Sur
la route agricole reliant Louqsor à Qéna qui s'étend
sur 60 km, on traverse le paysage typique de la campagne
égyptienne de
Haute-Egypte. De part et d'autre de la route, s'étendent
les champs verts et les petites habitations de paysans
construites en terre cuite. Mais une fois arrivé à
la ville de Qéna, le décor change du tout au tout.
Les rues sont très propres et goudronnées. Pas uniquement
les artères principales, mais aussi les plus petites
ruelles. La verdure couvre la ville. Il est interdit
de jeter un papier dans la rue ou d'arracher une fleur.
Toute violation est sanctionnée par une amende de
300 L.E. Au départ, lorsque des enfants ont arraché
des fleurs, leurs parents ont été contraints de payer,
bien que des personnalités importantes de la ville
aient essayé d'intervenir pour les exempter. De belles
statues décorent les places, et des fresques de qualité
se trouvent dans les coins importants de la petite
ville de Qéna. Des agents de la propreté portant un
uniforme orange sillonnent la ville pour ramasser
au fur et à mesure les feuilles des arbres. Les bâtiments
situés sur les rues principales sont tous peints en
beige.
Pas
un marchand ambulant dans la rue, car tous sont aujourd'hui
regroupés dans des marchés en plein centre de la ville.
Aucun commerçant n'ose empiéter sur les trottoirs.
Toutes les violations de la chaussée ont été évacuées
avec fermeté. Le nombre de microbus qui assurent le
transport interne a beaucoup diminué, car la plupart
des chauffeurs de ces véhicules ne respectent pas
le code de la route. Le transport interne est donc
aujourd'hui du ressort de la compagnie privée Al-Gouna.
La seule chose qui prouve qu'on est en Haute-Egypte,
ce sont les citoyens dont la majorité portent la galabiya
saïdi (costume de Haute-Egypte).
Les
habitants de Qéna sont très fiers de ces changements,
dont l'auteur est leur gouverneur, Adel Labib, qui
a pris ses fonctions en 1999. « Notre ville
est aujourd'hui plus belle que le quartier le plus
huppé du Caire », annonce avec fierté Am
Fadl, chauffeur. Et d'ajouter avec ironie : « C'est
vous les Cairotes qui allez désormais rêver de venir
vivre à Qéna et non le contraire ».
La
corniche est l'une des réalisations les plus importantes
de la ville de Qéna. Tout au long de la corniche,
des chaises en plastique ont été installées gratuitement
pour le confort des citoyens et des kiosques dépendant
du gouvernorat offrent boissons et snacks. Salwa,
fonctionnaire, affirme qu'il y a 3 ans, les habitants
de Qéna n'avaient aucune idée que le Nil passait par
leur ville. « Aujourd'hui, la corniche est
l'un des endroits les plus fréquentés, surtout en
été. Et je crois que l'été prochain elle aura plus
de visiteurs, car le gouvernorat est en train d'installer
un cinéma en plein air au bout de la corniche »,
affirme Salwa qui se balade tranquillement dans la
ville à 21h30. « Avant le développement de
la ville, les femmes ne pouvaient pas descendre seules
dans la rue après le coucher du soleil »,
insiste-t-elle.
Ces
projets de réaménagement n'ont pas touché uniquement
la ville. Les bourgs et les villages de Qéna aussi
ont été concernés. Au village d'Al-Qalaa (la
citadelle), situé à 6 km au sud de Qéna, les traits
du développement sont très apparents. Les rues du
village, même celles séparant les champs, sont pavées.
Chaque rue porte une plaque sur laquelle sont marqués
le nom et le code postal. Une chose qui n'existe pas
dans certains quartiers de la capitale ! Une
nouvelle école vient d'être inaugurée au début de
cette année scolaire ainsi qu'un centre de jeunesse,
une nouvelle centrale téléphonique, de nouveaux départements
dans l'unité sanitaire du village, un réseau d'eau
potable et une garderie.
Au
centre du village se trouve la municipalité dont le
siège est un modeste bâtiment de deux étages. Mahmoud
Abbass, président de la municipalité d'Al-Qalaa, affirme
que son village, tout comme les autres bourgs et villages
dépendant de Qéna, a entamé il y a 3 ans un plan de
développement commandé par le gouverneur personnellement.
« Le financement vient de trois sources principales.
Le plan de développement des municipalités (Chourouq)
instauré il y a 10 ans par le ministère du Développement
local, le fonds social et ce qu'on appelle le plan
urgent de l'Etat », dit Abbass. Le plan Chourouq
consiste à construire l'infrastructure nécessaire
avec la participation des citoyens. Ces derniers achètent
les canalisations quand il s'agit de l'installation
de l'eau potable par exemple, et la municipalité se
charge des travaux d'installation. Le fonds social
présente des crédits pour les services d'infrastructures
ainsi que pour la réalisation par les citoyens de
projets économiques. Les citoyens se réjouissent de
ces crédits qui leur ont permis de posséder des équipements
d'irrigation, des fermes d'élevage de volaille, des
épiceries, des photocopieuses, des tracteurs, des
vergers et des terrains à défricher. Quant au plan
urgent de l'Etat, il consiste à consacrer à chaque
village 250 000 L.E. supplémentaires que
la municipalité dépense selon le besoin. Le gouverneur
de Qéna, Adel Labib, a exigé que cet argent soit utilisé
uniquement pour les projets d'infrastructures (goudronnage,
éclairage, drainage sanitaire et eau potable).
La
philosophie du gouverneur consiste à commencer par
l'infrastructure et la propreté, car « c'est
le moyen d'encourager le citoyen à ne pas quitter
sa ville ou son village après que Qéna eut été un
gouvernorat marqué par les nombreux départs de ses
habitants, notamment parmi la jeunesse »,
répète-t-il. Selon Adel Labib, le deuxième pas à faire
est de créer de nouvelles opportunités de travail
pour réduire le chômage et donc arriver finalement
au niveau du développement requis. C'est pour cette
raison qu'il a tenu à étendre le réaménagement aux
50 km de route qui entrent dans le découpage administratif
de Qéna et qui relient ce gouvernorat à Louqsor. « Qéna,
qui était autrefois une honte, mérite aujourd'hui
d'être nommée la perle de la Haute-Egypte »,
conclut Am Fadl.