit que la secrétaire d’Etat américain, Condoleezza Rice, a annulé une visite en Egypte pour protester contre son arrestation. Même la France, qui s’ingère très peu dans les questions de réforme exigée des pays arabes, n’a pas manqué de réprouver l’arrestation de Nour, au point qu’on a vu dans cet ancien wafdiste une figure comparable à celle du leader de la Révorange en Ukraine. Aujourd’hui, Nour est devant le tribunal avec six de ses partisans et devront répondre des charges de « falsification de documents administratifs ». L’opposant avait été libéré le 12 mars après six semaines de détention préventive dans la prison de Toura (sud-est du Caire).

Du fait, Nour a tout d’une victime d’une répression de la démocratie, ou du moins d’une tentative de vouloir fausser le jeu démocratique. Cette situation de victime expiatoire exagère, selon les observateurs, les qualités et la valeur du candidat Nour. Il est jugé par d’aucuns comme un véritable animal politique. L’application de « politicien » s’applique à lui à l’heure où l’opinion tenue à l’écart des débats depuis longtemps pourrait envisager ou souhaiter une figure plus idéalisée.

Il a agi de toute façon avec beaucoup d’emphase. Il avait notamment refusé de participer au dialogue national lancé à l’initiative du Parti National Démocrate (PND, au pouvoir). Puis, après sa libération, il a annoncé qu’il se présenterait aux élections présidentielles et ceci avec beaucoup d’assurance après s’être adressé à des milliers de partisans lors d’un congrès populaire. Du jamais-vu. Certes, il a souligné que sa décision de se présenter aux élections présidentielles n’est pas dirigée contre la personne du président Moubarak ou contre son fils Gamal, mais qu’elle a pour but de mettre fin à une situation qui ne peut plus durer. Mais il est certain qu’elle a mis en relief un show-biz de la politique, un élément nouveau en Egypte. Mais somme toute, il n’est bien qu’un candidat hypothétique comme tous les autres.


Nawal Al-Saadawi

Etre femme et taxée d’antireligieuse, deux points faibles pour une éventuelle candidature.

Pour une figure diabolisée, c’en est bien une et ce, même avant qu’elle ne lance ce défi, considéré comme dérisoire, de vouloir se présenter aux élections présidentielles avant la décision du chef de l’Etat de modifier la Constitution de manière à permettre une élection au suffrage universel avec plusieurs candidats. Nawal Al-Saadawi est jugée à tous les niveaux comme une personne à laquelle le champ politique est interdit. D’une part, elle est une femme et le mufti de la République s’est empressé d’émettre une fatwa (avis religieux) selon laquelle les femmes ne peuvent pas accéder à la magistrature suprême. D’autre part, elle est taxée d’apostasie pour ses écrits et ses prises de position qui sortent de la norme admise.

On se souvient de ce procès retentissant de 2001 où elle a été accusée d’« atteinte à l’islam et de mépris de la religion ». La plainte a été déposée par des islamistes, notamment un avocat, Nabih Al-Wahche. Heureusement, la plainte a été rejetée par le tribunal des affaires familiales du Caire le 30 juillet 2001. L’avocat avait demandé que la justice prononce son divorce d’avec son mari Chérif Hetata, sans son consentement bien entendu.

Difficile donc de l’admettre. D’ailleurs, l’opinion égyptienne ne connaît d’elle que ces accusations qui ne peuvent que la rendre impopulaire. Pourtant, elle a un plaidoyer anti-impérialiste et pro-palestinien qui correspond beaucoup à l’état d’esprit du peuple égyptien, qui pour rien au monde n’est prêt à se voir imposer des réformes de l’extérieur. Mais la voici qui ne dispose d’aucun soutien au sein de l’establishment politique.

Sa dernière intervention, celle de vouloir se présenter aux présidentielles, a été marquée d’ailleurs par des critiques religieuses contre son dernier livre Al-Réwaya (Le Roman). De plus, c’est en compagnie d’une autre figure tout aussi diabolisée qu’elle a fait sa déclaration. De quoi la discréditer selon les observateurs et la placer dans la catégorie des agitateurs suppôts de l’étranger et même de l’Amérique où elle réside, tout en étant une gauchisante notoire.


Saadeddine Ibrahim

La figure la plus diabolisée est celle de Saadeddine Ibrahim, accusé d’être à la solde des Etats-Unis bien qu’acquitté par la justice.

Saadeddine Ibrahim a toujours eu ce don de choquer l’establishement. Face à sa politique de militant, le gouvernement n’a trouvé mieux que de l’accuser d’être un agent des Etats-Unis. Aussitôt, la presse s’est emparée de son dossier pour en faire une figure quasi infernale. Toutes les injures et offenses sont bonnes pour le qualifier. Et lorsqu’il s’est dit candidat éventuel à la présidence, ce furent les mêmes voix qui s’élevèrent. Et avec toute une condamnation de la société civile. Celle-ci, au dire de certains commentateurs, devrait être bannie. L’hebdomadaire Rose Al-Youssef consacre presque la totalité de son dernier numéro, publié dimanche, à une dénonciation des manifestations, mais aussi des associations civiles qu’il accuse d’être financées par l’étranger. Facile donc l’accusation de trahison.

De toute façon, Saadeddine Ibrahim a déjà eu des démêlés avec la justice avant d’être acquitté en mars 2003. La Cour de cassation a en effet jugé que le professeur Ibrahim était innocent des accusations selon lesquelles il avait terni l’image de l’Egypte et reçu illégalement des fonds de l’étranger. « Je suis très content, je remercie Dieu pour ce jugement honnête », a déclaré ce professeur de sociologie à l’Université américaine du Caire. Il s’agissait du troisième procès du militant des droits de l’homme, qui avait été condamné une première fois en mai 2001 à sept ans de prison. Sa peine avait été confirmée le 29 juillet 2002 par la Haute Cour de sûreté de l’Etat. La décision de la Cour de cassation en 2003 avait mis fin à une affaire qui a empoisonné pendant près de trois ans les relations entre Le Caire et Washington. Sa condamnation avait suscité les protestations des pays européens et de Washington, qui avait annoncé le 15 août 2002 qu’il n’apporterait pas d’aide financière supplémentaire aux deux milliards de dollars d’aide civile et militaire annuelle à l’Egypte. Cette dernière avait accusé les Etats-Unis d’ingérence dans ses affaires intérieures. Amnesty International avait également appelé à la libération d’Ibrahim, affirmant que les charges sur la base desquelles il avait été condamné et emprisonné étaient « un prétexte pour le punir d’avoir critiqué la politique du gouvernement » égyptien.

Il est certain qu’Ibrahim ne pensait pas briguer la fonction de président, mais plutôt poser un principe. Aujourd’hui, l’effervescence est à son comble et il sert d’alibi pour dénoncer toute la société civile.

Ahmed Loutfi
Chaïmaa Abdel-Hamid

 
 

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