« Décrypter
les murs », l'expression paraît étrange, mais
elle est riche de significations. C'était d'ailleurs
le premier objectif de l'équipe de restauration qui
travaillait sur Bab Zéweila. « Je voudrais que
le visiteur du portail après sa restauration puisse,
seul, et avec un regard attentif, lire les murs encadrant
la porte monumentale dans le sens qu'il observe les
couches que les temps ont ajoutées au bâtiment ou par
contre ont retranché de lui.
Tout simplement, il peut remarquer un changement subtil
dans le tissu même du mur qui est dû, soit à l'usage,
dans une partie du mur, d'un matériau de construction
ou d'un pierre de dimensions et de formes différentes
de celles utilisées partout dans la porte »,
explique Naïry Hampaikian, directeur du projet de restauration
de Bab Zéweila.
En fait,
cette porte charmante a subi beaucoup de changements
à travers les siècles comme par exemple les deux minarets
de la mosquée Al-Moayed qui flanquent des deux tours
rondes du portail et construits à la demande du sultan
Al-Moayed Cheikh (1412-1421). Par contre, cette même
mosquée a été la cause de l'effondrement de la connexion
entre le portail et le mur de la cité fatimide.
Pour bien
réaliser son but, la restauratrice a fait un croquis
du parterre du second étage de la porte monumentale
qui se trouvait auparavant dans le monument et qui a
été démoli pendant les travaux de restaurations menés
par le comité de conservation des monuments de l'art
arabe en 1890 sous prétexte qu'il n'existait pas dans
le design original du monument. En fait, cet étage,
divisé en 9 appartements, a été ajouté pour servir de
logement à des serviteurs et des muezzins de la mosquée
Al-Moayed. Pour faire ce croquis, l'équipe de travail
s'est basée sur les dessins du comité avant la destruction
de l'étage (tibaq) ainsi que sur les tableaux des orientalistes
du XIXe siècle. « On a essayé de le situer à
sa place originale dans un effort de notre part de faire
revivre cette mémoire oubliée », renchérit
Hampaikian.
En
fait, la porte de Zéweila, située au milieu de la rue
Al-Moez, est un des plus anciens édifices qui persistent
du Caire fatimide. Cette porte qui marque la limite
de la partie sud du Caire fatimide n'a été restaurée
qu'une seule fois depuis sa construction au début du
XIe siècle (voir encadré). En fait, le comité de conservation
des monuments de l'art arabe y a fait quelques travaux
de rénovation et de restauration tout à fait à la fin
du XIXe siècle. Pendant les années 1990, il est devenu
nécessaire de restaurer encore une fois cette porte,
surtout qu'elle était en état de dégradation avancée
sous l'effet de la pollution et les deux battants de
la porte étaient sur le point de s'effondrer. En outre,
la négligence et le mauvais usage des magasins situés
au pied de la tour ont provoqué plus de dommages. Ceci
dit, un projet de restauration a été entamé en 1998,
non seulement pour la porte mais aussi pour les deux
tours et l'aqueduc qui les relie ainsi que la coupole
qui se trouve derrière la porte en bois de l'extérieur.
Ce projet a été exécuté par le Conseil suprême des antiquités
et le Centre américain de recherches en Egypte. Le financement
est en fait un don de l'Agence américaine du développement
international.
Les travaux
de restauration consistaient à une consolidation des
bases, la restauration des pierres et le renouvellement
de celles qui étaient très altérées. L'établissement
d'un nouveau système d'aération au-dessous de la porte
pour évaporer l'eau souterraine et celle de drainage
afin qu'elle n'affecte pas de nouvelles structures du
monument. Avec les sculptures du plafond qui date du
XIXe siècle et la porte en bois (voir encadré), c'étaient
les travaux les plus délicats. Mais les deux tâches
les plus difficiles étaient la préservation de l'environnement
de l'édifice et aussi des fouilles de conservation.
Ces dernières étaient fructueuses. « On a découvert
des blocs pharaoniques réutilisés dans la construction
de la porte, l'emblème du sultan Al-Mansour, des fragments
en porcelaine qui datent des XVIIIe et XIXe siècles.
En fait, un des magasins qui se trouvait en bas de la
porte était spécialisé dans la préparation de
plats en porcelaine. En outre, on a trouvé des dents
humaines, des amulettes, de monnaies anciennes et des
lettres adressées au cheikh Métoualli dont les habitants
de la région croyaient fortement à sa baraka,
bénédiction », ajoute Dr Nairy.
Toutes
ces trouvailles seront exposées dans une partie dans
un centre de visite qui racontera l'histoire non
seulement patrimoniale, mais aussi humaine de ce portail
millénaire. |