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Le textile, témoin des premières années chrétiennes

Doaa Elhami, Lundi, 21 janvier 2019

Des textiles coptes, dont certains datent du début du millénaire, sont exposés au Musée du textile, dans Le Caire fatimide. Provenant des tombes d’Al-Bagawat, ils retracent les débuts de l’art copte.

Le passage du Musée du textile qui renferme l
Le passage du Musée du textile qui renferme l'exposition.

« Allah mahabba » ou « Dieu est amour ». Ce verset de l’Evangile a été choisi comme titre de l’exposition des textiles provenant du cimetière d’Al-Bagawat de l’oasis de Kharga, capitale du gouvernorat de la Nouvelle Vallée. L’exposition se tient jusqu’au 31 mars prochain au Musée du textile, situé rue Al-Moezz dans Le Caire fatimide.

« Cette collection date du IIe au VIIe siècle et témoigne des débuts du christianisme en Egypte », explique Sahar Ibrahim, adjointe générale au Musée du textile. 10 pièces sont exposées, dont 5 pour la première fois au public. Toutes proviennent des tombes d’Al-Bagawat, découvertes par la mission archéolo­gique du Metropolitan Museum, entre 1907 et 1930. Le visiteur pourra aussi découvrir l’his­toire des tombes d’Al-Bagawat lors de cette exposition.

Dès l’entrée du musée, le regard est happé par un couvre-chef en lin remontant au début du IVe siècle. Il est orné du signe hiéroglyphe Ankh, symbole de la vie dans l’Egypte Ancienne. « Ce signe, étant le plus proche de la forme de la croix, est utilisé à cette époque par les premiers chrétiens pour duper les autorités romaines qui les poursuivaient et les torturaient », explique Sahar. Avis partagé par Hani Zarif, spécialiste du textile copte et adjoint au musée. « C’est le symbole de la vie éternelle dans l’au-delà », explique-t-il. Le symbole Ankh est brodé en laine colorée, en rouge et bleu. Pour Zarif, le rouge reflète le sang qui est lié à la crucifixion et le rachat. Le couvre-chef est aussi brodé de cercles qui symbolisent l’éternité.

En poursuivant sa visite de l’exposition, le visiteur découvre une écharpe en lin, à la texture rugueuse. « Elle appartenait probablement à un homme mystique qui a choisi de se retirer et de s’éloigner des plaisirs du monde pour se dévouer totalement à cette religion naissante », explique Sahar Ibrahim. Cette écharpe est bro­dée d’une « croix dont la texture pileuse indique qu’elle était dédiée aux ermites. Les quatre côtés de la croix sont égaux, symbole de l’éga­lité de tous les chrétiens devant Dieu », renché­rit Zarif.

Afin de montrer au visiteur la différence entre les diverses textures du lin, les organisateurs ont aussi exposé une autre écharpe en lin doux. Cette dernière est brodée de deux ronds en laine rouge dont le symbole reste encore aujourd’hui un mystère pour les spécialistes.

L’exposition comprend aussi des habits d’en­fants, comme ce chemisier datant du IVe siècle en lin à manches longues, brodé de simples ornements. Il s’agit de deux lignes de filets fins pourpres en laine cousus en qabati (type de fabrication textile) qui décorent les côtés du chemisier et les poignets de ses manches. Le qabati est déjà connu durant l’époque de l’Egypte Ancienne, mais il est devenu plus cou­rant durant les premières années du christia­nisme.

Sept siècles d’art copte

Deux tuniques monastiques sont aussi expo­sées, dont une privée de toutes ornementations, hormis de larges rubans de qabati en laine. Selon Sahar Ibrahim, cette tunique couvrait la momie d’une femme, alors que l’expert en tex­ture copte, Hani Zarif, trouve que la pauvreté de décoration de la tunique serait plutôt celle d’un homme, puisque les habits des femmes, y com­pris les habits funéraires, sont plutôt riches en ornementations.

Quant à la seconde tunique, elle était en plu­sieurs morceaux et a été réparée au laboratoire de restauration du musée. Pour Zarif, ce vête­ment riche en décorations laisse penser qu’il appartenait à une personne aisée de la haute société qui avait décidé de se convertir au chris­tianisme.

La fin de la visite se termine par l’exposition d’une étoffe ornée d’un dessin représentant le moine Botros avec une auréole verte, couleur symbolisant le royaume céleste. Le moine y porte une tunique violet foncé et ses mains sont serrées sur sa poitrine. « Cette image est faite avec d’anciens morceaux de tissus remontant au IIe ou au IIIe siècle, alors que le tableau, qui décrit le moine, date du VIe ou VIIe siècle », explique Zarif.

Le nom de ce moine Botros, écrit en carac­tères de la langue copte, est cousu au-dessus de sa tête. « Les écritures ne sont pas brodées sur les tissus avant la fin du VIe siècle », reprend l’expert. Ce tableau reflète ainsi l’évolution de l’art copte durant les premiers 7 siècles.

Cette exposition donne ainsi une idée sur ce qu’est l’art copte, né au sein du Désert occiden­tal égyptien, et aussi sur les divers moyens de représentation des signes de la nouvelle reli­gion, afin que les autorités romaines ne les comprennent pas. Elle met aussi en évidence l’influence de cet art à travers les siècles et encore aujourd’hui.

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