Mer
Rouge . Un projet italien, en partenariat
avec l’ONG Abou-Salama et l’Agence Egyptienne pour
les Affaires de l’Environnement (AEAE), vient d’être
initié il y a un mois pour sauvegarder la maison
des dauphins de Samadaï, menacée par le tourisme
de masse. |
Opération
de sauvetage à Samadaï |
Il
est 9h du matin. Des spécialistes en biologie marine,
ainsi que des touristes français, suisses et allemands,
portent des costumes de plongée, leurs bouteilles
d’oxygène sur le dos et leurs lunettes sur les yeux.
Ils se préparent pour visiter la maison des dauphins
de Samadaï, située à 14 km au nord de Marsa Alam
(900 km au sud du Caire). Après avoir passé quelque
45 minutes sur une embarcation voguant à vitesse
moyenne, ils arrivent sur le site en question. Ils
amarrent dans la zone consacrée à cet effet, mais
pour plonger, il faut patienter encore une dizaine
de minutes pour atteindre la zone å D ò,
où la plongée est permise. Pour s’y rendre, ils
ont embarqué sur des zodiaques. å Ce genre
d’embarcation n’a pas de moteur, pour éviter de
déranger les dauphins ò, selon les termes de
notre guide Aymane Hassan Taher, moniteur de plongée.
Le site est connu sous le nom de å maison des
dauphins ò, car ces mammifères aquatiques semblent
y être tranquilles et à l’aise. Ils y vivent et
s’y reproduisent, comme l’explique Hicham Tomoum,
directeur de projets au sein d’une ONG appelée Abou-Salama,
nom signifiant å le père de la paix ò.
Ce sont les pêcheurs locaux qui ont donné ce nom
à la vedette de Samadaï, le dauphin. Ce coin de
mer Rouge représente pour eux un véritable lieu
de repos pendant la journée. Autre particularité
: Samadaï abrite une des espèces rares de dauphins
nommée le å Spiner Dolphin ò, recherchée
par les plongeurs de toutes les nationalités. å
Nous avons préféré plonger à Marsa Alam, notamment
dans la maison des dauphins, afin de contempler
tranquillement cette espèce rare loin des lieux
de plongée surchargés ò, révèle François Berger,
touriste français qui a fait le tour de toute l’Egypte.
Ce dernier espère que la région de Marsa Alam gardera
sa spécificité, tout en rappelant l’état désastreux
dans lequel se trouvent les stations balnéaires
d’Hurghada et de Charm Al-Cheikh. |
Protéger
et rentabiliser
|
Pour
éviter la répétition de la catastrophe écologique
de ces deux villes, un projet italien financé
par le ministère italien de la Coopération, en
partenariat avec l’ONG Abou-Salama et l’AEAE,
vient d’être lancé pour sauvegarder la maison
des dauphins de Samadaï tout en la rendant plus
rentable. Avec un budget de 1,3 million de L.E.,
ce projet vise à réaliser quatre objectifs essentiels.
Répertorier
les espèces de dauphins, calculer leur nombre
et étudier les effets de leur rencontre avec les
touristes sont le premier objectif. å Pour
l’instant, les chercheurs sont contraints de plonger
dans la zone A, qui est exclusive aux dauphins,
pour étudier leur comportement. Ensuite, ils se
dirigeront vers les autres zones où la plongée
est permise ò, explique Géraldine de Montpellier,
membre de l’équipe des spécialistes du projet
italien. Le comportement des dauphins est donc
étudié grâce à des moniteurs auxquels le projet
a fait appel.
La
sensibilisation représente le deuxième objectif
du projet. Il s’est avéré nécessaire de la faire
à la fois avec les pêcheurs locaux et les touristes
qui se rendent sur le site. Une vraie sensibilisation
aboutira à la conservation et la protection non
seulement des dauphins, mais aussi de tous les
mammifères aquatiques.
å
Le projet comprend l’installation de panneaux
de réglementation en plusieurs langues et la diffusion
de brochures et autres publications ò, affirme
Hicham Tomoum. Dans ce cadre, les chercheurs vont
créer des CD contenant une présentation du projet
et ses objectifs, outre des informations sur la
baie de Samadaï, la maison des dauphins et son
importance. Les CD seront distribués au public,
aux touristes et à tous les visiteurs du site.
Le
troisième objectif du projet est la formation
d’une équipe égyptienne spécialisée en biologie
marine, dont les membres seraient soit des étudiants,
soit des membres d’instituts de recherches, afin
de suivre et réaliser les recommandations du projet,
voire créer d’autres activités complémentaires.
A titre d’exemple : produire des films documentaires
sur la baie de Samadaï et la maison des dauphins,
publier des périodiques locaux et régionaux et
faire des recherches sur un site demeuré vierge.
Quant
au quatrième et dernier objectif, il consiste
en la réorganisation du cadre professionnel de
l’ONG Abou-Salama. Pour Hicham Tomoum, cet objectif
semble marginal, puisqu’il se réalisera au fur
et à mesure de l’exécution du projet.
Par
ailleurs, la protection de la maison des dauphins
pourrait aussi permettre de réaliser des gains
économiques à travers un bon plan de marketing.
Celui-ci serait fondé sur l’importance du site.
å Nous sommes en train de réfléchir à la
manière de satisfaire les visiteurs qui passent
par Samadaï, sans nuire bien sûr aux dauphins
ò, indique Géraldine de Montpellier.
L’objectif
non avoué du projet est aussi d’attirer l’attention
des responsables égyptiens qui une fois encore
ont traîné à faire le bon choix entre respect
de la nature et tourisme de masse .
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Doaa
Elhami |
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Trois questions à |
Aymane
Hassan Taher, chef
des moniteurs de plongée à Marsa Alam. |
Al-Ahram
Hebdo : Vous étiez membre de l’équipe qui a institué
des normes de sauvegarde de la maison des dauphins.
Y a-t-il d’autres sites qui méritent d’être conservés
en mer Rouge ?
Aymane
Hassan Taher :
D’après mon expérience de 22 ans de plongée en mer
Rouge, je peux assurer que tout le littoral égyptien
mérite d’être conservé et même déclaré réserve naturelle.
L’Agence Egyptienne des Affaires de l’Environnement
(AEAE) a commencé par déclarer, il y a quelques
années, les îles de la mer Rouge réserves naturelles.
Et récemment, ce fut au tour des îles du nord. Mais
cela reste insuffisant. Grâce à sa température tiède
et à son état sauvage, la mer Rouge renferme de
multiples trésors, dont une diversité incomparable
de coraux et de créatures aquatiques.
—
A votre avis, quels sont les dangers auxquels est
exposé l’environnement aquatique de la mer Rouge
?
—
La liste est infinie et comprend notamment les oléoducs
qui parsèment la côte du golfe de Suez jusqu’à Ras
Ghareb. Ces oléoducs n’ont pas été changés depuis
une trentaine d’années. Leur état se détériore et
ils peuvent être fissurés. Une seule fissure est
capable de causer une catastrophe écologique. De
même, les navires commerciaux et touristiques se
débarrassent de leurs déchets directement dans la
mer. Il faudrait prendre en considération que nous
ne sommes pas prêts à recevoir ces déchets, ni à
les collecter ni à les recycler, ou au moins à s’en
débarrasser proprement. Et la situation est la même
dans tous les villages touristiques en bord de mer.
Pis encore, tout le drainage sanitaire de la ville
de Dahab est reversé directement dans la mer. Outre
la pêche illégale basée sur l’empoisonnement du
poisson ou l’utilisation d’explosifs. Ces deux méthodes
non seulement mettent la vie des espèces maritimes
en danger, mais menacent tout l’écosystème maritime.
—
Comment peut-on remédier à ces problèmes ?
—
A mon avis, l’ignorance et l’absence de sensibilisation
des citoyens sont à l’origine de tous ces problèmes.
Depuis cinq ans, nous avons introduit 70 membres
de la tribu d’Ababda dans nos activités liées à
la plongée et à la réserve naturelle de Wadi Al-Guémal,
à 30 km de Marsa Alam. Aujourd’hui, le comportement
de la tribu a complètement changé. Ces derniers
nous aident à protéger les écosystèmes maritime
et terrestre. Quant aux visiteurs, étrangers ou
égyptiens, ils sont invités à participer au programme
du å Reef Check ò, qui vise à faire connaître
les zones polluées à travers les plongeurs. Ce programme
nous aide à déterminer les zones polluées afin d’intervenir
et de stopper les détériorations écologiques
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