Football .
Le Stade international du Caire, construit pour témoigner
de la puissance de l'Egypte de Nasser, a été le théâtre
d'intenses moments de gloire. Il entame vendredi une cure
de jouvence de 6 mois. |
La
grande aventure du Stade du Caire |
Le
sacré bon vieux Stade du Caire a pris de l'âge et cela
se voit. Certaines parties étant en travaux, il ne pouvait,
jusqu'ici, accueillir que 50 000 personnes. Dès ce
vendredi, et après le match Zamalek-ittihad, il
sera fermé pendant six mois. Ce lifting s'imposait, surtout
en prévision de la prochaine Coupe d'Afrique des nations
en 2006. Mais aussi pour constituer l'un des points forts
de la candidature égyptienne à l'organisation de la Coupe
du monde 2010. Et ce bon vieux Stade international du
Caire a bien le droit de rêver un tel rendez-vous mondial,
lui qui depuis son inauguration le 24 juillet 1960 a connu
de grands moments.
Fiers
et orgueilleux de ce chef-d'œuvre sportif, les clubs de
football égyptiens ne cesseront d'inviter dans les années
1960 et 70 leurs grands homologues européens comme le
Benfica (Port), le Real Madrid, le F.C.
Barcelone, ou l'Inter de Milan, etc. Un club
égyptien confronté à une de ces équipes était ressenti
par les Egyptiens comme un défi national. Toute l'Egypte
soutenait le club d'une ville. Hicham Azmi, ancien gardien
de but international de Zamalek, membre du conseil
d'administration de la Fédération égyptienne de football
et actuel membre du comité de Futsal à la FIFA, se rappelle
que grâce au public dans les tribunes, les équipes égyptiennes
se démenaient pour parvenir à le satisfaire.
En
1969, ce stade accueille la finale de la Coupe d'Afrique
des clubs champions opposant l'équipe d’Ismaïli
et d'Englebert. Les gradins grouillent de monde,
130 000 supporters sont présents dans les tribunes,
et même installés en haut des panneaux d'éclairage !
Un match sensationnel. Ce sont finalement les Jaunes
qui, sous les acclamations, décrochent le titre. Un grand
moment à la grande époque du nationalisme arabe.
Dans
les années 1970, ce Stade du Caire est l'objet de toutes
les attentions. En plus d'être le lieu dans lequel se
déroulent toutes les rencontres internationales, il est
aussi l'arène des matchs opposant les clubs phares égyptiens.
En raison des violences lors des matchs Ahli-Zamalek
qui se jouaient alternativement dans chacun des stades
de ces deux clubs, il est d'ailleurs décidé que tous ces
derbys aient lieu au Stade du Caire afin d'éviter que
les supporters ne se cotoient lors de ces matchs toujours
chargés d'émotion et propices aux débordements.
Après
le titre remportée par Ismaïli, Moqaouloun,
Ahli et Zamalek remportent d'autres Coupes
d'Afrique à plusieurs reprises et toujours dans un stade
bondé. Mais l'affluence de supporters a parfois eu des
effets négatifs. Lors de la Coupe d’Afrique des Nations
(CAN) 1974 qui a eu lieu en Egypte, la pression exercée
par le public est telle qu'elle conduit à la défaite des
Egyptiens, qui terminent 3es de la compétition.
Lors
d'un match amical l'opposant à l'Entrakht Frankfurt
(All) une des grandes équipes allemandes de l'époque,
Zamalek, soutenu par des supporters en furie, est
parvenu à dominer la rencontre, même si elle s'est finalement
terminée sur un score de 0-0.
Dix
ans plus tard, sous les applaudissements de plus de 100 000
personnes, l'Egypte se qualifie en 1984 pour les Jeux
olympiques de Los Angeles en battant 1-0 l'Algérie, équipe
qui avait pourtant battu l'Allemagne de Rummenigge lors
du Mondial 1982 en Espagne grâce à un but marqué de la
tête par Alaa Nabil du club Moqaouloun, qui a ensuite
été l'adjoint du sélectionneur national Mahmoud Al-Gohari.
« Je percevais dans les yeux des grands joueurs
algériens comme Assad, Madjer et Beloumi une certaine
crainte lors de ce match. Ce jour-là, les tribunes du
stade étaient combles. J'ai vraiment ressenti qu'on avait
la mission de le satisfaire », se rappelle-t-il.
Même
sentiment avoué par Taher Abou-Zeid en 1986 après que
l'Egypte ait remporté la CAN qu'elle organisait grâce
à ses 6 buts (meilleur joueur de la compétition avec le
Camerounais Roger Mila). L'année 1991 est celle de la
victoire égyptienne à domicile lors des Jeux africains
avant de décrocher le titre de champion en 1997 avec la
Coupe de football des moins de 17 ans, organisée également
en Egypte. Un responsable de la FIFA a avoué après la
finale que grâce à la fidélité du public lors de cette
complétion, l'édition 1997 de la compétition laisserait
un souvenir mémorable. Un public qui a aussi permis à
Ahli de s'imposer face au Real Madrid comptant
dans ses rangs le Français et champion du monde Zineddine
Zidane. « Jouer contre une équipe étrangère dans
le Stade du Caire m'as mis en confiance. Il a sa réputation
et son prestige africain. Face aux encouragements des
supporters en notre faveur, les équipes étrangères en
venaient à perdre tous leurs moyens », explique
Taha Ismaïl, ex-buteur international d’Ahli, ancien
sélectionneur national et actuel responsable de l'un des
bureaux Goal de la FIFA en Afrique.
Mais
le grand moment vécu par le Stade du Caire reste celui
du 17 novembre 1989 quand Hossam Hassan marque dans les
filets algériens le but de qualification pour le Mondial
d'Italie en 1990 devant plus de 120 000 supporters
arrivés dans les tribunes 6 heures avant le début du match.
« A mon entrée dans le stade, j'ai pleuré tant
j'étais impressionné par le public. Ce Stade du Caire
inspire vraiment le respect », se rappelle-t-il.
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Amr
Moheb
Taïmour
Hubert |
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La
révolution des infrastructures |
« Avec
la Révolution, notre partie est entrée dans une nouvel
ère. D'énormes constructions seront entreprises dans divers
secteurs », affirme Al-Ahram, premier quotidien national
égyptien, dans son édition du 1er août 1952.
Au
lendemain de la Révolution de 23 Juillet 1952, le gouvernement
égyptien adopte en effet une politique de renouveau qui
touche l'ensemble des secteurs de la nouvelle « République
Arabe Unie ». Le gouvernement désire ainsi mettre
sur pied un projet sportif d'envergure capable de symboliser
et de marquer le commencement de la nouvelle ère politique
dans laquelle est entrée l'Egypte depuis l'abolition de
la monarchie. En février 1956, l'Assemblée des ministres
approuve finalement la proposition du ministère des Villes
et des Campagnes (actuel ministère de l'Intérieur) de
créer une cité sportive, qui sera dénommée Nasr (victoire),
en hommage aux avancée sociales réalisées à la
suite de la Révolution de 1952.
L'inauguration
prévue initialement en janvier 1960 est reportée au mois
de juillet afin de coïncider avec la célébration de la
Révolution de 1952. L'un des objectifs avoués étant d'organiser
les Jeux Olympiques (JO) de 1964.
Pour
diriger la construction, le gouvernement choisit l'architecte
allemand Werner March, 63 ans, auteur du stade de Berlin
qui est à l'époque l'un des plus grands stades au monde.
Il est placé à la tête d'une équipe de 14 ingénieurs.
Le budget s'élève à 2 millions de livres égyptiennes pour
le stade et à 3,2 millions pour l'ensemble du complexe
sportif qui s'étend sur 2 000 feddans (840
hectares). L'idée de la construction de cette cité sportive,
et en particulier celle du stade, pouvant contenir jusqu'à
100 000 personnes, répond au besoin de rendre l'Egypte
capable d'accueillir d'importantes compétitions sportives.
Pour ainsi prouver sa puissance. Animé par un profond
patriotisme, le projet est donc d'envergure internationale.
Le président Gamal Abdel-Nasser supervise cependant lui-même
les travaux. « Mon père m'a raconté qu'en mars
1959, voyant que le rythme de travail ne permettrait pas
d'achever la construction pour les commémorations de la
Révolution, Nasser a pris des mesures spécifiques pour
accélérer les travaux », explique Hassan Al-Mestekawi,
responsable des pages sports au quotidien Al-Ahram
et fils de Naguib Al-Mestekawi, une des légendes de la
presse sportive égyptienne.
Une
presse qui ne tarit pas d'éloges à l'égard de cette construction.
« Nous aurons le plus grand stade du Proche-Orient.
Nous serons dignes d'accueillir les plus importants événements
sportifs du monde. L'Egypte peut prétendre en toute confiance
à l'organisation des JO de 1964 », affirme un
journaliste dans le journal des Forces armées.
Le
jour de l'inauguration qui intervient pour le 8e anniversaire
de la Révolution de 1952 est très attendu par les médias,
qui soutiennent sans réserve l'idée du commencement d'une
nouvelle ère sportive pour l'Egypte.
Le
président Gamal Abdel-Nasser prononce le 24 juillet 1960
un discours depuis la tribune d'honneur face à un public
amené gratuitement en autobus depuis tous les quartiers
du Caire. Ingénieurs et architectes sont décorés, et 7
timbres destinés à magnifier l'événement sont imprimés
par les services postaux en l'honneur de ce monument sportif
qui est encore aujourd'hui le plus grand du continent.
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Une
vedette de 44 ans
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Depuis
son inauguration en 1960, le Stade international du Caire
a accueilli de nombreuses vedettes du football national
et international. Les stars de cette époque, Puskas, Hidigkuti,
Koscic, Gento, Di Stefano ; le Brésilien Pelé, ou
encore l'Anglais Stanley Mattews ont été les premières
à fouler les unes après les autres sa pelouse. Et à ensuite
s'affirmer fières d'avoir pu jouer dans le « Stade
Nasser ». Dans les années 1970, c'est au tour des
Allemands Franck Bechenbauer et Gerd Muller d'avoir l'occasion
de jouer face à plus de 80 000 supporters. La décennie
suivante, le Stade international du Caire accueille les
stars d'Angleterre Gary Lineker et Peter Chilton dont
le rôle a été déterminant dans la victoire par 4-0 contre
les Pharaons. Depuis 1990, le stade a vu évoluer une dizaine
de perles du football mondial, dont les Colombiens Higuita
et Valderama, le Roumain George Hagi, l'Italien Totti,
le Norvégien Tor Andre Flo, le Brésilien Aldaïr, l'Italien
Gianini, le Brésilien Ronaldinho, et 3 ans plus tard les
vedettes du Real Madrid, dont Zidane, Roberto Carlos,
Raul, Emerson, Cafu, Hierro. L'année suivante, ce sont
celles de l'AS Rome avec Gabriel Batistuta et du Lazio
de Claudio Lopez qui viennent au Caire se mesurer à des
équipes égyptiennes.
Beaucoup
de légendes africaines ont également eu l'occasion de
s'illustrer dans ce stade légendaire. Les uns ont joué
pour des équipes égyptiennes comme le Ghanéen Abdel-Razak
(2 fois Ballon d'or d'Afrique), le Camerounais Antoine
Bell, un des meilleurs gardiens de buts dans l'histoire
du football et le Nigérian Emmanuel Amunike. D'autres
sont venus avec leurs équipes pour jouer en Egypte comme
le Guinéen Chérif Soliman, le Ghanéen Abedi Pelé, le Camerounais
Antoine Bell, un des meilleurs gardiens de buts dans l'histoire
du football africain, et son compatriote Roger Mila. Ou
encore les Algériens Assad et Rabah Madjer, le Marocain
Timoumi, le Libérian George Weah et enfin les Sénégalais
Al-Hadji Diouf et Khalilou Fadiga.
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A.M
T.H |
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