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Essai . Christophe Ayad, correspondant du quotidien Libération au Caire entre 1994 et 2000, signe un ouvrage intitulé Géopolitique de l'Egypte. Un regard profond sur l'Egypte contemporaine.

Au-delà des apparences

Travail francophone pionnier sur l'Egypte contemporaine, qui révèle avec une originalité sans précédent plusieurs aspects complémentaires de l'Etat et de la société égyptienne contemporains. C'est en fait le premier livre à rompre nettement avec une tradition francophone longuement établie consistant à aborder l'Egypte strictement sous un angle purement historique, pharaonique, copte ou islamique.

Dans cette perspective, il faut mentionner que les Editions Complexe semblent être la première maison d'édition francophone à publier un ouvrage si détaillé sur l'Egypte contemporaine. Avec l'expérience et le flair du journaliste combinés à l'assiduité et le raisonnement d'un écrivain résolu à dévoiler la vérité, Christophe Ayad nous a présenté un livre intéressant à lire. Un autre point fort de cet ouvrage est qu'il tente de dépasser la multitude des apparences pour parvenir à saisir l'esprit profond de l'Egypte, son identité immuable à travers les époques, suivant l'évolution de son pouvoir et de sa population.

L'approche de l'auteur se base sur quatre facteurs qui déterminent la géopolitique interne et externe de l'Egypte, à savoir : le régime politique, la population (ethnie et taux de croissance démographique), l'aménagement du territoire national (notamment l'espace agricole et l'urbanisme) et enfin la politique extérieure.

En ce qui concerne le régime politique, l'auteur fait revenir sa force à l'ancienneté de l'Etat égyptien qui date depuis l'aube de l'Histoire. L'Etat est aussi ancien que la société. Quant à la centralité du régime politique égyptien, elle provient essentiellement des ressources hydrauliques du Nil partagées par les laboureurs de la vallée. Ainsi, l'ancienneté de l'Etat et l'enracinement de ses rouages dans la société depuis fort longtemps explique la résistance du régime en période de troubles.

Lorsque durant les années 1990 une guérilla islamiste violente s'est attaquée aux symboles mêmes de l'Etat, celui-ci n'a pas vacillé. Les institutions régaliennes — armée, justice, police — sont restées stables et fidèles au pouvoir en place, seul gestionnaire de la légitimité religieuse, tout comme l'était le Pharaon théocrate. Mais la stabilité de l'Etat égyptien s'explique également par un jacobinisme extrême qui est parvenu depuis longtemps à juguler, voire à amadouer les régionalismes et les tentations communautaristes. Selon le journaliste, l'annihilation des régionalismes est dû au fait que l'Etat égyptien a défini depuis très tôt ses frontières naturelles bordées au nord par la Méditerranée, au sud par les cataractes du Nil, à l'est par la mer Rouge et la péninsule du Sinaï, et à l'ouest par l'immensité du Sahara. Ce cadre géographique inchangé et cette force politique intégratrice à l'œuvre dès l'époque pharaonique contribue à l'écrasement des identités régionales. D'autant plus que, contrairement à d'autres pays de la région, le pouvoir en Egypte n'a jamais été accaparé par une secte, à l'instar des alaouites en Syrie ou les wahhabites en Arabie saoudite. Une donne de géopolitique interne qui devait nécessairement faire de ce pays millénaire qu'est l'Egypte un des rares pays de la région où la citoyenneté a un sens. Pourtant, Christophe Ayad soulève un degré de sectarisme religieux qui est en fait la conséquence d'un clivage profond à la fois géographique, culturel, urbain et culturel entre le Delta et la Haute-Egypte. Seul un régime de poigne peut maintenir fermement ces deux entités, selon les termes de l'auteur.

Abordant la question démographique, Ayad explique le problème par la densité et non par le nombre.

La preuve est qu'en une dizaine d'années à partir de la fin des années 1980, l'Egypte est passée d'un taux de croissance annuel moyen de 2,8 % à 2,1 %. Quant à l'accroissement démographique de la capitale, il n'était que de 1,1 %.

Examinant ensuite la relation géopolitique entre l'espace agricole et l'expansion urbaine en Egypte, l'auteur fait remarquer que malgré son apparente immuabilité, la campagne égyptienne est affectée par des mouvements permanents : les villes ne cessent d'empiéter sur les terres agricoles tandis que les cultures gagnent de plus en plus de terrain sur les étendues désertiques.

L'auteur pense qu'en effet le gouvernement égyptien s'est lancé dans une série de travaux d'irrigation dont le plus spectaculaire et le plus controversé est le projet du canal de Touchka, vu qu'il implique un budget colossal.

Christophe Ayad analyse ensuite la politique extérieure du pays millénaire qui, à l'instar des civilisations chinoise et indienne, s'est longuement considéré comme le nombril du monde. Cette prétention à l'universalité se retrouve tout au long de l'Histoire du pays. C'est donc à travers ce prisme qu'il faut lire la politique extérieure de l'Egypte constamment à la recherche d'une position centrale : « L'Egypte est à l'évidence une puissance régionale ... Mais l'Egypte n'est pas une puissance annexionniste : il lui suffit de régner, point n'est besoin de coloniser. Le contrôle des routes commerciales l'intéresse plus que les territoires. L'Egypte a toujours joué un rôle de plaque tournante entre la mer Rouge et le bassin méditerranéen. L'Egypte est en fait la clé des mers chaudes ».

Khaled Abdel-Azim.
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