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Morsi appelé à agir

Mohamed Abdel-Hady, Mardi, 09 octobre 2012

Amnesty International appelle le président à mettre fin à la brutalité et à l’impunité de la police et de l’armée, accusées de graves violations durant la transition. De telles réformes seront cependant longues à mettre en place.

Droits de l
Amnestya publié deux rapports qui reviennent exhaustivement sur les pies de violences durant la transition.

Alors que le président Mohamed Morsi célèbre ses 100 jours de mandat, Amnesty International lui rappelle qu’il doit honorer ses engagements relatifs aux droits de l’homme en traduisant devant la justice les responsables des violations commises durant la transition ayant précédé son élection. Le 2 octobre, l’Organisation internationale a publié deux rapports qui reviennent exhaustivement sur les pics de violences qui ont marqué cette période.

Le Conseil Suprême des Forces Armées (CSFA) a été au pouvoir pendant 16 mois, entre février 2011 et juin 2012, au cours desquels au moins 12 000 civils ont été déférés devant des tribunaux militaires et plus de 100 manifestants tués dans des affrontements avec les forces de sécurité, selon les groupes de défense des droits de l’homme.

Dans ses rapports basés sur des « enquêtes de terrain de première main », Amnesty dénonce « les homicides, le recours excessif à la force, les actes de torture et autres mauvais traitements infligés aux manifestants, tant par les militaires que par les policiers ».

Le premier rapport expose les violations systématiques des droits humains perpétrées lors de trois manifestations importantes. La première a eu lieu devant le bâtiment de la Radiotélévision, Maspero, en octobre 2011, manifestation durant laquelle 27 manifestants, principalement des coptes, ont été tués. Les deuxièmes violations ont été aux événements qui se sont déroulés devant le bureau du premier ministre en décembre 2011 et qui se sont soldées par 17 morts parmi les manifestants et, enfin, les violations consécutives au rassemblement organisé en mai 2012 près du siège du ministère de la Défense, dans le quartier de Abbassiya, et durant lequel 12 personnes ont péri.

Amnesty Internationalréclame des poursuites contre les responsables de ces meurtres. « L’armée est retournée à ses casernes mais les autorités ne doivent pas s’imaginer qu’elles peuvent balayer sous le tapis 16 mois de violations qui se sont traduites par plus de 120 morts, des milliers de personnes jugées par des tribunaux militaires et des centaines de cas de torture », estime la directrice adjointe d’Amnesty pour le Moyen-Orient, Hassiba Hadj Sahraoui.

« Des manifestants, hommes et femmes, ont été roués de coups, soumis à des décharges électriques, menacés de violences sexuelles et soumis à d’autres atteintes aux droits humains par les militaires », ajoute Amnesty. « Les tribunaux militaires n’ont fourni aucun recours aux victimes, tandis que les enquêteurs civils n’ont pas souhaité ou pas pu inculper un seul officier pour les crimes commis », lit-on encore dans le même document.

Le second rapport se focalise sur les violences policières durant 3 autres événements-clés : les manifestations de la rue Mohamad Mahmoud, près du ministère de l’Intérieur, en novembre 2011 ; celles dans la même rue, à la suite de l’homicide de supporters du club de football d’Al-Ahli en février 2012 ; et les affrontements devant les Nile City Towers, sur la Corniche du Nil au Caire, en août 2012.

« Depuis l’élection de Morsi en juin 2012, les forces de sécurité ont continué de commettre des violations des droits de l’homme », affirme le document consacré à la police et qui réclame des « réformes profondes » de cette institution. « Les différents ministres de l’Intérieur qui ont pris la tête des services de police depuis la révolution de 2011 ont annoncé à maintes reprises qu’ils s’engageaient à réformer la police et à respecter les droits fondamentaux. Force est de constater qu’ils se sont contentés de mesures superficielles, s’efforçant davantage de rétablir des dispositions rappelant la législation d’urgence, au nom de la sécurité », estime Hassiba Hadj Sahraoui.

Celle-ci précise que son organisation a envoyé un rapport détaillé à Mohamad Morsi, fin juin, l’exhortant, entre autres choses, à réformer la police et les institutions liées à la sécurité. Sahraoui ajoute qu’Amnesty n’a reçu aucune réponse, mais souhaite toujours coopérer avec les nouvelles autorités sur cette question.

Le gouvernement « a pris note »

Le porte-parole de la présidence égyptienne, Yasser Ali, a affirmé que le gouvernement égyptien a pris note des remarques de cette organisation « respectable ». Il ajoute que la question des droits de l’homme occupe une place prioritaire après la révolution du 25 janvier. « La présidence égyptienne est déterminée à éradiquer toute forme de discrimination au sein de la société égyptienne, et toute forme d’atteinte à la dignité des Egyptiens, que ce soit dans les commissariats de police ou dans les appareils administratifs de l’Etat », renchérit-il sur sa page Facebook.

De son coté, le chef de l’Organisation Egyptienne des Droits de l’Homme (OEDH), Hafez Abou-Seada, met en doute l’intention du pouvoir quant à la réouverture des dossiers de la transition. « Le fait que le président Morsi ait décoré les deux premiers hommes du CSFA, le maréchal Hussein Tantawi et le général Sami Annan, et qu’il les ait nommés comme ses assistants signifie que ces deux hommes jouissent de sa protection et n’auront pas de comptes à rendre sur les violations commises par le passé », a estimé Abou-Seada dans un appel à la chaîne Al-Nahar.

Pas de réforme immédiate

Dans le même ordre d’idée, l’avocat et militant des droits de l’homme, Essam Chiha, estime que le président Morsi est en « lune de miel » avec l’armée et la police et qu’il ne peut pas compromettre ses rapports avec ces deux institutions. « Morsi a besoin de sécuriser le référendum sur la Constitution et les prochaines élections parlementaires et municipales. Il ne peut donc pas se passer du soutien de la police et de l’armée pour asseoir son autorité », affirme l’activiste.

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