— Comment allez-vous réagir après l'annonce
de cette décision ?
— Je ne suis pas de nature à chercher les
conflits. Je m'attends à ce que les membres du parti refusent
et ignorent cette décision et aller même plus loin, car eux
aussi sont excédés. Nous ne pouvons plus tolérer de tels agissements
puérils. Il faut réagir et ne pas rester neutre, d'autant
plus que les événements se succèdent sur la scène politique
en Egypte. Le néo-Wafd doit faire ses preuves en effectuant
des réformes internes. Sinon, il ne sera plus qu'un souvenir
pour les Egyptiens.
— Vous comptez donc beaucoup sur l'appui
des membres du parti. Mais que peuvent-ils faire, surtout
que la charte interne du parti stipule qu'il est président
à vie du parti ?
— Non, ce n'est pas tout à fait exact. Noamane
Gomaa est président pour une période non déterminée d'après
sa charte à lui. Pourtant, l'assemblée générale du parti peut,
à travers une réunion ordinaire ou extraordinaire, retirer
la confiance au président du parti. Nous verrons prochainement
ce qui va se passer à l'intérieur du parti. Je suis en contact
direct avec les membres du haut comité car je considère que
la décision de me renvoyer n'est pas valable. La preuve en
est que j'ai soutenu le candidat du néo-Wafd à Charqiya, Mahmoud
Abaza. Je me suis battu contre la fraude électorale, j'ai
assisté au dépouillement des votes, j'ai protégé les résultats
et j'ai même dirigé une manifestation dans la circonscription
de Telline en faveur du néo-Wafd et de son candidat. Ce n'est
pas Noamane Gomaa qui va m'empêcher de travailler.
— Les observateurs estiment que le néo-Wafd
était déjà en déclin bien avant Noamane Gomaa. D'après vous,
quelles en sont les raisons ?
— Trois raisons ont fait que le néo-Wafd
se trouve aujourd'hui dans cette situation. Premièrement,
l'atmosphère générale. Depuis la fin des années 1980, l'Etat
cherche à isoler les partis et les empêche d'être en contact
avec la population. Résultat : ils ont perdu leur assise populaire.
Deuxièmement, sous la direction de Fouad Séragueddine, le
néo-Wafd est tombé dans un piège en boycottant les élections
législatives de 1990. Ainsi, le parti a perdu bon nombre de
ses députés au Parlement et son assise populaire. D'où les
résultats médiocres des législatives de 1995, 2000 et 2005,
qui avaient également pour cause les interventions incessantes
des appareils de sécurité et des services municipaux en faveur
du parti au pouvoir. La troisième raison de l'affaiblissement
du néo-Wafd est la mauvaise gestion de Noamane Gomaa. Après
son arrivée à la tête du parti en septembre 2000, les divisions
internes se sont succédé. Il y a d'abord le groupe de Osmane
Zaza et d'Al-Azhari qui a quitté le parti. D'autres groupes
ont suivi comme celui de Tareq Al-Chimi, celui des Wafdistes
libres de Magdi Séragueddine et Aymane Nour, etc. En réalité,
le Dr Noamane Gomaa ne possède pas les qualités nécessaires
à la direction, comme la capacité de rassembler les gens.
Gomaa possède au contraire le talent de diviser. Il cherche
en permanence les points de litige.
— Durant des années, cette situation a existé
et rien n'a été fait. Qu'est-ce qui vous garantit que les
membres du parti agissent maintenant ?
— Vous avez raison. Nous sommes restés passifs
pendant de longues années car nous avions peur que le parti
ne soit suspendu et qu'il ne subisse le même sort que le parti
du Travail et celui des Libéraux. Je n'ai aucune garantie
mais comme je vous l'ai dit, la coupe est pleine. Etant donné
les événements actuels sur la scène politique, le parti doit
faire un choix au terme duquel soit il survivra, soit il disparaîtra.
— Vous avez annoncé votre intention de créer
un nouveau parti. Pourquoi avez-vous pensé à cette décision
?
— D'abord, je vais essayer d'affronter Noamane
Gomaa à l'intérieur du néo-Wafd pour l'écarter de la présidence
et œuvrer pour une réforme du parti. Si j'échoue, je chercherai
alors à fonder un nouveau parti libéral qui regrouperait les
réformateurs des différentes tendances politiques, y compris
du PND (Parti National Démocrate), comme Hossam Badrawi. A
mon avis, l'Egypte a besoin d'un tel parti au vu de l'échec
du PND. Le parti au pouvoir n'a pas réussi en raison des contradictions
évidentes qui existent en son sein. La première contradiction
est incarnée par le conflit entre les ancienne et nouvelle
générations qui appartiennent à des cultures et des mentalités
différentes et qui ont des ambitions et des objectifs différents.
La deuxième contradiction, qui existe au sein du mouvement
réformateur à l'intérieur du PND, si on peut l'appeler ainsi,
prône des réformes démocratiques mais en même temps admet
le principe de l'hérédité du pouvoir.
— Quelle est de manière générale votre appréciation
des récentes élections législatives ?
— A vrai dire, je ne suis pas surpris par
les résultats. Depuis très longtemps déjà, j'avais prédit
que les 80 % des députés allaient perdre leurs sièges et ceci
a effectivement eu lieu. J'avais également prédit que les
députés du PND n'obtiendraient pas plus de 30 % des sièges
et c'est ce qui s'est produit. Les raisons de cet échec du
PND sont multiples. Il y a la crise économique. Sans parler
des indices macroéconomiques, le chômage a atteint un taux
record en Egypte. Il représente environ 20 % de la population
active. Le taux d'inflation a augmenté durant les cinq dernières
années, alors que les salaires n'ont pas bougé. Le niveau
des services comme l'éducation, le transport et la santé est
au plus bas et la corruption sévit. Les citoyens ont trouvé
que les députés étaient responsables, du moins en partie,
de cette situation.
— Les mêmes raisons ont-elles été à l'origine
de votre échec aux élections dans la circonscription de Wayli,
au Caire ?
— Ce qui vaut pour les autres circonscriptions
vaut aussi pour Wayli. Je pense qu'il y a trois raisons à
ma défaite. Premièrement, une confiance excessive en soi car
durant ces dix dernières années, je rendais service aux citoyens.
Donc, je n'imaginais pas perdre. Deuxièmement, j'ai refusé
complètement d'utiliser l'argent pour acheter les voix des
électeurs. La troisième raison est la fraude. Je crois que
les résultats qui ont été annoncés ne sont pas authentiques.
— Le succès des Frères musulmans qui ont
obtenu 88 sièges alimente les interrogations. Comment analysez-vous
ce succès ?
— Il y a certainement un désir de changement
chez les citoyens, surtout au vu de l'échec du PND, incapable
de mettre en place un développement véritable, et la faiblesse
de l'opposition traditionnelle. Les Frères ont en outre utilisé
les slogans religieux et réussi à attirer les Egyptiens, qui
sont religieux de nature. Je pense que les gens ont donné
leur voix à la confrérie non pas parce qu'ils croient à leur
idéologie mais uniquement pour s'opposer au PND.
— La montée en puissance des Frères musulmans
suscite des craintes dans les milieux coptes. Ces craintes
sont-elles justifiées à votre avis ?
— Il y a effectivement des craintes et pas
seulement chez les coptes. On trouve ces craintes chez les
libéraux, les socialistes et sans doute les mouvements féministes.
Ces craintes sont dues à la position ambiguë des Frères à
l'égard de certaines questions comme le rôle de l'Etat, la
Constitution, les droits des coptes et ceux des femmes ainsi
que la citoyenneté, la culture, les arts, le système bancaire
et le tourisme. Les Frères musulmans sont tenus d'éclaircir
leurs positions sur l'ensemble de ces questions s'ils veulent
dissiper les craintes .