Une réunion
très politique
La 5e conférence Euromed qui s'est tenue à Valence (Espagne) les 22 et 23 avril derniers, c'est-à-dire à l'heure où l'offensive israélienne battait son plein en Cisjordanie était une gageure. Malgré tout, les pays participants ont affirmé leur volonté de préserver le forum créé en 1995 à Barcelone, afin de bâtir une zone de prospérité euroméditerranéenne comprenant l'Europe, les pays arabes et Israël. Cependant, deux pays ont boycotté la conférence, à savoir la Syrie et le Liban. Cette dernière a ainsi manqué l'occasion de signer l'accord d'association conclu en janvier 2002. Pour les pays arabes présents, il n'y a pas eu le moindre dialogue entre eux et la délégation israélienne. Shimon Pérès n'a rencontré que les Quinze, et les pays arabes ont quitté de concert la salle de réunion, lorsque son adjoint, Michael Melchior, a pris la parole. Le partenariat doit prendre forme entre les quinze pays de l'Union européenne et les douze pays du pourtour méditerranéen (l'Algérie, l'Autorité palestinienne, Chypre, l'Egypte, Israël, la Jordanie, le Liban, Malte, le Maroc, la Syrie, la Tunisie et la Turquie).

Partenariat euro-méditerranéen . Le processus de Barcelone survit malgré le conflit israélo-palestinien et malgré la lenteur des procédures. Mais il attend encore un véritable élan pour permettre le décollage des pays du Sud.
Ce qui manque pour que
ça marche
Si le partenariat euro-méditerranéen a pour objet d'« organiser le dialogue et la coopération entre les deux rives de la Méditerranée », il n'a jamais vraiment pris son essor, principalement en raison du conflit israélo-palestinien. Cependant, la politique de l'UE a réussi à rendre irréversible l'évolution vers une zone de libre-échange euro-méditerranéenne, puisqu'aujourd'hui, 11 pays méditerranéens sur douze ont conclu un accord d'association avec l'UE. Le douzième, la Syrie, est encore en négociation. Le dernier à signer l'accord a été l'Algérie, à l'ouverture de la conférence de Valence et cinq accords sont déjà entrés en vigueur. De Barcelone en 1995, création du Forum, à Valence, un long chemin a donc été parcouru.
Pourtant, la mise en pratique des accords d'associations rencontre souvent plusieurs réserves de la part des pays méditerranéens. Leur poids comme partenaire commercial est faible pour l'UE, ce qui a créé un compromis qui représente plus les intérêts des Européens, qui sont en revanche les principaux partenaires de ces pays. En fait, les Quinze n'exportent que 10 % de leurs produits aux douze, tandis que ces derniers dépendent de l'UE pour assurer 46 % de leurs besoins importés. C'est pourquoi le rapport Cinq ans après Barcelone publié par l'UE en 2000 annonce que l'instauration de zone de libre-échange s'est révélée « bien plus difficile que prévue, comme l'atteste la lenteur avec laquelle ont progressé les négociations sur les accords d'associations, victimes, notamment, des procédures de ratification, elles-mêmes, trop lentes ». En effet, encore aujourd'hui seuls 5 accords ont été ratifiés.
En outre, de sérieuses lacunes touchent le fond de l'ensemble des accords. Il s'agit notamment de la formule de libre-échange qui concerne exclusivement les produits manufacturés stricto sensu. Or, les pays sud-méditerranéens ne possèdent pas sur ce point de vrais avantages compétitifs. Tandis que les produits agro-alimentaires et ceux issus de la pêche en sont exclus. « Bien que la situation des produits agricoles et ceux de la pêche aurait dû être réexaminée en 2000, cela n'a pas été fait », assure Bachir Hamdouch qui a effectué une étude publiée par la Femise (un réseau de centres de recherches de 15 pays au profit de l'UE). Par exemple, en Tunisie l'augmentation du commerce n'a pas été toutes les années en sa faveur. Après avoir connu une hausse considérable des exportations en 2000, la croissance des importations l'a rapidement dépassée.

Le test des produits agricoles
Une intégration économique accrue demanderait donc une vaste discussion sur le dossier agricole par les 27 partenaires. Puisque, de part et d'autre de la Méditerranée, le secteur agricole bénéficie de subventions. « Pour accroître les échanges, il est nécessaire d'avoir une approche coordonnée de cette question particulièrement épineuse », indique ainsi de façon diplomatique le même rapport 5 ans après Barcelone.
De plus, l'expérience des dernières années montre clairement que « le seul démantèlement tarifaire n'est pas suffisant pour assurer le développement rapide du commerce et une augmentation significative des investissements directs », comme l'a assuré le communiqué de la conclusion de la réunion des ministres de Commerce à Tolède, en mars dernier. Il faut pourtant avouer que cela est le fruit amer du manque de volonté politique des gouvernements du sud de la Méditerranée eux-mêmes. Ces derniers devaient entreprendre plusieurs étapes indispensables pour maximiser les bénéfices tirés du partenariat, comme la multiplication des accords de libre-échange Sud-Sud. Cependant, bien que sept années aient passé depuis la déclaration de Barcelone, les pays n'ont pas réussi à le faire. Ou au moins, comme c'est le cas avec l'Egypte, ils se sont précipités pour conclure des accords de libre-échange avec plusieurs pays de la région, sans pourtant inclure les principaux produits sujets aux transactions. « Ceci rend ces accords inutiles, à cause de longues listes négatives », juge Gamal Bayoumi, ancien chargé des négociations de l'accord d'association côté égyptien. L'intégration Sud-Sud pourrait être renforcée aussi par les règles d'origine imposées aux partenaires arabes par les accords d'association. Ceci pourrait faire office de levier pour augmenter le commerce intra-régional. Surtout que la suppression des obstacles au commerce renforcerait considérablement l'attrait de la région pour les investissements directs étrangers. En fait, la part des investissements provenant de l'UE dans la région stagne à 2 % des investissements européens. Et, ni le Maroc ni la Tunisie — les deux premiers pays à signer l'accord — n'ont connu, depuis, d'énormes flux d'investissements étrangers.

Aides non-déboursées
L'Europe a promis à ses partenaires méditerranéens, des aides qui s'élèvent à 3,435 milliards d'euros, avec le programme Meda 1(1996-2000). Néanmoins, ce qui a été véritablement versé ne dépasse pas le quart de cette somme, soit 890 millions d'euros (voir graphique). Si les uns avancent la capacité d'absorption insuffisante des partenaires pour expliquer en partie le faible rythme de déboursement, la commission européenne assume sa part de responsabilité en réorganisant sa gestion de l'aide extérieure afin d'accélérer le versement des fonds. En même temps, les partenaires méditerranéens doivent intensifier leurs efforts en vue de la transition politique et économique.
A cet égard, la commission européenne a lancé une initiative en 2000 pour donner un nouvel élan à cet aspect du processus de Barcelone. De même, l'UE vise à réformer ses procédures pour rendre le Meda plus efficace. Meda 2, qui s'étend de 2002 à 2006, devrait tabler, entre autres choses, sur une rationalisation des processus de prise de décisions internes et une meilleure planification des programmes et des projets.
En attendant, les pays arabes ont un important travail interne à achever pour pouvoir attraper le très peu de fruits que leur offre le partenariat avec le géant européen.
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