La décision de l’Ethiopie de ratifier la convention d’Entebbe sur le partage des eaux du Nil relance le débat en Egypte sur le problème de l’eau. L’Egypte, qui risque de voir sa part dans les eaux du Nil diminuer, propose une gestion séparée des eaux des deux Nils.
La part de l’Egypte dans les eaux du Nil peut-elle baisser ? La volonté de l’Ethiopie de ratifier la convention d’Entebbe sur le partage des eaux du Nil a ravivé les craintes de l’Egypte qui risque de voir sa part des eaux du Nil diminuer. La convention d’Entebbe a été signée en 2010 par six pays africains, à savoir l’Ethiopie, l’Ouganda, la Tanzanie, le Kenya, le Rwanda et le Burundi. Ces pays réclament l’annulation de l’ancienne convention de partage des eaux du Nil datant des années. En vertu de celle-ci, l’Egypte obtient 55 milliards de m3 d’eau par an. Un quota contesté par les pays africains. Or, l’Egypte souhaite maintenir son quota mettant en avant le problème de son poids démographique. Outre l’Ethiopie, le Soudan du Sud a annoncé cette semaine qu’il n’était pas tenu de respecter les conventions sur le partage des eaux signées avant son indépendance.
Comment l’Egypte doit-elle réagir ? La question a été abordée cette semaine lors de plusieurs séminaires tenus au Caire. « Nous avons discuté des aspects techniques et environnementaux de cette nouvelle convention proposée par l’Ethiopie et signée par plusieurs pays du bassin. Nous avons examiné les dangers pour l’Egypte représentés par la construction du Barrage du millénaire en Ethiopie, ainsi que l’entrée en vigueur de la convention. Le danger ne réside pas seulement dans la capacité du barrage qui peut retenir en Ethiopie entre 73 et 78 milliards de m3 par an, mais aussi dans les terrains que le pays entend cultiver. Nous ne sommes pas contre le développement agricole, mais le droit international stipule qu’il y a consultation entre pays riverains avant de construire des projets sur un fleuve », explique Mahmoud Abou-Zeid, ancien ministre des Ressources hydrauliques et de l’Irrigation. « Il a été proposé de créer un haut conseil des eaux du Nil présidé par le président égyptien. Ce conseil sera l’institution en charge d’examiner les études, les recherches et les recommandations des spécialistes. Nous avons appuyé également la coopération sur le plan de la technologie hydrique visant à exploiter la quantité des eaux perdues dans plusieurs pays ».
Vers une meilleure
gestion de l’eau
Pour faire face à une éventuelle diminution de ses ressources en eau, l’Egypte doit agir dans plusieurs directions. Outre les efforts diplomatiques visant à empêcher la construction de barrages sur le Nil, il est question de rationaliser la consommation d’eau. Et pour réaliser cet objectif, une campagne de sensibilisation doit être lancée auprès des citoyens et des paysans. « La population doit savoir que l’Egypte ne se sert pas uniquement de sa part annuelle des eaux du Nil. Elle se sert aussi des eaux souterraines et une infime partie des pluies du Delta. Au total, nos besoins s’élèvent à 71 milliards de m3 par an. Cette quantité est en constante augmentation avec l’explosion démographique », assure Bayoumi Attiya, spécialiste et conseiller du ministre des Ressources hydrauliques. Selon lui, les 16 milliards de m3 qui ne sont pas pompés dans le Nil proviennent du recyclage et de l’exploitation de quelques nappes phréatiques profondes. « Nous travaillons sur des stratégies, des plans nationaux de traitement de l’eau. Mais je dois dire que les agronomes ne vont pas résoudre à eux seuls le problème de l’eau en Egypte. La participation des citoyens et une meilleure gestion de cette ressource sont indispensables », explique Attiya. Selon le spécialiste, une solution serait de rationaliser l’utilisation de l’eau, notamment dans le système d’irrigation. Il faudrait également diversifier les ressources en eau et travailler sur le dessalement de l’eau de mer.
Selon les études faites par des instances internationales comme les Nations-Unies, les eaux du Nil représentent au total 1 600 milliards de m3 par an. L’Egypte n’utilise que 5 % de la capacité totale du fleuve. Les autres pays africains utilisent le Nil davantage pour drainer les eaux de pluie et ainsi éviter les inondations. L’Egypte plaide pour un partage « juste » des eaux du Nil. 95 % de ses ressources hydrauliques proviennent de l’extérieur du pays. L’une des solutions proposées pour l’Egypte est la séparation de la gestion des Nils Blanc et Bleu. « Il faut savoir que les eaux proviennent de deux branches du Nil. Le Nil Blanc vient du plateau occidental et le Nil Bleu se situe à l’est sur le plateau éthiopien. Les deux branches du Nil se rencontrent à Khartoum. La séparation de la gestion du Nil signifie que seuls pourront prendre part aux discussions les pays situés sur la branche du fleuve concernée. Les pays du Nil Blanc, à savoir la Tanzanie, l’Ouganda, le Kenya, le Rwanda, le Burundi et le Congo, ne pourront pas voter sur des projets qui seront construits sur le Nil Bleu. De même pour les pays situés sur le Nil Bleu, à savoir l’Egypte, le Soudan, l’Erythrée et l’Ethiopie, ils ne pourront pas prendre part aux votes sur des projets concernant le Nil Blanc », explique Nader Noureddine, spécialiste de l’eau et professeur à la faculté d’agronomie de l’Université du Caire.
Selon lui, si l’Egypte réussit à convaincre les pays du Nil Blanc du bien-fondé de la séparation de la gestion des eaux, cela annulera la convention d’Entebbe. Cette solution sera discutée la semaine prochaine lors de la réunion du Conseil arabe de l’eau.
Il est important de savoir que les ressources naturelles renouvelables en eau proviennent en Egypte uniquement du Nil. L’Ethiopie, quant à elle, puise son eau dans 12 fleuves différents .
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