Sommet arabe . Nabil Chaath, ministre palestinien du Plan et de la Coopération internationale, fait le bilan du sommet arabe, notamment du plan de paix saoudien et de la question des réfugiés.
L'application de l'initiative saoudienne nécessite la poursuite de l'Intifada

 Beyrouth,
De notre envoyé spécial —

Al-Ahram Hebdo : Comment évaluez-vous l'initiative de paix saoudienne après son adoption à l'unanimité par les pays arabes ?
Nabil Chaath : L'initiative saoudienne est considérée comme un des meilleurs projets offerts au peuple palestinien depuis 1967. Les Palestiniens sont satisfaits de cette initiative. Car elle est un développement des résolutions 242 et 338, et des résolutions de la conférence de Madrid. Si on la compare avec les résolutions de Madrid basées sur le principe de la terre contre la paix, on constate que l'initiative saoudienne a abordé des sujets très sensibles, comme les réfugiés. D'autre part, la résolution 242 ne mentionne pas le retrait de tous les territoires occupés alors que l'initiative saoudienne le fait. On ne peut pas oublier que les clauses de cette initiative abordent le retrait de tous les territoires jusqu'aux frontières de 1967, un Etat palestinien qui a pour capitale Jérusalem et une solution juste pour les réfugiés.
Il existe également un autre intérêt de cette initiative pour les Palestiniens. Cette initiative a été lancée après le 11 septembre. Cela veut dire que malgré la lutte du peuple palestinien contre l'occupation, qui est considérée par les Américains et les Israéliens comme du terrorisme, ce peuple veut toujours la paix. Politiquement parlant, cette initiative est très importante pour nous et va de pair avec la lutte du peuple palestinien dans les territoires occupés.
 
— Commet expliquez-vous le refus de cette initiative par Israël et même par certains Arabes ?
— Cette initiative s'engage face aux Israéliens, des engagements inexistants dans les autres initiatives. Pour la première fois, si Israël accepte cette initiative, il y aura une normalisation complète entre l'Etat hébreu et tous les pays arabes, outre une paix juste et durable.
 
Les Arabes qui refusent cette initiative mettent plutôt l'accent sur ce que les Israéliens gagneront de cette initiative et non sur ce que les Arabes prendront des Israéliens. Ils craignent qu'une fois que les Arabes auront accepté de normaliser leurs relations, les Israéliens reviendront sur leur promesse de se retirer des territoires palestiniens.
Pourtant, je veux expliquer que les Saoudiens nous ont montré lors des négociations avec eux que les Arabes allaient accepter la normalisation au cas où les Israéliens accepteraient le retour de tous les territoires occupés et l'établissement de l'Etat palestinien. On ne va pas tomber dans le piège en payant le prix avant d'avoir la marchandise.
 
 Quelle est la réaction palestinienne au refus d'Israël de l'initiative saoudienne ?
— Cela me rappelle l'histoire du mariage de la fille du sultan. Alors que le prétendant veut ce mariage, ainsi que son père et sa mère, il reste l'acceptation du sultan et de sa fille. Je veux expliquer par cette histoire que le sultan, ce sont les Etats-Unis, et la fille est l'Etat hébreu. Alors, si les Américains et les Israéliens n'acceptent pas l'initiative saoudienne, cela ne sert à rien que les autres parties l'approuvent. A mon avis, pour appliquer cette initiative, il devrait y avoir une lutte militaire et une résistance du peuple palestinien et une action politique en dehors des territoires. Je crois que sans une action politique, il sera très difficile d'appliquer cette initiative. Celle-ci ne peut pas être appliquée sans la réussite de l'Intifada et l'expulsion des Israéliens des villes palestiniennes occupées.
 
Je veux ajouter que plus de la moitié du peuple israélien a accepté l'initiative du prince Abdallah, car il souffre lui aussi de l'Intifada.
 
 La question du retour des réfugiés palestiniens a posé un problème entre la délégation palestinienne et le Liban lors du sommet arabe ...
— Pour nous, cette affaire est horrible. La position du Liban sur cette affaire part d'une logique raciste que nous refusons. Pour les Libanais, 450 000 réfugiés palestiniens, en majorité des musulmans, modifieraient l'équilibre confessionnel du pays entre musulmans et chrétiens.
De plus, le Liban a donné la nationalité libanaise à tous les Palestiniens chrétiens qui sont entrés sur son territoire. J'ai demandé à un grand responsable libanais s'il pensait que le changement de religion des réfugiés résoudrait le problème ... Il ne m'a pas répondu.
 
 Quel est le nombre exact des réfugiés selon vous ?
— D'abord, je veux expliquer que le chiffre qu'avancent les Libanais (450 000) n'a rien à voir avec la réalité. Ce nombre a été enregistré avant 1982. Depuis, de nombreux Palestiniens sont partis du Liban. Et ce sont eux, les Libanais, qui ont aidé à leur départ. Ils sont actuellement 175 000.
 
 Quelle solution au problème des réfugiés au Liban ?
— Les Libanais déclarent toujours qu'ils sont contre l'installation des réfugiés. Cela est un grand problème pour nous. Pourtant, les Libanais ont accueilli un grand nombre d'Arméniens, dont certains sont aujourd'hui des députés au Parlement. Alors que les Libanais refusent quelques milliers de Palestiniens, il existe plus d'un million d'ouvriers syriens qui travaillent au Liban. Alors, j'ai proposé aux Libanais, pour régler ce problème, un nouveau principe : non à l'exil des Palestiniens avant un règlement de paix à la place du slogan libanais : non à l'installation forcée après le règlement. On a promis aux Libanais que chaque Palestinien du Liban qui refuserait de rentrer dans son village en Israël serait rapatrié dans l'Etat palestinien.
 
 Pourquoi le président Emile Lahoud n'a-t-il pas laissé diffuser le discours du président Yasser Arafat ?
— Je crois que le président Lahoud n'a pas voulu mettre en pleine lumière le président Arafat. Au lieu de lui donner la parole en 4e, il a lancé son discours en 14e position. Lahoud a justifié le retard dans la diffusion du discours d'Arafat par la crainte que les Israéliens ne perturbent sa diffusion. Ces excuses n'étaient pas pour nous logiques. La délégation palestinienne a été convaincue que cette affaire avait été montée de toutes pièces, et nous nous sommes retirés. Après, on a accepté toutes les médiations qui ont été faites par le premier ministre libanais Rafiq Al-Hariri et les autres pays arabes, et nous sommes revenus au sommet.
 
 L'émissaire américain Anthony Zinni a échoué dans sa tentative d'établir un cessez-le-feu. Pourquoi ?
— Lors des réunions sécuritaires entre les Israéliens et nous-mêmes, avec la participation du général Zinni, on a demandé aux Israéliens qu'ils s'engagent à appliquer le plan Tenet. On a également demandé la levée immédiate du siège israélien. Mais les Israéliens ont procédé à une escalade militaire sans précédent.

Propos recueillis par
Chérif Ahmed

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