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Mounir Fakhri Abdel-Nour, figure de proue du néo-Wafd, vient d'être renvoyé du parti qui est en crise. Il livre ici ses impressionssur ce renvoi et ouvre le feu sur son ancienne formation.
« Le néo-Wafd doit choisir
entre survivre et disparaître »

Al-Ahram Hebdo : Quelles sont les causes qui ont mené à votre renvoi du néo-Wafd ?

Mounir Fakhri Abdel-Nour : Permettez-moi d'objecter à la façon dont vous posez la question, car Mounir Fakhri Abdel-Nour n'a pas été renvoyé du parti. Il s'agit d'une décision unilatérale prise par Noamane Gomaa. C'est une décision invalide qui n'est basée sur aucun principe juridique et qui n'est pas en accord avec la charte du parti. C'est une décision mort-née. Je ne l'admets pas et aucun membre du parti ne l'accepte. Il paraît que Noamane Gomaa ne supporte pas les critiques même s'il s'agit d'une autocritique qui a pour but la réforme et le développement du parti, et l'amélioration de sa performance. A mon avis, cette décision remonte à la réunion qui a eu lieu lors des élections présidentielles. J'avais dit alors que nous avons besoin, au néo-Wafd, de procéder à une autocritique et de revoir notre performance qui a mené d'ailleurs à un échec du parti aux élections. J'ai affirmé aussi durant cette réunion que le parti a besoin d'un discours politique moderne capable d'attirer les jeunes, les femmes et toutes les personnes qui croient aux principes du libéralisme. J'ai expliqué aussi que le parti avait besoin d'une nouvelle gestion afin d'établir une meilleure coordination entre les différents comités. Et enfin, j'ai dit que nous avions besoin au néo-Wafd d'adopter des positions réfléchies et qui ne soient pas le résultat d'humeurs fortuites. J'ai expliqué ce point de vue à l'intérieur et à l'extérieur du parti et même dans les médias. Mais il semblerait que M. Noamane Gomaa n'a pas accepté ces critiques qui sans aucun doute lui étaient adressées. Noamane Gomaa est un personnage très caractériel parfois il accepte la critique et parfois il ne l'accepte pas.

— Comment allez-vous réagir après l'annonce de cette décision ?

— Je ne suis pas de nature à chercher les conflits. Je m'attends à ce que les membres du parti refusent et ignorent cette décision et aller même plus loin, car eux aussi sont excédés. Nous ne pouvons plus tolérer de tels agissements puérils. Il faut réagir et ne pas rester neutre, d'autant plus que les événements se succèdent sur la scène politique en Egypte. Le néo-Wafd doit faire ses preuves en effectuant des réformes internes. Sinon, il ne sera plus qu'un souvenir pour les Egyptiens.

— Vous comptez donc beaucoup sur l'appui des membres du parti. Mais que peuvent-ils faire, surtout que la charte interne du parti stipule qu'il est président à vie du parti ?

— Non, ce n'est pas tout à fait exact. Noamane Gomaa est président pour une période non déterminée d'après sa charte à lui. Pourtant, l'assemblée générale du parti peut, à travers une réunion ordinaire ou extraordinaire, retirer la confiance au président du parti. Nous verrons prochainement ce qui va se passer à l'intérieur du parti. Je suis en contact direct avec les membres du haut comité car je considère que la décision de me renvoyer n'est pas valable. La preuve en est que j'ai soutenu le candidat du néo-Wafd à Charqiya, Mahmoud Abaza. Je me suis battu contre la fraude électorale, j'ai assisté au dépouillement des votes, j'ai protégé les résultats et j'ai même dirigé une manifestation dans la circonscription de Telline en faveur du néo-Wafd et de son candidat. Ce n'est pas Noamane Gomaa qui va m'empêcher de travailler.

— Les observateurs estiment que le néo-Wafd était déjà en déclin bien avant Noamane Gomaa. D'après vous, quelles en sont les raisons ?

— Trois raisons ont fait que le néo-Wafd se trouve aujourd'hui dans cette situation. Premièrement, l'atmosphère générale. Depuis la fin des années 1980, l'Etat cherche à isoler les partis et les empêche d'être en contact avec la population. Résultat : ils ont perdu leur assise populaire. Deuxièmement, sous la direction de Fouad Séragueddine, le néo-Wafd est tombé dans un piège en boycottant les élections législatives de 1990. Ainsi, le parti a perdu bon nombre de ses députés au Parlement et son assise populaire. D'où les résultats médiocres des législatives de 1995, 2000 et 2005, qui avaient également pour cause les interventions incessantes des appareils de sécurité et des services municipaux en faveur du parti au pouvoir. La troisième raison de l'affaiblissement du néo-Wafd est la mauvaise gestion de Noamane Gomaa. Après son arrivée à la tête du parti en septembre 2000, les divisions internes se sont succédé. Il y a d'abord le groupe de Osmane Zaza et d'Al-Azhari qui a quitté le parti. D'autres groupes ont suivi comme celui de Tareq Al-Chimi, celui des Wafdistes libres de Magdi Séragueddine et Aymane Nour, etc. En réalité, le Dr Noamane Gomaa ne possède pas les qualités nécessaires à la direction, comme la capacité de rassembler les gens. Gomaa possède au contraire le talent de diviser. Il cherche en permanence les points de litige.

— Durant des années, cette situation a existé et rien n'a été fait. Qu'est-ce qui vous garantit que les membres du parti agissent maintenant ?

— Vous avez raison. Nous sommes restés passifs pendant de longues années car nous avions peur que le parti ne soit suspendu et qu'il ne subisse le même sort que le parti du Travail et celui des Libéraux. Je n'ai aucune garantie mais comme je vous l'ai dit, la coupe est pleine. Etant donné les événements actuels sur la scène politique, le parti doit faire un choix au terme duquel soit il survivra, soit il disparaîtra.

— Vous avez annoncé votre intention de créer un nouveau parti. Pourquoi avez-vous pensé à cette décision ?

— D'abord, je vais essayer d'affronter Noamane Gomaa à l'intérieur du néo-Wafd pour l'écarter de la présidence et œuvrer pour une réforme du parti. Si j'échoue, je chercherai alors à fonder un nouveau parti libéral qui regrouperait les réformateurs des différentes tendances politiques, y compris du PND (Parti National Démocrate), comme Hossam Badrawi. A mon avis, l'Egypte a besoin d'un tel parti au vu de l'échec du PND. Le parti au pouvoir n'a pas réussi en raison des contradictions évidentes qui existent en son sein. La première contradiction est incarnée par le conflit entre les ancienne et nouvelle générations qui appartiennent à des cultures et des mentalités différentes et qui ont des ambitions et des objectifs différents. La deuxième contradiction, qui existe au sein du mouvement réformateur à l'intérieur du PND, si on peut l'appeler ainsi, prône des réformes démocratiques mais en même temps admet le principe de l'hérédité du pouvoir.

— Quelle est de manière générale votre appréciation des récentes élections législatives ?

— A vrai dire, je ne suis pas surpris par les résultats. Depuis très longtemps déjà, j'avais prédit que les 80 % des députés allaient perdre leurs sièges et ceci a effectivement eu lieu. J'avais également prédit que les députés du PND n'obtiendraient pas plus de 30 % des sièges et c'est ce qui s'est produit. Les raisons de cet échec du PND sont multiples. Il y a la crise économique. Sans parler des indices macroéconomiques, le chômage a atteint un taux record en Egypte. Il représente environ 20 % de la population active. Le taux d'inflation a augmenté durant les cinq dernières années, alors que les salaires n'ont pas bougé. Le niveau des services comme l'éducation, le transport et la santé est au plus bas et la corruption sévit. Les citoyens ont trouvé que les députés étaient responsables, du moins en partie, de cette situation.

— Les mêmes raisons ont-elles été à l'origine de votre échec aux élections dans la circonscription de Wayli, au Caire ?

— Ce qui vaut pour les autres circonscriptions vaut aussi pour Wayli. Je pense qu'il y a trois raisons à ma défaite. Premièrement, une confiance excessive en soi car durant ces dix dernières années, je rendais service aux citoyens. Donc, je n'imaginais pas perdre. Deuxièmement, j'ai refusé complètement d'utiliser l'argent pour acheter les voix des électeurs. La troisième raison est la fraude. Je crois que les résultats qui ont été annoncés ne sont pas authentiques.

— Le succès des Frères musulmans qui ont obtenu 88 sièges alimente les interrogations. Comment analysez-vous ce succès ?

— Il y a certainement un désir de changement chez les citoyens, surtout au vu de l'échec du PND, incapable de mettre en place un développement véritable, et la faiblesse de l'opposition traditionnelle. Les Frères ont en outre utilisé les slogans religieux et réussi à attirer les Egyptiens, qui sont religieux de nature. Je pense que les gens ont donné leur voix à la confrérie non pas parce qu'ils croient à leur idéologie mais uniquement pour s'opposer au PND.

— La montée en puissance des Frères musulmans suscite des craintes dans les milieux coptes. Ces craintes sont-elles justifiées à votre avis ?

— Il y a effectivement des craintes et pas seulement chez les coptes. On trouve ces craintes chez les libéraux, les socialistes et sans doute les mouvements féministes. Ces craintes sont dues à la position ambiguë des Frères à l'égard de certaines questions comme le rôle de l'Etat, la Constitution, les droits des coptes et ceux des femmes ainsi que la citoyenneté, la culture, les arts, le système bancaire et le tourisme. Les Frères musulmans sont tenus d'éclaircir leurs positions sur l'ensemble de ces questions s'ils veulent dissiper les craintes .

Propos recueillis par Chérine Abdel-Azim

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