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La vie mondaine
Inspirations du moment est l'unique recueil de poésies publié par l'Egyptienne Samiha Ihsane. D'expression française, ses vers sont d'une exaltation et d'une frénésie dont l'amour est la principale source.
Inspirations du moment
L'imprévisible On m'avait dit, méfie-toi des femmes,
Elles envoûtent et enflamment,
Vous mènent jusqu'à l'église
Et pour la vie vous enlisent

Tout en elles n'est que mirage
Auquel se fait prendre le plus sage
Et nul ne peut déceler
Ce qu'aux yeux elles veulent cacher.

Mais la blonde et fine poupée
Au sourire éblouissant nacré
Aux yeux ombrés de cils épais
Fascinait, me subjuguait.

Faisant fi de mes conseillers
En un clin d'œil je l'ai épousée
Sans pressentir que le lendemain
Apporterait des regrets certains.

La nuit de noces elle a abdiqué
Sous mes yeux ahuris sa beauté,
Se destituant de ses atouts
Les jonchant un peu partout.

Ongles, cils, perruque et dentier
Se rejoignaient sur un trépied,
Sa taille de guêpe renonçait
Au bustier qui l'encerclait

Cette beauté démantelée
N'avait plus rien pour attirer.
J'avais au pied de l'autel sacrifié
Mes rêves, mes espoirs, la liberté

Messieurs, du sexe féminin
Ne croyez que le tangible
Et, si rassurés et certains,
Craignez l'imprévisible.

La photo
Rends-moi ma photo s'il te plaît
Non, tu ne peux plus la garder,
Demain à l'église je me marie,
Mon passé doit être aboli.

Je voudrais taire à mon fiancé
Qu'un jour nous nous étions aimés,
Car, à ce jaloux vindicatif,
Ma mort serait un impératif.

Des anges je n'ai la blancheur,
Et l'enfer m'emplit de terreur,
La photo s'il te plaît rends-la moi
Laissons-le croire en ma candeur.

Tes lunettes
Tes lunettes ma mie ne peuvent empêcher
A travers leurs verres ton regard de filtrer
Sache que je vois tes yeux me suivre de près
Et où que j'aille ne cessent de m'épier.

Je les sens autour de moi m'accompagner,
Suivre les traces de mes pas, les dépister,
Mais chérie, tu ne pourras jamais m'attraper
Si un jour j'ai envie de te tromper.

Ma violette
Oh ! Timide violette, pourquoi fuis-tu mes yeux ?
Laisse les lèvres dessiner un sourire heureux,
Tu es ma joie, tu es la vie, tu es tout pour moi
Quitte cet air craintif ; à mes côtés assieds-toi.

J'aspire au jour où à l'église je t'emmènerai
Jurer devant Dieu que pour la vie je t'aimerai,
Ce jour pudique violette, tu m'appartiendras,
Embarrassée, confuse, honteuse tu seras.

A quinze ans
En mille neuf cent trente-cinq les jeunes filles
Bien protégées ne connaissaient rien à la vie,
Toutes fraîches, toutes pures, tout innocentes,
Jamais seules, toujours suivies de gouvernante.

Telle était ma vie à quinze ans quand tu apparus,
Je jouais encore à la marelle et aux billes ;
Tu m'as aimé dès que tu me vis et a voulu,
Sans attendre, m'arracher au sein de ma famille.

On ne t'opposa de refus, on t'agréa
Sans penser que, trop jeunes pour avoir un nid,
Dans la féerie d'une soirée on célébra
Le mariage qui à toi à jamais m'unit.

J'ai été ton premier amour, tu fus le mien,
Toi aussi tu n'avais que quinze ans comme moi,
Nous avons grandi et vieilli, mais combien
Nous nous sommes aimés, toi et moi.

Quand nous ne serons plus là
Quand toi et moi ne serons plus là
Qu'adviendra-t-il donc de notre toit ?
Qui s'en emparera et l'achètera
Pour y vivre en faire son chez-soi ?

Qui à ton fauteuil s'assoira ?
Qui occupera mon sofa ?
Qui somnolent, moitié éveillé
Devant la télé passera ses veillées ?

Le boudoir, notre chambre préférée
Nous y passions toute la journée
Sera-t-il demain chambre de bébé ?
Tout ce qui fut nôtre sera changé.

Aux enchères à être vendus iront
Tous les meubles et objets que nous aimions
Nous vaudrons cher, nous rapporterons
Sans gagner une pensée pour autant

Hélas ! Nous n'avons pu procréer,
Pas de descendance pour nous pleurer
Nous partirons sans que personne
Sur notre tombe vienne prier.

A mon mari
Si un jour tu venais à me quitter
Et dans ton cœur me faisait remplacer,
Je te tuerais sans plus ni moins
Je le jure Dieu m'est témoin

Ma vie entière t'appartenait,
Passé, présent, avenir,
Comment te laisserai-je partir
Sans m'être vengée, moi qui t'aimais ?
Un amour sincère ne se foule pas aux pieds,
Une âme ulcérée ne peut pas pardonner,
Et un cœur blessé ne saura hésiter
Le dernier soupir à te faire exhaler.

En prévision de ce futur,
Chéri, prends tes mesures,
Ne force pas la nature
A se déchaîner.

Les legs
Il était déjà d'un mauvais pied parti
Le grand-père Adam chassé du paradis,
Sa faiblesse pour Eve cause d'hérédité,
Par ses descendants mâles fut héritée.

Tarés par ce legs, manquant de volonté,
Aux désirs de la femme ne peuvent s'opposer,
Celle-ci, par sa mère bien enseignée
Au caprice de l'heure les fait danser.

Je sentais
Je sentais le feu de deux flammes
S'élever dans nos âmes
Brûler sur son chemin
Ton cœur et le mien

Les yeux dans les yeux
D'amour enivrés
Nos yeux enlacés
Ne pouvaient se quitter.

Surtout
Laisse-le partir sans se douter
Qu'à travers la porte j'écoutais,
Laisse-le partir sans soupçonner
Que les années m'ont burinée.

Fais-lui croire à mon absence
Du lieu de ma résidence,
qu'il s'en retourne sans avoir su
Que je ne suis plus, ce que je fus.

A un cœur constant, sans faille,
Le mécompte serait de taille.
Ce Céladon de ma jeunesse
Aimera-t-il ma vieillesse ?

Laisse-le partir plein d'illusions
A la recherche de sa passion
Mais que surtout, je ne lise pas
Dans son regard sa déception.

Attends-moi
On m'arrachait les entrailles, mère
En t'arrachant à mes baisers,
Ignorant mes larmes amères
M'entraînèrent de tes côtés.

Pareils à des oiseaux de proie
De ton cercueil se saisirent,
T'emportèrent hors de ton toit
Pour ne jamais y revenir.

Maman, de l'inconnu as-tu peur ?
Dans l'au-delà, les anges sont douceur.
Ne crains rien mère tout ira au mieux
Mon père t'espère au royaume des cieux.

Mes lèvres ne cessaient de murmurer
Pour te rassurer, te réconforter
Défaite, je suivis entre parents et amis
Ton triste cortège, la fin de ta vie

Là-bas te couchèrent et d'une voix plaintive
Fermèrent ton sépulcre d'une main hâtive.
Attends-moi maman, les heures tournent en rond,
Un jour à ta porte pour moi ils taperont.

Etendue entre tes bras je comblerai
Le besoin contre toi de me serrer,
Tout comme enfant sur ton sein je dormirai
Du sommeil qu'une maman aura bercé

Jalons

Née en Egypte en 1920, Samiha Ihsane a fait ses études au lycée français de Bab Al-Louq. Dès l'âge de 13 ans, elle se met à écrire des poèmes en langue française. Mariée à l'écrivain Ahmad Fouad Taymour, elle lui dédie son œuvre. Bien qu'elle continue toujours à écrire, Ihsane n'a publié qu'un seul recueil, Inspirations du moment, en 1992.
 

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