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Médias . Albrecht Hofheinz, professeur allemand associé à l’Université d’Oslo et spécialiste de la culture arabe moderne, a réalisé plusieurs études sur Internet dans le monde arabe. Il a participé récemment à un colloque intitulé « Islam et Internet » à l’Institut Goethe.

« On ne peut pas parler d’une synergie islamo-nationaliste »

Al-Ahram Hebdo : En 1990, vous étiez doctorant en Norvège et avez découvert les débuts du cyberactivisme musulman. Que pensez-vous de la Toile islamique ?

Albrecht Hofheinz : Il y a une fragmentation du public, étant donné le nombre croissant des sites en question. Chaque récepteur a choisi ses sites-forums préférés selon ses tendances pour confirmer des idées déjà reçues. Ainsi, ceux qui se ressemblent s’assemblent, au lieu d’avoir une agora, une sorte de marché d’opinions où l’on discute d’égal à égal, ou encore un espace public habermassien (ndlr : du nom d’Habermass, auteur allemand ayant publié un ouvrage de référence sur l’espace public) sans autorité hiérarchique, comme le préconisaient les théories enthousiastes sur Internet. Vers la fin des années 1990 et le début de l’an 2000, il y a eu beaucoup de guerres entre « séculaires » et « islamistes » sur le Net. Les forums se multiplièrent mais au bout d’environ 3 ans, cette guerre s’est relativement apaisée. Ce n’est plus la confrontation comme auparavant. Les activistes n’ont plus le même enthousiasme et les anciens, fatigués, sont remplacés tour à tour par des nouveaux. Reste que les Arabes, suivis des Latinos, se rendent le plus compte de l’importance de ces forums quant à l’expression de l’opinion publique. Ce qui n’est pas le cas de l’Europe et des Etats-Unis.

Depuis 2000 également, l’entrée de l’Arabie saoudite en ligne a vivement marqué le contenu des sites, allant vers une tendance plus wahhabiste, sans doute. La moitié des internautes arabes étant presque égyptiens et saoudiens. 50 sites-forums sur les 150 les plus visités dans le monde arabe sont à caractère islamique. Ce n’est pas le cas des Turcs par exemple qui optent plus pour les sites économiques. Les sites islamiques les plus visités sont d’abord ceux à tendance moraliste, plutôt que politique, visant à faire évoluer la société en insistant sur les valeurs morales des individus comme ceux d’Amr Khaled et Islam on line. Ensuite, en deuxième rang, viennent les sites d’information au penchant notamment islamiste.

— Ces derniers temps, d’aucuns mettent l’accent sur la confluence de l’idéologie islamiste et du panarabisme, notamment au lendemain du 11 septembre et de la guerre en Iraq …

— Je ne pense pas que l’on puisse parler d’une synergie islamo-nationaliste. Prenons comme exemple les sites de la résistance iraqienne. Il y a une sorte de consensus, une alliance stratégique entre baassistes et islamistes, car ils sont réunis actuellement par un but commun : lutter contre les Américains.

Certains journalistes et observateurs prétendent que l’islam a été derrière toutes ces images violentes accessibles sur le Net, décapitation ou autres. Cela sert leur agenda, indépendamment de la réalité politique. Ils veulent montrer que le monde musulman est plus cruel que d’autres cultures.

— Votre intérêt est davantage centré sur les dynamiques de participation que sur les dynamiques idéologiques. Internet a-t-il établi une démocratie participative entre les « djihadistes » et leurs sympathisants ?

— On ne sait vraiment pas. C’est opaque. C’est le chaos total. Avant, les gens savaient qu’Al-Qaëda se trouvait en Afghanistan. Maintenant, on ne sait plus ce qu’est Al-Qaëda. Ce n’est pas une organisation dans le sens classique. On ne sait pas si c’est un activiste terroriste potentiel ou quelqu’un qui veut jouer sur la peur de l’Occident. Parfois, l’on cherche aussi à s’attribuer une certaine fierté, affichant le label Al-Qaëda et se présentant sur le Net comme une nouvelle cellule d’Al-Qaëda.

La floraison des sites djihadistes exprime aussi la popularité de ce genre d’idées. Par exemple, l’auteur de l’attentat de Bali, il y a deux ans environ, s’est identifié au djihad à travers l’Internet. Il en est de même pour ceux de Casablanca. Ils recevaient ou formaient leurs idées sur le djihad en surfant sur le Net. Il s’agit là de personnes qui se sont créées en suivant un modèle et un matériel djihadistes trouvés sur la Toile.

L’Internet a mené d’une part à une simplification du contenu, et d’autre part à un rapport dialectique vis-à-vis de la matière présentée. Il y a du braconnage ; chacun parle de « son islam » à lui, qu’il a dû former en surfant sur le Net.

— Rapprocher les points de vue Orient–Occident, les dialogues pluridisciplinaires, sont des thèmes en vogue …

— Le mois prochain, je participerai à un forum arabo-allemand regroupant des activistes et des académiques à Berlin. Organisé par le ministère des Affaires étrangères, la question soulevée est celle de savoir comment les jeunes utilisent les médias et que peut-on faire pour renforcer l’esprit démocratique et les possibilités de participation, dans le cadre d’une société civile qui renforcerait le « chacun pour soi ».

Propos recueillis par
Dalia Chams

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Salut les Yankees !

Hi ! magazine mensuel américain en langue arabe, se veut apolitique. Financé par le département d’Etat américain, son objectif est d’améliorer l’image des Etats-Unis dans le monde arabe. « L’histoire n’est pas celle d’un Américain qui décide de faire subir une défaite aux autres pour les amener dans le droit chemin ou leur donner la recette américaine pour s’accomplir. C’est un homme qui se lance dans l’inconnu, essayant de rattraper son ignorance, en favorisant sa curiosité ». Cette citation du comédien new-yorkais Viggo Mortensen qui défend son film d’aventure, Hidalgo, n’est pas sans refléter l’idée phare du magazine Hi ! où elle a été publiée en mai dernier. A travers ce média post-septembre, les Américains tentent de se rattraper, disant qu’il n’est jamais trop tard pour dire Hi ! Toujours dans le même numéro, où l’on parle longuement de l’histoire de Frank Hopkins, l’ami des tribus indiennes, parti avec son cheval Hidalgo dans une course en Arabie, le magazine publie un article sur Les Peaux-Rouges, conflit de l’identité et du modernisme. D’ailleurs, le directeur de la rédaction, Fadel Lamen, Américain d’origine libyenne, ne manque pas d’expliquer dans son éditorial que le choix du sujet sur les Peaux-Rouges vient répondre à des interrogations soulevées par les lecteurs eux-mêmes. Des lecteurs jeunes, plutôt élitistes, entre 18 et 30 ans qui s’expriment à chaque numéro sur une question précise posée par la rédaction. A titre d’exemple, le numéro du mois d’octobre propose la question suivante : Quel est l’impact du processus de délocalisation appliqué par les grandes firmes industrielles, déplaçant une part de leur activité vers les pays du tiers-monde, sur l’économie de ces derniers ? 51 % des voix jugent que l’impact est positif, 29 % le trouvent nocif et 20 % peu important. Ce dernier et seizième numéro consacre justement une enquête sur l’exportation des emplois vers les pays tiers-mondistes comme l’Inde et la Chine. La globalisation n’est donc pas un échange à sens unique et en voilà la preuve : un informaticien américain de 33 ans perd son travail, lequel sera effectué par un réseau basé en Inde. Selon l’article, le monde arabe n’est guère épargné par cette course à l’emploi. Car les Emirats arabes unis sont fin prêts à s’engager dans ce processus et l’Egypte est parmi les dix pays les mieux adaptés au « redéploiement » en cours. En fait, tout dépendra des initiatives stratégiques adoptées. Le message passe implicitement, surtout à ceux qui sont toujours hantés par l’American Dream.

Ces sujets non politiques, qui reflètent la ligne éditoriale de la revue exprimée en mars 2003 dans un communiqué de presse — « un riche contenu plutôt culturel sur les Etats-Unis destiné au Moyen-Orient, qui se situe entre les nouvelles publications politiques et les luxueux magazines de beauté et de mode » — ont quelque chose cependant de profondément politique. Par exemple, le numéro de septembre 2004 esquisse le profil de comédiens et humoristes arabes-américains qui « ont recours à l’humour afin de contrer les idées négatives et renforcer une compréhension mutuelle ». Les attaques du 11 septembre, disent-ils, ont fait resurgir leur côté identitaire d’Arabes-Américains durant les performances.

Imprimé à quelque 50 000 exemplaires et diffusé dans 14 pays arabes, Hi ! dont le budget annuel est d’environ 4,2 millions de dollars, vise sans soute à redorer le blason américain. Les articles sont grosso modo rédigés intelligemment, toutefois le magazine, en vente à 5 L.E. dans les kiosques, a du mal à se faire accepter. Certains jeunes lecteurs affirment dans le courrier l’avoir acheté par curiosité vu les critiques qui l’ont précédé. Et certains vendeurs de journaux ne cessent de renvoyer les invendus.

D. Ch.
 
Adresse postale: Journal Al-Ahram Hebdo
Rue Al-Gaala, Le Caire - Egypte
Tél: (+202) 57 86 100
Fax: (+202) 57 82 631