La nouvelle pensée du PND
et l’opposition |
Par
Mohamed Sid-Ahmed |
En tant qu’écrivain à Al-Ahram
et membre du parti du Rassemblement, je me permets de
poser une question : comment éviter, avec la tenue de
la 2e Conférence du Parti National Démocrate (PND), que
les forces d’opposition deviennent des citoyens de deuxième
classe ?
Il est
vrai que le président Moubarak a assuré dans son discours
de clôture de la conférence que la proposition d’idées
et de visions et que la planification des politiques
ne sont pas le monopole d’un seul parti et que le dialogue
doit être ouvert sur ces idées et politiques avec toutes
les classes de la société, y compris les partis politiques
qui constituent une partie importante de l’édifice politique
en Egypte. Les partis peuvent avoir des visions et des
politiques différentes, mais ils sont tous d’accord
sur un seul objectif : servir l’intérêt de la patrie
et garantir sa sécurité.
Or, en
suivant les réunions de la conférence, surtout de loin,
on remarque que l’objectif des mécanismes des activités
du PND est d’en faire un tout indivisible. On remarque
aussi une certaine opposition entre la structure du
parti et l’établissement d’un dialogue fructueux avec
les partis d’opposition. Cette contradiction a besoin
d’une étude approfondie.
A la lumière
des discussions de la conférence du PND, on doute que
le système qui contrôle sa structure puisse être qualifié
d’« ouvert ». A quoi la « priorité » est-elle donnée
dans la « nouvelle pensée » du parti ? La relation entre
le parti et le public peut sembler très simple. En réalité,
elle est très compliquée. L’ouverture sur le public
viserait-elle à faire connaître les orientations du
parti ou bien aussi à éduquer politiquement le public
et lui faire assimiler une « pensée » qui, en fin de
compte, se base sur des principe généraux, non seulement
« scientifiques », mais aussi « idéologiques » ?
Le slogan
du dialogue avec les autres partis n’est pas nouveau.
Maintes tentatives ont déjà eu lieu afin d’effectuer
un pareil dialogue, mais qui sont restées cantonnées
au « niveau supérieur », c’est-à-dire au niveau de la
direction, ce qui n’a évidemment pas engendré des résultats
palpables.
On ne peut
pas dire que le dialogue avec les partis d’opposition
s’étend pour comprendre l’opposition toutes tendances
confondues, mais reste restreint à des partis légitimement
reconnus tandis que d’autres restent éloignés malgré
leur existence effective dans la rue égyptienne.
Ce n’est
pas un hasard si les partis d’opposition, malgré les
différences existant entre eux, communiquent et agissent
parfois ensemble. Tandis que toutes les tentatives d’en
faire de même avec le parti au pouvoir ont échoué. Le
point commun entre tous les partis d’opposition est
qu’ils sont loin du pouvoir. Ces partis peuvent aussi
être, comme l’a dit le président Moubarak, « une partie
intégrante de la formation politique en Egypte ». Or,
le sens précis de cette déclaration a besoin de plus
de précision.
Il est
normal que les partis d’opposition aspirent au pouvoir.
C’est la justification même de l’existence des partis
dans un système pluraliste. Or, leur participation au
pouvoir et même une éventuelle alternance politique
constituent les règles du jeu. A quel point peut-on
concilier cette réalité et les tensions résultant de
l’existence d’un seul parti au pouvoir et d’un nombre
de partis en dehors de tout pouvoir ? C’est la grande
question débattue lors de la 2e Conférence du PND et
qui a besoin d’être longuement étudiée.
Cette concurrence
entre les partis se déroule dans des conditions régionales
et internationales extrêmement compliquées. Ce qui nécessite
une nouvelle pensée et de nouvelles priorités. Les priorités
du parti au pouvoir ne sont pas nécessairement celles
des partis de l’opposition. Ceux-ci sont d’accord sur
la nécessité de mettre fin à l’état d’urgence et de
revenir à la légitimité constitutionnelle. Quant au
PND, il accorde la priorité aux problèmes économiques.
|
Définir la nouvelle pensée
|
La nouvelle
pensée qui a besoin d’être propagée est celle qui ne
consacre pas les contradictions, mais qui assume un
rôle central dans leur abolition. La conférence n’a
pas défini la « nouvelle pensée » et n’a pas expliqué
en quoi cette nouvelle pensée est « nationale » et «
démocratique ».
Les Etats-Unis
prétendent que la démocratie fait défaut aux régimes
politiques arabes. Comment peut-on juger ceci en l’absence
de toutes normes ou références ou d’une définition précise
de la démocratie ? Comment réfuter les prétentions de
nos adversaires et faire la différence entre ce que
nous devons accepter et ce que nous devons refuser ?
Au début,
nous avons dit que la relation du parti, tout parti,
avec le public est un problème compliqué. Le parti ne
doit pas « mendier » le soutien du public, ni s’en éloigner.
Il doit y avoir une relation interactive entre l’élite
du parti et le public qui doit être fondée sur tout
ce qui est positif et mérite d’être développée des deux
côtés. C’est-à-dire tirer les leçons des échecs et profiter
des réalisations. Ce processus est compliqué et nécessite
des efforts acharnés pendant de longues années.
La « nouvelle
pensée » ne doit pas se limiter à un simple slogan,
mais doit être avant tout un mécanisme d’action pour
dépasser l’état de désordre qui sévit sur la scène politique
et investir au mieux les énergies politiques disponibles,
quelles que soient leurs origines.
La nouvelle
pensée, en particulier le terme « citoyenneté », ne
convient pas à un climat où manquent l’égalité et la
parité des chances entre les citoyens.
C’est aux
penseurs et hommes politiques de déterminer les caractéristiques
de la nouvelle pensée dont nous avons besoin en Egypte.
Cette initiative doit naviguer de pair avec une évaluation
de cette pensée au niveau de l’application. Cette initiative
doit être ouverte à tous ceux qui veulent y participer.
Il y va de l’intérêt des leaders du PND et de ceux de
l’opposition.
|
|
|
Un dialogue
interpalestinien décisif |
Par
Wahid
Abdel-Méguid
|
Politologue
|
Le nouveau
dialogue interpalestinien qui devrait se tenir au Caire
peut-il réussir en dépit des obstacles dressés sur son
chemin ? Cette question s’impose vu la volonté du premier
ministre israélien, Ariel Sharon, de jouer sur les divergences
entre les factions palestiniennes d’une part et l’Autorité
et ses alliés d’autre part. Sharon prévoyait que des conflits
et des divisions des plus violents surgiraient dans la
bande de Gaza une fois ses troupes retirées. Beaucoup
d’indices portent à croire que ses prévisions ne sont
pas sans fondement. La preuve en est les conflits qui
avaient éclaté dans la Bande au cours de la seconde moitié
de juillet. Ces conflits ont montré que pour éviter le
pire, c’est-à-dire que les Palestiniens s’entretuent comme
l’espérait Sharon, il fallait remettre de l’ordre dans
la maison palestinienne. Sinon Sharon aurait un atout
à sa disposition lui permettant de continuer à dire que
les Palestiniens sont incapables de se gouverner eux-mêmes.
Nous sommes face à un vrai danger qu’il
ne faut pas ignorer. Le moyen le plus sûr pour y parvenir
est de tenir le dialogue interpalestinien tant attendu.
Le but étant d’aboutir à une entente sur un programme
conjoint d’action nationale. Mais le problème est que
les précédentes tentatives, que ce soit à Gaza ou au
Caire, n’ont pas abouti.
Le Caire avait accueilli trois sessions
de dialogue interpalestinien. Le premier était bilatéral
et réunissait les deux mouvements Hamas et Fatah en
novembre 2002. Le second a été tenu en janvier 2003
réunissant toutes les factions. Quant au troisième,
il a regroupé en décembre 2003 l’Autorité et les différentes
factions. Mais hélas, rien n’a été réalisé. Aucun de
ces débats ne peut non plus servir de base pour un nouveau
dialogue. Pire encore, la situation en Palestine est
actuellement plus difficile qu’avant. La Feuille de
route, qui était un espoir au cours des anciennes sessions
de dialogue, est devenue aujourd’hui lettre morte. Sharon
a réussi à la détruire en profitant des mauvais calculs
faits par certaines factions palestiniennes, qui ont
mal choisi le temps et le lieu de leurs opérations armées.
Ceci a aidé Sharon dans son objectif le plus cher depuis
les attentats du 11 septembre 2001, à savoir créer un
amalgame entre la résistance nationale légitime et le
terrorisme.
Pourtant, l’Egypte ne baisse pas les
bras. Elle tente d’explorer auprès des 5 factions palestiniennes
principales (Fatah, Hamas, Djihad islamique, Front populaire
et front démocratique de libération de la Palestine)
les chances d’organiser un nouveau dialogue. Si elle
s’aperçoit ensuite qu’il est possible de réaliser des
résultats positifs et qu’il y a un dénominateur commun
entre ces factions, elle les aidera à formuler la première
ébauche d’un programme d’action nationale conjointe.
Ces efforts reflètent la détermination
de l’Egypte à poursuivre son rôle qui consiste à soutenir
le peuple palestinien et à rationaliser l’action des
factions qui se lancent la plupart du temps dans des
actes vindicatifs comme réponse aux attaques et aux
provocations israéliennes. Ce qui fait qu’elles perdent
les rênes de l’initiative et se confinent dans des actions
de vengeance et de représailles.
Sharon a pourtant tout fait pour que
l’Egypte lâche prise et réduise son rôle. Il a mis sur
son chemin des obstacles interminables. Mais ce qui
l’a inquiété le plus dernièrement était l’initiative
égyptienne d’aider l’Autorité et les factions palestiniennes
à prendre les mesures nécessaires pour l’après-retrait
de la Bande de Gaza en envoyant des officiers égyptiens
entraîner les forces de sécurité et de la police palestiniennes.
Sharon pensait que sa réussite à geler
la Feuille de route plongerait l’Egypte dans une profonde
déception et restreindrait par conséquent son rôle.
Mais il a découvert que Le Caire était déterminé à poursuivre
sa mission qui consiste depuis mai dernier à intégrer
le plan de retrait unilatéral de Sharon dans la Feuille
de route. Au lieu de sombrer dans la déception, l’Egypte
a cherché à déjouer la tentative de Sharon de remplacer
la Feuille de route par le plan de retrait unilatéral
de Gaza. Sharon n’a pas pu refuser la demande égyptienne
de faire du retrait l’une des étapes de la Feuille de
route. Car l’Egypte avait convaincu le Quartette que
ce retrait n’aiderait le règlement pacifique que s’il
s’effectuait dans le cadre de la Feuille de route, c’est-à-dire
qu’il devienne une première phase suivie par un retrait
de toute la Cisjordanie. Ceci serait un premier pas
en vue de la création de l’Etat palestinien.
Il était difficile également pour Sharon
d’accepter que l’Egypte joue un rôle en ce qui concerne
la protection des frontières après le retrait israélien.
Mais il n’a pas pu afficher publiquement ce refus dès
le départ, car il avait besoin de commercialiser son
plan de retrait au niveau international. Pour ce, il
s’est montré au départ un peu souple et a accepté que
l’Egypte assume le rôle de la supervision des frontières
séparant Rafah du territoire égyptien. Ceci implique
une légère modification du traité de paix égypto-israélien
de sorte à permettre aux gardes-frontières égyptiens
d’avoir accès à cette région.
Pourtant, Sharon mise toujours sur
la faiblesse et la division de l’Autorité et des factions
palestiniennes et sur le désordre qui sévit au sein
de la Bande de Gaza pour compromettre le rôle égyptien.
Il a exploité le double attentat suicide de Beersheva
le 31 août dernier et a décidé de reprendre sa politique
d’assassinat ciblé des dirigeants des factions palestiniennes.
Il s’est rétracté de sa promesse d’arrêter les attaques
militaires contre les Palestiniens dès l’arrivée des
officiers égyptiens à Gaza. Il a également refusé à
l’Egypte le rôle qu’il avait déjà accepté, celui de
la supervision des frontières. Il voulait ainsi que
l’Egypte désespère et renonce à son rôle en lui laissant
les coudées franches pour faire ce que bon lui semble
avec les Palestiniens. Mais une fois de plus, il n’a
pas réussi. L’Egypte a revu son rôle. Au lieu d’envoyer
des officiers égyptiens à Gaza, elle a commencé à accueillir
des officiers palestiniens pour les former sur son propre
territoire. Bien plus, elle cherche toujours à convaincre
les Palestiniens de régler leurs problèmes avant le
retrait israélien.
La balle est maintenant dans le camp
des cinq principales factions. C’est à elles de faire
réussir leur dialogue et aider ainsi l’Egypte à déjouer
les plans de Sharon de faire de Gaza après le retrait
une grande prison hermétiquement fermée et dont les
clés seront exclusivement entre ses mains.
|
|