Palestine
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Le désaccord
entre le président Yasser Arafat et le premier
ministre Ahmad Qoreï sur la nature du cabinet
et les prérogatives du ministre de l'Intérieur
est temporairement résolu. |
Arafat
impose ses vues
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Les
divergences interpalestiniennes sont terminées,
semble-t-il. Pour l'instant du moins. Après la
démission du premier ministre et des tentatives
de réconciliation avec le président de l'Autorité
palestinienne, les responsables palestiniens ont
finalement convenu dimanche que le cabinet d'urgence
d'Ahmad Qoreï gouvernera pour une période limitée
à un mois. « Au bout d'un mois, nous verrons
si ce cabinet d'urgence de huit ministres doit
être étendu ou maintenu », a assuré le
chef de la diplomatie, Nabil Chaath. |
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Toutefois,
M. Qoreï a maintenu un doute sur sa volonté de
continuer à exercer ses fonctions dans le cadre
du prochain gouvernement. « Le gouvernement
d'urgence œuvrera pendant 20 à 25 jours, après
cela il y aura un nouveau gouvernement et aussi
un nouveau premier ministre », a-t-il
affirmé à Ramallah sans préciser s'il comptait
se succéder à lui-même.
Cette
passe d'armes est l'expression du litige opposant
MM. Qoreï et Arafat sur le contrôle des services
de sécurité. Le président de l'Autorité palestinienne,
Yasser Arafat, a nommé l'actuel secrétaire général
du cabinet, Hakam Balaoui, comme ministre de l'Intérieur
par intérim dans le cabinet d'urgence d'Ahmad
Qoreï à la place du général Nasr Youssef. Membre
du comité central du mouvement Fatah de
M. Arafat et député au Conseil Législatif palestinien
(CLP, Parlement), M. Balaoui était également le
secrétaire général du cabinet dirigé par Mahmoud
Abbass qui a démissionné en septembre.
Le
général Nasr Youssef, auquel M. Qoreï voulait
confier ce poste, est donc écarté du cabinet,
conformément aux souhaits de M. Arafat. C'est
le général Youssef qui avait été le catalyseur
de la crise qui a mené le premier ministre à présenter
sa démission le 9 octobre.
La
crise avait éclaté après que le général Nasr Youssef,
nommé à l'Intérieur, eut refusé de prêter serment
devant M. Arafat avec les autres membres du cabinet,
exigeant que celui-ci obtienne la confiance du
Parlement, ce que souhaitait également M. Qoreï,
désireux d'assurer la légitimité de son action
et opposé à un gouvernement d'exception. M. Qoreï
souhaitait le maintien à l'Intérieur, du général
Youssef, contrairement à M. Arafat, qui entendait
conserver la haute main sur les services de sécurité.
La
crise entre MM. Qoreï et Arafat n'était pas sans
rappeler celle ayant opposé le dirigeant palestinien
au prédécesseur de M. Qoreï, Mahmoud Abbass, avant
que ce dernier ne soit nommé en avril, pour finalement
démissionner début septembre à la suite d'une
guerre d'usure avec M. Arafat, décidé à ne pas
céder une miette de son pouvoir, après avoir dû
accepter la création d'un poste de premier ministre
sous la pression des Etats-Unis et d'Israël. |
Incursion israélienne à Rafah
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Profitant
du détournement de l'attention de la communauté
internationale, l'armée israélienne a poursuivi
dimanche une vaste opération lancée vendredi avant
l'aube à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.
« L'opération va se poursuivre aussi longtemps
que nécessaire, et vise à découvrir et détruire
des tunnels creusés sous la frontière entre l'Egypte
et la bande de Gaza pour la contrebande d'armes »,
a souligné une source militaire israélienne. Cette
opération d'envergure, baptisée par l'armée « Traitement
à la racine », a fait huit tués, dont
deux enfants, et quelque 60 blessés palestiniens.
Un
porte-parole de la sûreté palestinienne a indiqué
que plus de cent chars et véhicules blindés participaient
à l'opération, la plus importante jamais menée
à Rafah depuis le début de l'Intifada, selon la
radio palestinienne. Ceci dit, l'armée israélienne
a démoli 44 maisons palestiniennes depuis le début
de son opération, a indiqué samedi le gouverneur
de la ville. Selon lui, la ville et le camp de
Rafah sont en outre privés d'électricité depuis
deux jours.
Quelque
1 500 Palestiniens étaient sans maison, dimanche,
dans le camp de réfugiés de Rafah, a indiqué une
agence des Nations-Unies.
L'Autorité
palestinienne a systématiquement nié l'existence
de ces tunnels, accusant Israël d'user de ce prétexte
pour démolir des maisons le long de la frontière
avec l'Egypte et agrandir une zone où il érige
une clôture de sécurité. « Nous condamnons
fermement ces crimes de guerre israéliens qui
provoquent une tragédie humaine » a déclaré
Nabil Abou-Roudeina, principal conseiller de Yasser
Arafat, demandant qu'une intervention internationale
y mette fin.
A
New York, le secrétaire général de l'Onu, Kofi
Annan, a condamné l'opération de Rafah, la qualifiant
d'usage excessif de la force dans des zones peuplées,
en violation du droit international.
Le
chef de la diplomatie égyptienne, Ahmad Maher,
a également condamné « les agressions
israéliennes contre Rafah, qui s'inscrivent dans
le cadre d'une politique visant à mettre en échec
toutes les tentatives d'effectuer des progrès
sur la voie de la paix ». De son côté,
la Russie a déploré samedi le recours « disproportionné »
à la force par l'armée israélienne, et a exprimé
sa « grande inquiétude » après
l'opération qui a fait 7 morts civils depuis vendredi
matin dans le camp de réfugiés de Rafah, au sud
de la bande de Gaza. La Russie a appelé encore
« à la mise à exécution des engagements
pris et mis sur le papier dans la Feuille de route
du Quartette d'intermédiaires internationaux ».
La
Russie, qui fait partie du Quartette avec l'Onu,
l'Union européenne et les Etats-Unis, souhaite
que la Feuille de route, un plan de réglement
du conflit, soit adoptée sous forme d'une résolution
par le Conseil de sécurité de l'Onu afin de rendre
obligatoire sa mise en œuvre. |
Rania
Adel |
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Initiative
de paix |
A
l'issue d'une réunion de trois jours dans un hôtel
jordanien sur la mer Morte, une cinquantaine d'intellectuels,
de pacifistes et d'hommes politiques israéliens
et palestiniens ont rédigé dimanche un pacte de
paix. Ce texte symbolique a été baptisé « Arrangement
suisse » du fait qu'il a été élaboré
dans un hôtel d'une chaîne suisse et qu'il doit
être signé à Genève le 4 novembre, date anniversaire
du meurtre en 1995 de Yitzhak Rabin par un extrémiste
juif.
La
délégation palestinienne était composée notamment
des anciens ministres Yasser Abd Rabbo, Hicham
Abdel-Razeq et Nabil Qassis, tandis que la délégation
israélienne, dirigée par l'ex-ministre de la Justice
Yossi Beilin, comptait plusieurs membres de l'opposition
travailliste.
Les
deux parties se sont mises d'accord sur des formules
de compromis sur tous les dossiers en litige :
Jérusalem, les lieux saints, l'Etat palestinien,
les colonies, partage territorial, reconnaissance
d'Israël comme Etat juif, arrangements sécuritaires,
fin de la violence, droit au retour des réfugiés
palestiniens et la proclamation de la paix, selon
la presse israélienne. Conformément à la Feuille
de route, le dernier plan de paix international,
cet arrangement prévoit aussi la coexistence d'Israël
et de l'Etat palestinien, mais n'exige pas de
« réformes démocratiques » préalables
chez les Palestiniens.
Selon
le représentant de l'Autorité palestinienne à
Amman, Atallah Kheiry, les délégations « soumettront
le document aux officiels des deux parties, mais
il concerne surtout les peuples palestinien et
israélien, car quand le peuple est mobilisé, il
peut exercer des pressions sur les autorités politiques
et militaires ».
Le
député palestinien Farès Kadoura, membre du Fatah,
qui a aussi participé à cette réunion, a déclaré :
« Nous sommes prêts à faire campagne pour
que ce pacte soit accepté par l'opinion palestinienne,
car nous voulons vivre autrement et nous avons
trouvé des solutions ».
Prudemment,
le bureau de Shimon Pérès, chef du parti travailliste,
s'est contenté d'affirmer qu'il « se félicite
de tout dialogue entre Israéliens et Palestiniens ».
Pour
la presse égyptienne, le « pacte »
de paix symbolique pourrait être la seule solution
pour enrayer « la dégradation »
de la situation au Proche-Orient. « La
situation est tellement catastrophique que le
choix est maintenant entre le terrorisme et ce
type d'accord, car la Feuille de route — plan
de paix international — ne marche pas »,
a souligné Mohamed Sid-Ahmed, éditorialiste du
journal Al-Ahram.
Néanmoins,
ce projet de « pacte » de paix
symbolique a été sévèrement critiqué en Israël.
Foncièrement sceptique, l’ex-premier ministre
travailliste Ehud Barak a en revanche qualifié
« l'arrangement suisse » d'initiative
imaginaire et naïve, voire nuisible, car elle
permet à Yasser Arafat d'affirmer que le blocage
(des efforts de paix) est dû non pas au terrorisme
mais à l'intransigeance du cabinet d'Ariel Sharon.
L'accord
préparé en Jordanie a suscité une levée de boucliers
de la droite israélienne. « Les Israéliens
qui ont signé ce pacte sont des marginaux. Ils
ne représentent rien et ont été balayés aux dernières
élections », a affirmé à la radio publique
israélienne la ministre de l'Education, Limor
Livnat. « Ces gens sont le jouet (du
chef palestinien) Yasser Arafat. Ils sont allés
lui dire qu'en guise de réponse aux généreuses
propositions de paix de Ehud Barak (l’ex-premier
ministre travailliste) au sommet de Camp David
(été 2000), il a eu raison d'avoir recours
au terrorisme, et qu'ils sont prêts à le payer
davantage », a-t-elle poursuivi.
De
son côté, le chef de la diplomatie Sylvan Shalom,
cité par la presse israélienne, a déclaré qu'« il
y a un gouvernement en Israël et c'est à lui qu'il
appartient de traiter de ces affaires. Tout le
reste est virtuel. Je n'attendais pas autre chose
de la part de ces gens qui nous ont apporté les
accords d'Oslo (1993) dont nous payons
encore le prix aujourd'hui ».
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R.
A. |
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