Les deux chefs de la diplomatie russe et américaine ont insisté à visiter le siège de l'Union Africaine (UA)
(Photo : AFP)
C’est une lutte d’influence que se livrent les grandes puissances en Afrique. La Chine ne sera apparemment plus le seul grand investisseur en Afrique. Après les tentatives de rapprochement turc et qatari, ce sont aujourd’hui la Russie et les Etats-Unis qui reviennent àla charge. Moscou tente de renouer les alliances du passéavec les partenaires africains, celles du temps de l’Union soviétique, quand celleci soutenait les pays africains dans leurs mouvements de libération. Du lundi 5 mars au vendredi 9, le chef de la diplomatie russe, SergueïLavrov, était en tournée en Afrique. Il s’est rendu dans cinq pays : l’Angola, la Namibie, le Mozambique, le Zimbabwe et l’Ethiopie. Lavrov y a abordééconomie et lutte contre le terrorisme. Avant même sa tournée, Lavrov déclarait au journal Hommes d’Afrique :
«Ma prochaine visite est destinée à intensifier les liens sur plusieurs axes, trouver de nouveaux terrains pour des efforts communs dans les domaines commercial, économique, scientifique, technique, humanitaire et d’autres encore ». A moins d’une semaine de la présidentielle russe, le pays semble vouloir reprendre pied sur le continent, oùles luttes d’influence entre pays occidentaux, la Chine et autres outsiders (Turquie, Qatar, etc.) fait rage.
Pour ce faire, Russie compte bien s’appuyer sur ses partenaires traditionnels avec lesquels les relations ont étéintenses àl’époque soviétique, avant de se déliter lors de la chute de l’URSS. Ce retour de l’existence russe sur le continent s’inscrit dans le cadre de la diversification des relations extérieures engagée par le président russe, Vladimir Poutine. Et l’Afrique fait désormais partie de ses priorités. «Dans ses relations économiques extérieures, la Russie se tourne aussi vers l’Afrique. Par exemple, elle construit des centrales nucléaires en Afrique du Sud, en Egypte et au Soudan, renforce son alliance stratégique avec l’Algérie à travers une coopération militaro-technique. Tout ceci prouve la volonté russe d’élargir sa présence en Afrique », explique Ayman Chabana, expert des affaires africaines et professeur àl’Institut des études africaines àl’Universitédu Caire. «Le Zimbabwe, l’Angola et le Mozambique sont des pays avec lesquels Moscou a eu des relations très fortes à l’époque de la Guerre froide, et il est facile de les renouveler, mais Moscou cherche aussi une existence dans de nouvelles régions, notamment sur la côte méditerranéenne. « La Syrie est le seul pays du pourtour méditerranéen où la Russie a une forte présence, mais elle veut aussi s’orienter vers d’autres pays méditerranéens », explique Chabana. Outre cette volontéd’étendre son influence, Moscou veut aussi renforcer ses alliances en matière de lutte antiterroriste. Après ses récentes victoires en Syrie, notamment contre Daech, Moscou veut se positionner en mentor de la lutte antiterroriste.
Mini-guerre froide
Parallèlement àla visite de Lavrov, le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, était lui aussi en tournée en Afrique. Du 6 au 13 mars, il s’est rendu au Tchad, àDjibouti, en Ethiopie, au Kenya et au Nigeria. Il s’agissait de sa première tournée officielle africaine depuis sa prise de fonction. Un premier contact direct après la crise provoquée par l’abus de langage du président américain, Donald Trump, sur les pays africains. A la veille de la tournée de Tillerson, le communiquédu département d’Etat américain avait annoncéque Rex Tillerson voulait «discuter des moyens pour nous de travailler avec nos partenaires pour lutter contre le terrorisme, favoriser la paix et la sécurité, promouvoir la bonne gouvernance et encourager un commerce et des investissements mutuellement avantageux ». Les Etats-Unis sont certes classifiés comme l’un des grands pays investisseurs en Afrique et possèdent la plus grande base militaire àDjibouti. Mais ils ne veulent certainement perdre cet avantage au moment oùles concurrents se font nombreux. Tillerson et Lavrov sont donc, chacun de son côté, venus défendre leurs intérêts économiques avec leurs partenaires africains. «On est dans une sorte de mini-Guerre froide entre Moscou et les Etats-Unis ». Et, comme àl’époque de la Guerre froide, «les deux capitales essaient de se trouver ou de consolider des alliés en Afrique »et de «rejouer, un peu, sur le théâtre africain la Guerre froide des années 1980 », estime le chercheur Pierre Yves Vircoulon, citépar RFI le 10 mars. Mais les deux hommes ont bien calculéles calendriers pour s’éviter avec prudence. Le seul pays que les deux chefs ont visité, mais àdes moments différents, c’est l’Ethiopie, siège de l’Union africaine. Une escale prioritaire tant pour Moscou que pour Washington, qui veulent être rassurés sur la situation après la récente démission du premier ministre éthiopien et les risques de troubles ethniques. «La stabilité de ce pays important de la Corne de l’Afrique est une priorité pour les deux chefs de la diplomatie. Moscou et Washington veulent sécuriser cette région, point de passage maritime de produits pétroliers », conclut l’expert.
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