Nouvelle Vallée . Situé au sud-ouest de l'Egypte, ce gouvernorat composé de trois oasis est un lieu privilégié où la beauté de la nature s'allie à un important patrimoine historique datant de toutes les époques. Elle reste cependant à l'écart des circuits touristiques traditionnels.
Sous le signe de la nature
sauvage et de l'Histoire

Farafra, Dakhla et Kharga, trois oasis situées dans le désert occidental d'Egypte, s'échelonnent en chapelet à l'Ouest de la Vallée du Nil. Longtemps isolées à cause de l'hostilité du désert, elles sont actuellement reliées au Nil par des routes asphaltées et offrent leur charme aux touristes et leur secret aux archéologues.
Nommée « Ouah » par les pharaons, puis Wahate en arabe, ça donnera par la déformation le mot « oasis ».
Ces oasis sont citées dans la plupart des inscriptions pharaoniques. La capitale du gouvernorat de la Nouvelle Vallée est l'oasis Al-Kharga, considérée comme un trésor de vestiges archéologiques datant de plusieurs époques. Elle est réputée par ses monuments et sa nécropole chrétienne qui renferme près de 500 édifices funéraires.
A l'entrée de l'oasis se dressent, au milieu de la palmeraie, les superbes ruines du temple d'Hibis. Commencé lors de la première invasion perse par Cambyse II, il ne sera achevé que sous le règne du pharaon Nectanébo II, au IVe siècle av. J.-C. Ses successeurs l'embelliront. C'est l'unique temple témoignant de l'époque persane et l'un des plus importants d'Egypte. Il comporte les vestiges de plusieurs époques à la fois : perse, pharaonique, ptolémaïque, et romaine. Construit au départ conformément au style égyptien avec une allée de sphinx, des portes monumentales et trois hypostyles, son kiosque à huit colonnes surmontés de chapiteaux date de la XXXe dynastie. Sa porte principale est gravée de divers décrets en langue grecque datant des Ptolémées. « La dernière inscription remonte de l'époque romaine sous le règne de l'empereur Gamba et son waly, le gouverneur Jules Alexandre », note Ahmad Bahgat, directeur du site archéologique de Kharga. Ce temple servira de lieu de culte et d'adoration aux dieux Amoun, Mout, et Khonsou ainsi que Isis, Osiris, et Horus. Aujourd'hui, il risque cependant la dégradation et fait l'objet d'une polémique (lire encadré).


Témoins du premier âge chrétien

Située plus au nord du temple, se trouve la nécropole chrétienne des Bagawat. Juchées sur une colline, des centaines de tombes s'étendent à perte de vue. Certaines en brique crue, surmontées de coupoles, conservent encore leur peinture d'origine. Cet endroit était un lieu de pèlerinage et un point de relais pour les caravanes venant du Soudan et d'autres pays d'Afrique.
Bagawat tient son origine du mot Kabawat signifiant coupoles. « Le nom a été déformé par les habitants de l'oasis dû à leur prononciation », ajoute Amer Ibrahim, inspecteur général des monuments coptes et islamiques à Kharga. Cette nécropole témoigne de la présence du christianisme dans l'oasis. Les persécutions religieuses forcèrent de nombreux chrétiens à fuir et à rejoindre le désert durant la période romaine. La religion n'est devenue officielle qu'au Ve siècle, d'où la présence d'églises et de petites chapelles. « La chapelle de l'exode est considérée comme l'une des plus anciennes après celle de l'oasis d'Al-Haiz à Bahariya, d'après le livre du Dr Ahmad Fakhri sur les oasis » ajoute Amer. Cette nécropole est un chef-d'œuvre d'art copte mélangé à la nature primitive des oasis. Trois tombes anonymes portent des scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament et l'on peut voir des graffitis de pèlerins en copte et en arabe. « La plupart des édifices funéraires sont construits sur une profondeur de 13 mètres. A l'intérieur, il y a deux chambres, l'une réservée aux femmes et l'autre aux hommes. Chaque tombe abrite une famille », ajoute-t-il. Ces tombes ont été restaurées en 1998 et 1999, et l'Unesco a insisté sur la préservation de ce site.


Douch la forteresse romaine

Dans le village de Baris, situé à 60 km au sud de Kharga, se trouve la forteresse de Douch. Datant du IVe siècle, elle conserve les ruines d'un temple dédié à Osiris-Iouyi « Osiris bien venu » ou Sérapis pour les Romains et son épouse Isis. « La forteresse de Douch comporte deux parties. Dar al-Ibn (La maison du fils) dédiée au fils du roi Douch, date de la XVIe dynastie. L'autre, datant de l'époque romaine, a été édifié sous la régence des empereurs romains Trajan, Hadrien et Domitien au IIe siècle. Devant le temple, deux cours, une porte monumentale, vestiges d'une architecture pharaonique. Les romains avaient pour habitude d'ériger leurs temples à proximité ou aux alentours des monuments pharaoniques. C'était un signe de rapprochement des Egyptiens », explique Bahgat. Le site de Douch diffère des autres. Il a été construit en briques rouges, une matière rarement utilisée à cette époque. Le temple a été restauré par la mission française de l'IFAO. On peut remarquer aux alentours les vestiges d'une petite chapelle perse considérée à ce jour comme l'une des plus anciennes d'Egypte. Selon les archéologues français, ce gros bourg était une place stratégique pour les échanges commerciaux. On y prélevait même des taxes au passage des caravanes venues du Soudan et des régions frontalières. Plusieurs indices indiquent que Douch a connu une période prospère, de même qu'elle a joué le rôle de forteresse militaire protégeant la région des invasions extérieures.


La ezba du pacha indien

Dans un univers rocailleux bordant la route désertique de Dakhla vers le nord-ouest, défilent des collines rocheuses en forme de pyramides, des dromadaires et des dunes de sables. Nous arrivons à Esbet « Bashendi » ou le « Pacha Hindi » (indien).
Joli village avec des maisons construites en brique crue et dont l'entrée et l'intérieur sont recouverts d'une fine pellicule de sable pour conjurer le mauvais sort. Bashendi est le coin favori des touristes parce qu'il fait bon s'y promener dans ses ruelles. Cet endroit a gardé son empreinte authentique et sa candeur. On trouve dans ce village la tombe de Qiténous, datant de l'époque romaine (régence de l'empereur Batréyanous). « Cette tombe, découverte par le Dr Ahmad Fakhri, renferme le mausolée du cheikh Bashendi entouré de vestiges romains », souligne Hag Ahmad Abdallah, l'un des ouvriers, âgé de 70 ans, et qui a travaillé auprès du Dr Fakhri. Lors de la découverte de la tombe, le pionnier de l'archéologie égyptienne a annoncé que Esbet Bashendi est bâtie sur tout une grande ville romaine. Mais les travaux des fouilles ne peuvent être réalisés qu'à une condition : déloger les habitants du village, ce qui est difficile.
Bien que les oasis renferment beaucoup de monuments, elles ont beaucoup de secrets à nous livrer. L'important est aussi d'en préserver le caractère authentique, comme vient de le recommander la commission de l'Unesco.

Sarah Gamil

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Al-Ahram Hebdo
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