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Histoire d’art et de pouvoir

Doaa Elhami, Mardi, 12 février 2019

L’art tenait une place majeure sous le règne de la famille alide. L’exposition « Caractéristiques d’une ère », au palais de Aïcha Fahmi, à Zamalek, propose de découvrir cette période à travers plus de 150 oeuvres.

Histoire d’art et de pouvoir
Sculpture de Mohamad Ali, fondateur de la famille alide.

Statues, bustes, pein­tures, photos, ou encore médailles et mobiliers composent la riche exposition « Caractéristiques d’une ère », dédiée à la famille alide, au palais de Aïcha Fahmi (Complexe des arts) à Zamalek.

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Le buste du khédive Ismaïl réalisé par le sculpteur français Charles Cordier.

Cette exposition, qui se tient jusqu’au 27 mars, est la 3e de la série « Trésors de nos musées », lancée il y a 3 ans. 150 chefs-d’oeuvre, qui ornaient les palais de la famille alide, sont exposés ensemble. « C’est la première fois que le visiteur peut contempler, à travers des oeuvres d’une grande valeur artistique, toute une période de l’histoire moderne de l’Egypte », explique Dalia Moustapha, directrice du départe­ment central du Centre des arts. A travers les pièces présentées dans l’exposition, les organisateurs ten­tent de jeter la lumière sur une époque qui, selon eux, a été peu étudiée et a parfois été déformée par certains historiens. Pourtant, ce fut une période prospère et féconde de la vie artistique en Egypte. Les grands peintres et sculpteurs euro­péens côtoyaient alors leurs homo­logues égyptiens. L’exposition traverse aussi 4 modèles de gou­vernance, commençant par l’Etat en passant par la période khédi­viale, le sultanat, pour terminer par la royauté.

La sculpture européenne

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Le roi Fouad tient dans la main droite la Constitution.

Des oeuvres réalisées par des sculpteurs européens renommés sont à découvrir, comme ce buste en bronze représentant le khédive Ismaïl (1830-1895), réalisé par Charles Cordier (1827-1905). Séduit par l’habileté du sculpteur français, le khédive Ismaïl l’a convoqué afin de réaliser ce buste, ainsi que la fameuse statue d’Ibra­him pacha, dressée encore aujourd’hui sur la place de l’Opéra au Caire. Le khédive Ismaïl a lui aussi eu recours à un sculpteur français, Henri Alfred Jacquemart. L’artiste a réalisé deux statues représentant Mohamad Ali pacha à dos de cheval. L’une d’elles se trouve dans l’exposition. L’autre, sculptée en taille réelle, trône sur la place Manchiya, à Alexandrie.

« Les souverains de la famille alide, notamment Ismaïl pacha, appréciaient tous les types d’art et cherchaient à embellir les places des villes avec de belles statues, représentatives des personnages de renom », souligne Yasser Mongui, professeur de gra­phique à la faculté des beaux-arts. C’est lui qui a documenté toutes les pièces de l’exposition.

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Peinture du roi Farouq.

Le buste en bronze du khédive Ismaïl n’est pas l’unique exposé dans les salles du palais de Aïcha Fahmi. Il y a aussi celui du roi Fouad. Ces bustes, entre autres, ornaient le lobby du par­lement égyptien, jusqu’au déclenchement de la Révolution de 1952. L’exposition renferme aussi des pièces en marbre, à l’instar de ceux d’Ibrahim pacha et du khédive Ismaïl dont les détails de costume reflètent l’habileté du sculpteur. Néanmoins, la sélection expo­sée s’ouvre sur un buste en gypse représentatif de Mohamad Ali pacha, fondateur de la famille alide.

Si les bustes occupent une large place dans l’exposition, les sta­tues, malgré leur nombre modeste, sont d’une importance majeure sur le plan historique.

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Peinture de la reine Nariman.

La statue en bronze du khédive Ismaïl, sculptée en 1951 par l’Egyptien Moustapha Métoualli, en est l’exemple. « On croyait que cette statue était sculptée par un Européen. Mais après avoir étudié les documents et les journaux de l’époque, j’ai trouvé que le réali­sateur de cette oeuvre était un Egyptien », assure Mongui, ajou­tant que cette statue, qui est à échelle réelle, devait être dressée sur la place Ismaïliya (l’actuelle place Tahrir) et celle du roi Fouad devait orner la place Abdine. « C’était l’un des projets annoncés par le roi Farouq pour embellir les places et relier celles d’Ismaïliya et de Abdine. Mais avant les der­nières retouches apportées à la statue, la Révolution de 1952 a éclaté et l’oeuvre n’a jamais vu la place Ismaïliya », raconte Mongui.

Parmi les pièces phare de l’ex­position, de grandes statues de marbre et de bronze sculptées commémorant et représentant les souverains et politiciens de l’époque. Que ce soient celles du roi Farouq, de son père le roi Fouad, et de son arrière-grand-père Mohamad Ali pacha, toutes ont été réalisées par le sculpteur égyptien Ahmad Ibrahim.

Des peintures expliquées

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Buste d'Ibrahim pacha.

Un nombre considérable de peintures est aussi à admirer. Parmi celles-ci, le portrait du prince Omar Tousson, petit-fils du wali Mohamad Saïd pacha, réalisé par le peintre italien Arturo Zanieri en 1927. Il est expliqué ici com­ment Tousson était fasciné par les antiquités et les monuments, et avait découvert, en 1933, une cité submergée dans le golfe d’Abouqir, à Alexandrie. On apprend aussi que 10 ans avant sa mort, il a légué sa précieuse bibliothèque de 8 000 volumes aux bibliothèques du Musée de la guerre, du Musée gréco-romain et à celle des municipalités d’Alexan­drie.

La peinture du prince Ahmad Réfaat, le fils aîné d’Ibrahim pacha, est aussi à découvrir. « Il était le premier vizir de l’Intérieur et devait succéder à Saïd pacha au trône. Mais il est mort noyé dans le Nil. Cet accident représente jusqu’à aujourd’hui une énigme pour les historiens. Etait-ce un simple accident ? Ou un crime pour permettre à Ismaïl de succé­der à son oncle au trône ? Personne ne le sait », explique Yasser Mongui.

A travers la peinture du sultan Hussein Kamel, et les explications l’accompagnant, on apprend com­ment il a réhabilité de vastes ter­rains, a fondé la société culturelle et a supervisé, en personne, ses territoires en étant en contact direct avec les paysans. Raison pour laquelle il a été surnommé « le père du paysan ».

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Mobilier de style islamique présenté à l'exposition.

L’exposition rassemble aussi une collection de 38 médailles qui commémorent des événe­ments survenus en Egypte ou en France. Parmi les pièces expo­sées, un médaillon frappé à l’oc­casion de l’Exposition interna­tionale de l’affiche de propa­gande touristique qui s’est tenue au Caire en 1933. L’effigie du roi Fouad orne l’une des faces. Sur l’autre est frappée une scène inspirée de la civilisation de l’Ancienne Egypte. Une autre médaille a été réalisée en 1905 à l’occasion de la pose de la pre­mière pierre du Musée Boulaq et de la création du Service des antiquités égyptiennes. L’effigie de l’égyptologue Mariette est frappée sur l’une de ses faces, alors que sur l’autre, c’est une scène de la découverte du Sérapium de Saqqara.

Si l’époque de la famille alide se caractérise par un goût artistique raffiné, tourné vers l’art européen, cela ne signifie pas son manque d’intérêt pour l’art islamique.

De même, l’exposition y consacre une salle de mobiliers d’influence islamique. Le visiteur peut trouver une table et une chaise qui faisaient partie de la collection du musée de la féministe renom­mée Hoda Chaarawi, conservée au Musée d’art moderne.

Visiter cette exposition, c’est se plonger dans l’histoire de l’Egytpe moderne, et découvrir les mul­tiples facettes de l’ère de la famille alide.

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