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Bijoux royaux : un héritage retrouvé

Doaa Elhami, Dimanche, 21 septembre 2014

Les ministères des Antiquités et de l'Intérieur viennent de récupérer 246 bijoux appartenant à la famille alide (1805-1952), longtemps disparus et retrouvés accidentellement.

Bijoux royaux : un héritage retrouvé

Bijoux royaux : un héritage retrouvé

Bracelets, colliers, boucles d’oreilles, bagues et broches ... divers bijoux royaux ont été récem­ment retrouvés par les ministères des Antiquités et de l’Intérieur. Ils sont au nombre de 246 pièces. « Cette collection est revenue après que 2 procès eurent été intentés. Le premier a permis la restitution de 136 pièces, et le second 110 », explique le général Fathi Momtaz, vice-directeur de la police tou­ristique.

L’affaire remonte à 2013, lorsque la police a découvert qu’un CD comprenant 36 photos circulait entre antiquaires et collectionneurs. Le propriétaire du CD, Ali Fahmi Ismaïl Mohamad, un homme d’affaires, avait décidé de vendre ces bijoux pour rembourser une dette à la Banque Misr. Il a assuré avoir hérité de cette collection par le biais de son épouse décédée en 2010, Tafida Sadeq Abdel-Aal, qui avait gardé ces parures dans les coffres de la banque pendant plus de 20 ans. Quant au second lot, comprenant 110 pièces, il était pré­servé dans la même banque, par Idris Abed Abdallah Al-Sénoussi.

La Banque Misr avait décidé de vendre cette collection aux enchères. Pour ce faire, elle a soumis ces parures à des spécialistes pour s’as­surer de leur qualité. Le rapport dressé par ces derniers a été surprenant : toutes les pièces sont fabriquées de platine et il s’agit de vraies perles. Ces bijoux sont finement sculptés et portent les signatures de grands bijoutiers ainsi que les lieux de leur création. « Nous avons stoppé la vente des 110 pièces présentées aux enchères par la banque et avons soumis les 136 parures du premier procès à l’examen des spécialistes de l’Organisme des sceaux et mesures. Son rapport a été similaire au pre­mier », a annoncé le directeur de la police touristique, le général Ahmad Abdel-Zaher. « Nous avons identifié certaines pièces : elles complètent des ensembles de bijoux exposés au Musée des bijoux royaux. Et nous avons des photos de reines et de princesses égyptiennes portant ces parures », explique Nabila Habib, ex-directrice des musées historiques et membre du comité archéologique qui a examiné la col­lection royale. Grâce à ces arguments, « nous avons constaté que les 246 pièces apparte­naient à la famille alide, réclamées depuis 1953 par le Conseil des Officiers libres qui, à son tour, a considéré ces biens royaux comme un héritage égyptien à protéger. Aujourd’hui, cette collection est encore à la Banque Misr », a affirmé le général Abdel-Zaher.

Bijoux royaux : un héritage retrouvé

D’après Nabila Habib, les 246 pièces retrou­vées complètent aussi certains ensembles de bijoux, déjà exposés au Musée des bijoux royaux d’Alexandrie. « Il en reste encore beaucoup à retrouver », explique-t-elle, tout en se souvenant des propos du prince Ahmad Fouad, dernier roi d’Egypte, lors de sa visite au Musée des bijoux royaux : « Les bijoux de la famille royale étaient fabriqués en principe de platine et de perles. L’or n’avait pas alors la même importance à l’époque ». Ajoutons aussi que ces parures royales ont été fabriquées par des experts de bijouterie mondiale dont la production était uniquement dédiée aux reines et princesses de la famille alide.

Selon Habib, cette collection retrouvée revêt plusieurs utilités : elle offre l’occasion aux spécialistes d’étudier l’évolution et la finesse d’une telle industrie au fil des âges. Elle encourage aussi les archéologues dans leur travail .

De ministère en ministère …les étranges itinéraires administratifs

Les bijoux royaux sont passés de main en main avant d'être restitués au ministère des Antiquités. Des dégâts considérables sont à déplorer.

Bijoux royaux : un héritage retrouvé

Les bijoux royaux récemment retrouvés avaient disparu pendant 56 ans. Une période marquée par leurs déplacements, vols et ventes aux enchères dans les plus grandes salles du monde. Tout a commencé en 1953, lorsque le gouvernement de l'époque récu­père tous les biens de la famille alide (1805-1952).

Les palais sont transformés en écoles, musées ou ministères et administrations. « Nasser a gardé quatre palais pour ses rési­dences : Qobba, Montazah, Ras Al-Tine et Abdine », explique Nabila Habib, ex-directrice des musées historiques. Quant aux bijoux des reines et princesses, ils ont d’abord été gardés pendant deux ans dans les sous-sols de la Banque Centrale d’Egypte. « Les bijoux étaient stockés sans la moindre description », précise le conseiller Achraf Al-Achmawi qui a retracé ce parcours au sein de la revue du Conseil Suprême des Antiquités (CSA).

Bijoux royaux : un héritage retrouvé

Ensuite, ils ont été transférés au ministère des Biens (l’actuel ministère des Finances) de 1955 à 1962, qui devait ensuite les expo­ser dans un musée. Mais « de temps en temps, apparaissaient certaines pièces dans les salles des enchères, alors que les docu­ments officiels en Egypte res­taient sans la moindre modifica­tion et comptaient toujours le même nombre de pièces », retrace-t-il dans la revue du CSA.

En 1962, Nasser ordonne au ministère de la Culture d’exposer ce trésor dans des musées publics. A cette époque, les caisses sont au nombre de 63. Puis, jusqu’en 1971, soit pendant 9 ans, les boîtes sont ouvertes à plusieurs reprises par des « comités de triage ».

« Cette période a vu plusieurs pillages, dont le plus fameux a été le vol de 37 pierres précieuses qui ornaient le plateau d’argent offert par l’impératrice de France, Eugénie, au khédive Ismaïl, à l’occasion de l’inauguration du Canal de Suez », retrace le conseiller.

Bijoux royaux : un héritage retrouvé

Deux ans plus tard, les bijoux sont transférés aux dépôts de la Banque Centrale. Le nombre de caisses est alors réduit à 40 sur les 63 initiales. « Où sont les 23 man­quantes ? Personne n’a rien demandé », fait savoir Al-Achmawi, encore étonné. Il faut attendre décembre 1975, lorsqu’un bracelet incrusté de pierres précieuses, faisant partie des bijoux royaux, est exposé lors d’une vente aux enchères aux Etats-Unis. Interpol à Washington annonce que cette parure a été volée à l’Egypte, une vaste enquête est ouverte. Le rapport accuse la plupart des membres de divers comités d’avoir volé un nombre considérable de ces bijoux. Afin de camoufler leur vol, ils modifiaient, à chaque tri, le nombre de parures sur les listes.

Un nouveau comité de tri voit ensuite le jour et découvre le vol de 71 ensembles de bijoux, esti­més à l’époque à un demi-million de L.E (près de 70 000 dollars). Ce comité est maintenu jusqu’en 2007. Pendant cette période, tous les accusés de trafic ou vols décè­dent. « Etaient-ils les victimes d’autres personnes plus influentes ? Personne ne le sait. En tout cas, ce trésor a été perdu pendant longtemps dans les diffé­rentes administrations gouverne­mentales où il a subi de graves dégâts », conclut le conseiller.

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