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Nationalité . Des centaines de femmes remplissent depuis l'annonce de l'octroi de la nationalité aux enfants nés de mère égyptienne et de père étranger les locaux du complexe administratif au Caire. Les conditions de l'application de la décision n'étant pas encore divulguées, leur inquiétude est à son comble.

La partie n'est pas gagnée d'avance

Mogammaa Al-Tahrir, le complexe administratif, connaît depuis une semaine une activité particulière. Des milliers d'Egyptiennes affluent chaque jour accompagnées de leurs enfants « étrangers » pour se présenter à l'Organisme de nationalité et de l'immigration se trouvant au premier étage de cet immense édifice. Dès 9h du matin, la foule a déjà envahi la salle. Des mamans surtout voulant s'assurer si la décision, annoncée par le président de la République, Hosni Moubarak, à savoir si une Egyptienne est autorisée à donner sa nationalité à son enfant né de père étranger, est promulguée.

Tenant à la main un sac en plastique rempli de paperasse, Sanaa, enseignante, est venue, accompagnée de ses deux enfants, elle monte les escaliers en haletant. « Nous attendions une telle décision depuis de longues années. Nos enfants vont pouvoir enfin bénéficier de notre nationalité et ne seront plus dans cette situation aléatoire », dit-elle avec beaucoup d'entrain en s'adressant à un agent de la sécurité qui lui indiqua la direction à prendre. « Est-il logique que mes enfants soient traités comme des étrangers alors qu'ils sont nés et vivent en Egypte ? », ajoute Sanaa.

Sanaa est choquée par le brouhaha et la longue file qui attend derrière les guichets. Les unes essayent de se faufiler pour avancer tandis que d'autres remplissent des formulaires. Un état d'agitation a gagné la salle, la tension monte.

Ballottant entre rêve et réalité, Sanaa, comme le reste, espère que cette décision sera mise en application le plus rapidement possible et sans avoir à subir la lenteur bureaucratique ou à recourir au piston.

En effet, selon les chiffres officiels, le problème touche environ 20 000 enfants nés de mariage mixte et vivants en Egypte. Pourtant, un récent rapport, effectué par l'Organisation égyptienne des droits de l'homme, affiche d'autres chiffres : 150 000 Egyptiennes sont mariées à des étrangers et 450 000 enfants sont concernés. Tout en signalant que c'est en 1980 que ce genre d'union s'est multiplié suite à l'application de la politique d'ouverture économique.

Devant le guichet, Sanaa ressasse son passé et regrette de n'avoir pas eu cette audace de dire non à ses parents modestes qui lui ont imposé ce riche saoudien afin d'assurer son avenir ! Deux ans après la naissance de son quatrième enfant, elle se sépare de son conjoint qui quitte aussitôt l'Egypte. « Non seulement il ne m'envoie pas de l'argent pour ses enfants, mais il ne cherche même pas à avoir de leurs nouvelles  », lâche Sanaa. Tous les cinq ans, c'est le calvaire pour cette femme afin de renouveler les cartes de séjour de ses enfants. Autre problème, ils n'ont pas le droit de fréquenter les écoles publiques. Cette maman a dû inscrire les deux plus jeunes dans des écoles privées où les frais de scolarité sont multipliés par deux, à savoir : 2 000 L.E. pour un étranger au lieu de 1 000 pour un élève égyptien. Pire encore : pour obtenir cette inscription, il lui a fallu retirer un papier du consulat saoudien stipulant que cette instance ne trouvait aucun inconvénient à ce que les enfants adhèrent à l'école égyptienne. En outre, ces derniers ne bénéficient pas d'assurance de santé accordée aux autres élèves. Quant à son aîné Sayed qui rêvait de faire une carrière militaire, il n'a pas pu s'inscrire à l'académie de la police à cause de sa nationalité étrangère. Tant bien que mal, elle réussit à le caser dans un institut privé où elle doit payer 3 000 L.E. par an.

Sanaa retire un formulaire obtenu gratuitement d'un des guichets puis se met à le remplir. Elle doit y apporter le nom, la nationalité, la date et le lieu de naissance, la fonction et la religion des enfants, ainsi que du père et de la mère. Elle doit joindre un contrat de mariage et prouver que ses enfants résident depuis 10 ans en Egypte puis verser pour chaque dossier 70 L.E. « Les choses paraissent simples au départ. Mais je dois joindre un acte de naissance de mon père, né dans un village perdu en 1905 », s'insurge Sanaa. Contrariée, elle quitte le mogammaa et projette de faire ce voyage le plus tôt possible avant que l'organisme n'arrête la réception des dossiers. « Les fonctionnaires refusaient de nous donner de plus amples détails concernant la date de clôture des dossiers. On a même eu droit à des critiques pour avoir préféré un partenaire étranger au lieu d'un Egyptien », dit-elle

Le lendemain, Sanaa prend le train menant à Assouan et se dirige au bureau de l'état civil. Mais là une mauvaise surprise l'attend. On lui répond que cela prendra du temps pour retrouver le registre sur lequel est portée la date de naissance de son père. Elle attendra deux jours pour connaître la réponse du responsable qui lui conseille de se rendre aux archives nationales sises à Galaa au Caire. Là encore, elle apprend qu'elle doit attendre une semaine pour obtenir cet acte. « Je ne suis pas la seule dans cette situation. Des centaines de femmes ne peuvent joindre l'acte de naissance de leur père pour des raisons diverses », explique Sanaa à un fonctionnaire de l'organisme, en lui demandant de se contenter des indications portées sur sa carte d'identité ou son passeport en attendant de retirer ce papier. Mais elle a droit à une réponse négative.

Autre problème que doit résoudre Sanaa : on lui demande de joindre le certificat de fin d'études de sa fille Samia. « J'ai déjà remis son certificat de bac au bureau d'inscription des facultés qui a ouvert ses portes pour les étrangers il y a une semaine. Je l'ai réclamé, mais on m'a conseillé de le laisser pour ne pas faire perdre l'inscription », souligne-t-elle, lasse de courir à droite et à gauche pour rassembler tous les documents nécessaires afin que ses enfants obtiennent la nationalité égyptienne

Malgré son entrain et son enthousiasme, rien ne garantit à Sanaa que ses enfants obtiendront la nationalité. Il faut répondre à certaines conditions et personne ne sait lesquelles ! L'espoir et l'inquiétude planent sur cette foule de femmes qui attendent de déposer leur demande de nationalité. Farida qui a épousé un Pakistanais a eu un garçon de lui. « Si cette décision présidentielle est applicable à tous, mon fils pourrait en être privé, vu que le pays de son père est classé dans la liste noire après les attaques de 11 septembre », dit-elle en affirmant que les responsables de l'organisme ont avancé que certaines conditions seront prises en considération telles que la sécurité nationale de peur qu'il y ait une infiltration de réseaux d'espionnage par l'intermédiaire des enfants nés d'un père étranger après l'obtention de la nationalité égyptienne. « Je veux m'assurer avant tout que ce genre de questions liées à la sécurité nationale ne seront pas les premiers prétextes avancés pour refuser d'octroyer la nationalité égyptienne », avance Farida. Jusque-là, elle n'a obtenu aucune réponse. Pire encore, le cas de Farida semble être délicat étant donné que son frère a été impliqué dans une affaire de chèques sans provision alors qu'on exige que tous les membres de la famille de la personne réclamant la nationalité égyptienne pour les enfants aient un casier judiciaire propre.

Sanaa, Farida et tant d'autres devront semble-t-il patauger encore un moment dans le flou avant d'être fixées sur le sort de leurs enfants. Une fois les formalités terminées, toutes ignorent si les dossiers déposés vont être acceptés ou rejetés. Elles ont toutes le sentiment que ce n'est pas un droit que l'on accorde mais plutôt une faveur.

Chahinaz Gheith
Héba Nasreddine

 

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