Hebdomadaire égyptien en langue française en ligne chaque mercredi

Portrait

 

La Une
L'événement
Le dossier
L'enquête
Nulle part ailleurs
L'invité
L'Egypte
Affaires
Finances
Le monde en bref
Points de vue
Commentaire
d'Ibrahim Nafie

Carrefour
de Mohamed Salmawy

Portrait
Littérature
Livres
Arts
Femmes
Société
Sport
Patrimoine
Loisirs
Echangez, écrivez
La vie mondaine
Journaliste et romancier, égyptien et français, Robert Solé refuse d'être le nostalgique ou le touriste. Il regarde l'Egypte avec amour, c'est-à-dire sans complaisance.
L'Egypte comme passion

Robert Solé aime l'Egypte, il le dit, le répète et le confirme dans tous ses livres en commençant par Le Tarbouche et en terminant par le Dictionnaire amoureux de l'Egypte. Et pourtant, il a quitté ce pays quand il avait 17 ans et n'y est retourné que beaucoup plus tard. Appartenant à une famille égyptienne chrétienne d'origine syro-libanaise, Solé, né au Caire, y a passé toute son enfance et adolescence. Une vie qui au départ ne semble être différente de celle de tous les Egyptiens de cette classe avec la capitale et Alexandrie comme véritables pôles. « J'ai vécu essentiellement à Héliopolis et je passais mes vacances d'été sur la Côte-Nord près d'Alexandrie, donc j'ai des souvenirs d'enfance et d'adolescence heureux presque suspects, c'est-à-dire probablement embellis ». Et c'est sans doute ce qui explique cet amour qu'il porte pour sa terre natale. « Il y a plus d'une façon de tomber sous le charme de ce pays. Le coup de foudre m'était interdit. Né sur les bords du Nil, où j'ai vécu jusqu'à l'âge de dix-sept, je ne pouvais être de ceux que l'Egypte saisit brutalement et ensorcelle. C'est un amour d'enfance … ».

En fait, ce pays n'aurait pu être qu'un vague souvenir dans sa mémoire, puisque quand il l'a quitté, il a commencé une nouvelle vie en France et a presque tourné la page. « J'ai choisi pour ma part d'aller en France et de m'y intégrer, sans vouloir regarder en arrière », remarque-t–il dans la préface de son dernier livre.

Ayant obtenu un bac « mathématiques » de l'école des Jésuites et son père étant architecte, Robert Solé avait quitté Le Caire pour faire des études dans une école d'ingénieurs, mais très vite il a compris qu'il voulait écrire et s'est donc inscrit à l'école de Journalisme de Lille, obtient son diplôme et à 21 ans il travaillait déjà. Lorsque Robert Solé évoque son parcours en France, il le fait très vite. Tout a été facile, le travail, l'adaptation, la vie. « J'ai peut-être eu de la chance, mais je n'ai eu aucune difficulté à vivre en France. J'ai épousé une Française, j'ai intégré le journal Le Monde à 23 ans. Peut-être que le fait que je venais d'Egypte et que je parlais l'arabe a aidé, mais cela ne suffit pas à expliquer une telle facilité ». Et ce, d'autant plus que Robert Solé n'a au départ pas écrit sur l'Egypte ou même le Moyen-Orient lorsqu'il a commencé sa carrière. Rédacteur de 1967 à 1969 au quotidien Nord-Eclair, à Roubaix, il rentre au Monde en 1969 où il est affecté à la rubrique religieuse. Il sera ensuite correspondant à Rome de 1974 à 1980 et à Washington de 1980 à 1983. Après avoir été chef du service Société à Paris jusqu'à 1989, il intègre la hiérarchie du journal, occupant les fonctions de rédacteur en chef et de directeur adjoint de la rédaction. Aujourd'hui, il est le médiateur du Monde, une fonction nouvellement créée en France, mais qui existe dans des journaux américains comme le Washington Post. Il s'agit d'une chronique qu'il signe tous les samedis, en toute liberté, « dans laquelle il fait état des remarques des lecteurs et de ses propres réflexions sur le journal ».

Une carrière qui a duré plus de 20 ans et dans laquelle l'Egypte était remarquablement absente. « C'était carrément une autre vie », celle du journaliste français, car ce n'est qu'en 1992 que Robert Solé publie son premier Roman, Le Tarbouche. Un livre qui le fera retrouver sa terre natale qu'il regardera dorénavant avec d'autres yeux. Pourquoi ce livre ? Et pourquoi ce retour ? Le rythme de la conversation se ralentit, car Robert Solé aime parler de l'Egypte, mais aussi de ses livres et des personnages de ses romans et qui le passionnent. Des personnages qu'il crée à l'image de parents, ou d'amis qu'il a connus et qui ont habité son passé et ses souvenirs. « Il y a eu un moment où j'ai éprouvé le besoin de regarder en arrière et de retrouver la trace de mes pas. De retrouver un monde qui m'avait laissé des souvenirs éblouis. Et j'ai eu, en même temps, besoin de comprendre l'histoire de ma famille et des familles proches de la mienne ». De là, Solé est revenu pour faire ses recherches à partir d'archives, de documents et de livres, mais aussi en interviewant des personnes qui faisaient partie de ce monde d'antan et qui sont « malheureusement mortes aujourd'hui ». Sans doute sont-elles enterrées dans le cimetière grec catholique du Caire et où reposent bien des personnages de ses romans. C'est en passionné qu'il commence à parler de ses recherches, de ses trouvailles et de ses personnages qu'il va créer de A à Z, même s'ils ressemblent à une tante éloignée, un voisin où à un épicier au coin d'une rue d'Héliopolis. Ce quartier qui l'a vu naître et grandir. C'est ainsi qu'en 1992 est né Le Tarbouche, son premier roman. « Je me suis passionné pour la reconstitution d'une famille imaginaire, mais qui aurait pu être la mienne. Et très vite s'est imposé à moi un objet qui symbolisait toute une époque qui est le tarbouche. Le tarbouche qui était presque un emblème de l'Egypte ». En effet, c'est à travers Michel Batrakani, un jeune Syrien qui appartient à une famille chrétienne du Levant, débordant de francophilie à l'heure du cosmopolitisme égyptien, et dont le père est fabricant de tarbouches, que Solé retrace une importante partie de l'histoire de l'Egypte dans une saga qui n'a d'autres lieux qu'Héliopolis et Alexandrie. Dans son roman La Mamelouka, qui est l'histoire d'un mauvais photographe qui tombe amoureux d'une femme qui est peintre amateur, Solé s'est inspiré d'une personne très proche de lui dans sa famille pour créer son personnage « qui avait ce côté un peu hâbleur, sympathique, très touchant qui séduisait les femmes et les enfants. Il y avait d'autres personnes dans ma famille des personnages loufoques que j'ai totalement transformées dans Le Tarbouche et qui a donné cet Edmond Touta obsédé par la démographie et qui comptait tous les ans les passants du pont Qasr Al-Nil ». Cependant, insiste-t-il à dire, « tous mes personnages sont des créations, même si souvent des lecteurs ne veulent pas l'admettre et insistent à dire qu'ils ont très bien connu Georges Batrakani, par exemple, qui aurait été un voisin. Ce qui est finalement un hommage pour moi. Pourquoi pas ? Je finis par en douter moi-même », ironise-t-il. En fait, Le Tarbouche ne représente que le début de ses retrouvailles avec l'Egypte, puisque Solé, à travers ses autres romans comme Le Sémaphore d'Alexandrie (1994), La Mamelouka (1996) ou Mazag (2000) et ses deux essais historiques L'Egypte : passion française (1997) et Les Savants de Bonaparte (1998), va remonter dans le temps pour arriver à l'époque des pharaons, dans ce qu'il considère être une suite logique des choses. Car il s'était attaché à la famille qu'il avait créée dans Le Tarbouche et a voulu retracer son histoire et ses origines. « Mais, je ne me suis pas contenté simplement de retourner en arrière, puisque je m'intéresse également à l'Egypte d'aujourd'hui. Ce pays qui était pour moi un amour d'enfance est devenu aussi un objet d'étude mais non pas comme un spécialiste, je ne suis ni égyptologue, ni sociologue, ni économiste. Je m'intéresse à l'Egypte sans frontière c'est-à-dire à tous les thèmes, à tous les sujets et à toutes les époques ». Et ce, car Solé ne veut pas être un amoureux aveugle de l'Egypte. Il se refuse de penser à l'Egypte en nostalgique, il le dit et le répète dans la préface de son dernier livre, Dictionnaire amoureux de l'Egypte. « Ce pays m'enchante et me tourmente. C'est quand il me tourmente que je me sens le plus lié à lui ». Car il a retrouvé l'Egypte qui est une partie de lui, une partie de son identité, ce qui lui donne le droit donc de jeter un regard critique, voire sévère. Raison pour laquelle il a voulu traiter dans son dernier livre des choses qu'il n'aime pas en Egypte, des sujets graves, comme les atteintes au patrimoine archéologique et à l'environnement, les droits de l'homme mais aussi l'extrémisme. « Je n'ai pas un regard de touriste sur ce pays, lorsque je voisla saleté dans la rue, je ne trouve pas cela pittoresque, je trouve cela inacceptable », dit-il non sans émotions. L'Egypte est tout simplement un pays qui le touche et qui restera pendant longtemps, semble-t-il, une source d'inspiration. Il continuera d'en parler aussi bien dans ses articles que dans ses romans, mais aussi dans ses récits historiques. Car si l'on interroge Robert Solé sur son métier, il répondra qu'il en a trois. « Je suis journaliste à temps plein, je suis romancier et je suis aussi essayiste, spécialiste de l'Egypte et ce sont trois choses qui se rejoignent, mais qui sont totalement différentes. Et, même si dans les trois cas, on manie des mots et dans les trois cas on fait des métiers publics, chacun de ces exercices reste très particulier », dit-il. En fait, ce que Solé aime vraiment, c'est raconter une histoire, qu'elle soit vraie ou imaginée. N'est-ce pas aussi ce que Solé aime dans l'Egyptien, le fait de raconter des histoires, même si ce ne sont que des noktas, des blagues, qui sont, selon lui, indissociables de l'Egypte. N'a-t-il pas grandi en lisant des romans de Tewfiq Al-Hakim dont il a consacré quelques pages dans le Dictionnaire des amoureux de l'Egypte, désignant Le Journal d'un substitut de campagne comme un chef-d'œuvre de la littérature arabe. En fait, Robert Solé aime l'Egypte, mais surtout il aime la raconter, il le fera en tant que Français qu'Egyptien, peu importe son identité, il est ce qu'il est, « pourquoi pas un oiseau particulier », l'essentiel c'est de continuer ce vagabondage sur les bords du Nil et de raconter de nouvelles histoires vraies ou imaginées. Mais pour son prochain livre, il revient en France, au pied de l'Obélisque, place de la Concorde, pour remonter encore une fois le temps.

Nabila Massrali

Jalons

Jalons

1946 : Naissance au Caire.

1967 : Diplôme de l'Ecole de journalisme de Lille ensuite journaliste à Nord-Eclair.

1969 : Début du travail au Monde.

1978 : Prix international de journalisme « Ville de Rome ».

1992 : Le Tarbouche, premier roman, pour lequel il a reçu le Prix Méditerranée.

1998 : Prix de l'amitié franco-arabe pour L'Egypte passion française.

1999 : La pierre de Rosette, avec Dominique Valbelle.

2001 : Dictionnaire amoureux de l'Egypte.

 

Pour les problèmes techniques contactez le webmaster

Adresse postale: Journal Al-Ahram Hebdo
Rue Al-Gaala, Le Caire - Egypte
Tél: (+202) 57 86 100
Fax: (+202) 57 82 631