Les récents défis nucléaires de Pyongyang ont envenimé les relations entre les deux Corées, laissant craindre l'éclatement d'une guerre sans merci dans la péninsule.
Sommes-nous au bord d’une confrontation militaire entre les deux Corées techniquement en guerre depuis plus de 60 ans ? Les récents défis nucléaires de Pyongyang ne font que renforcer cette hypothèse « cauchemardesque » pour la péninsule coréenne qui semble plus que jamais divisée. Il est vrai que les relations entre les deux frères ennemis ont toujours été « problématiques » depuis la fin de la guerre de 1950-1953, mais aujourd’hui, la tension est au plus haut. Et pour cause, le tir d’un missile nord-coréen à longue portée, survenu la semaine dernière après un quatrième essai nucléaire nord-coréen le 6 janvier dernier.
Cette détermination de Pyongyang à développer son programme nucléaire en dépit des sanctions internationales a gravement envenimé les relations entre les deux Corées cette semaine. Pour la première fois depuis 12 ans, le seul projet de coopération Sud/Nord, la zone industrielle intercoréenne de Kaesong située en territoire nord-coréen à dix kilomètres de la frontière, a fermé ses portes, de quoi marquer un « grave pas en arrière » dans les relations bilatérales. A vrai dire, ce projet n’était qu’un « symbole de réconciliation » entre les deux Etats rivaux. Il est vrai que Kaesong était menacée depuis sa création en 2004, mais au moins, ce projet a réussi à maintenir un « contact régulier » entre les deux pays malgré les péripéties qui caractérisent leurs relations. Selon les experts, l’élimination de cette dernière « lueur d’espoir » illustre la gravité de la situation dans la péninsule.
Mais c’est afin de protester contre les récentes provocations nord-coréennes que Séoul a décidé vendredi dernier de suspendre ses opérations à Kaesong où 124 entreprises sud-coréennes employaient 53 000 Nord-Coréens. Séoul a justifié sa décision en accusant son voisin du Nord de confisquer 70 % des salaires versés aux ouvriers nord-coréens pour financer ses programmes nucléaires et balistiques. En réaction à ces accusations, Pyongyang a aussitôt expulsé les Sud-Coréens, en gelant leurs avoirs et plaçant la zone sous contrôle militaire. Ce gel d’avoirs a été qualifié d’« illégal » par Séoul, et est sans aucun doute un facteur qui aggrave encore plus cette crise.
Depuis, la guerre verbale et les menaces réciproques ne s’arrêtent plus. Alors que le ministre sud-coréen de l’Unification, Hong Yong-Pyo, a affirmé que le Nord devrait assumer les conséquences de ses provocations, Pyongyang a pour sa part rétorqué : « Séoul a anéanti l’ultime bouée de sauvetage des relations bilatérales et émis une déclaration de guerre qui pourrait conduire la péninsule au bord du conflit ». Une déclaration du régime nord-coréen en dépit des nouvelles sanctions adoptées samedi dernier par le Congrès américain contre Pyongyang. « L’arme des sanctions restera inefficace avec Pyongyang car ce pays a réussi à développer son arsenal nucléaire sous de lourdes sanctions internationales », explique Norhane Al-Sayed, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire. Pour elle, si les sanctions ont réussi à « ramener Téhéran à la table des négociations, ce ne sera pas le cas pour Pyongyang, car la nature du peuple nord-coréen diffère de celle du peuple iranien. Les sanctions ne vont pas le courber, car il est déjà habitué à mener une vie démunie ». Al-Sayed explique que, pour le régime nord-coréen, l’arme nucléaire resterait l’unique moyen pour se protéger « contre l’Occident et surtout contre Washington ». Pyongyang n’hésiterait pas, selon elle, à endurer des sanctions, à entrer en guerre avec son voisin du Sud, voire à embraser toute la péninsule pour réussir son programme nucléaire.
Le pire est à attendre
Alors que la péninsule est au bord de l’embrasement, d’autres facteurs risquent de mettre de l’huile sur le feu les jours à venir. A commencer par les manoeuvres militaires annuelles conjointes menées par Washington et Séoul et qui ont lieu chaque année au mois de mars, et dont se méfie Pyongyang. Pour la Corée du Nord, ces manoeuvres ne seraient qu’une répétition d’une éventuelle invasion de son territoire par Séoul et son allié américain. Or, ces derniers ont annoncé que les manoeuvres en question cette année sont à « une échelle plus grande que d’habitude ». De quoi faire monter davantage la tension.
Autre facteur aggravant : Séoul et Washington s’apprêtent à discuter, dès la semaine prochaine, du déploiement en Corée du Sud d’un bouclier antimissiles américain sophistiqué, en riposte aux récentes provocations nord-coréennes. Les Etats-Unis ont donc annoncé leur intention de déployer en Corée du Sud « aussi vite que possible » ce système antimissiles THAAD (Terminal High Altitude Area Defense) qui devrait détruire les missiles balistiques, qu’ils soient à l’intérieur ou à l’extérieur de l’atmosphère. Passant à l’acte, les Etats-Unis ont déjà déployé samedi dernier en Corée du Sud une batterie supplémentaire de missiles antimissiles Patriot pour contrer toute nouvelle provocation nord-coréenne. Des précautions prises par Washington dans le cas où les sanctions ne porteraient pas leur fruit et seraient inefficaces avec la dictature coréenne. Reste à savoir si le régime de Pyongyang restera les bras croisés face à ces nouvelles mesures ou s'il cherchera à riposter. Pour l’heure, la situation semble explosive. Le spectre d’une guerre semble plus proche que jamais l
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