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Marea, une halte pour pèlerins

Doaa Elhami, Jeudi, 16 novembre 2017

Les missions archéologiques relevant de l'Institut polonais en Egypte et opérant notamment à Alexandrie et à Marina ont mis au jour et restauré de multiples monuments comme les archives de l'église de Marea et les bains de Marina. Un travail de longue haleine.

Marea, une halte pour pèlerins
(Photo : T. Skrzypiec)

A quelque 45 km au sud-ouest d’Alexandrie se situe le site archéologique de Marea, sur le lac Mariout. Là opère, depuis 16 ans, la mission archéologique polonaise dirigée par le professeur Krzysztof Babraj, de l’Université de Varsovie. « Ces dernières saisons, nous avons consacré nos travaux à l’église de Marea. Les fouilles y reprendront et continueront encore les deux prochaines saisons. Dans l’Antiquité, l’église était importante pour les pèlerins du monastère d’Abou-Mina Al-Agaïbi (saint Ména) », explique Krzysztof Babraj. Datant du Ve siècle, cette église est longue de 49 m pour 47 m de large. Elle était alors la plus vaste église du pays après celle d’Alexandrie. « Nous avons découvert, pendant les fouilles, 150 ostraca composant les archives administratives de la construction de l’église », souligne Tomasz Derda, chef du département de papyrologie à l’Institut d’archéologie de l’Université de Varsovie et membre de la mission polonaise opérant à Marea. C’est, en fait, la première fois qu’une mission trouve sur un même site les documents explicatifs des étapes de la construc­tion et l’édifice en question avec ses bases. D’où l’importance de la découverte.

D’après le professeur Derda, les archives sont composées de matériaux durs qui supportent l’humidité du climat. Autre particularité de la découverte : les experts ont remarqué sur les ostraca dégagés une couche de textes prélimi­naires peu clairs au-dessous des inscriptions principales. Ces documents comprennent les salaires quotidiens du personnel selon la position de l’employé. Par exemple, le plâtrier touchait 140 myr.den/jour, alors que son assistant tou­chait 70 myr.den, une monnaie locale de l’époque aux origines obscures. Le personnel était donc bien payé, selon les experts.

Marea, une halte pour pèlerins
Ostracon de Marea. (Photo : T. Skrzypiec)

Les documents démontrent de même que 300 dromadaires ont été utilisés sur le site pour trans­porter les blocs de pierre ciselés, des carrières au chantier. D’après Derda, il apparaît que la car­rière se situait près du site, et la construction de l’église n’a pris que 150 jours. « La beauté de l’église est une autre évidence de l’importance du site et sa valeur pour le souverain d’Egypte, voire l’empereur lui-même », reprend Babraj, chef de la mission.

Marea, une halte pour pèlerins
Chapiteau de calcaire. (Photo : T. Skrzypiec)

En effet, le style architectural de l’église est celui d’une basilique, répartie en deux séries de colonnes latérales dont les chapiteaux sont fabri­qués de marbre. « Les Arabes ont exploité ces colonnes ultérieurement », commente le profes­seur Tomasz Derda.

Le plafond est dallé de pierres de plusieurs formes importées d’Italie. Cette richesse reflète l’énorme budget réservé à la construction de l’église. La question qui se pose jusqu’à aujourd’hui pour les experts de la mission est de savoir qui a financé les travaux : « Qui est cette personne ? Le pape d’Alexandrie de qui dépend l’église, son gouverneur ou l’empereur luimême ? », se demande l’expert. Personne ne le sait. Mais sans aucun doute, l’église de Marea a été construite sous les ordres de l’empereur en personne.

Accueillir les bateaux fluviaux

Marea, une halte pour pèlerins
Un four découvert dans l’abside de la basilique de Marea, datant des IIe et IIIe siècles. (Photo : T. Skrzypiec)

A cette époque reculée, vers la fin du IVe siècle et les débuts du Ve siècle de notre ère, saint Ména occupait une importance majeure chez les chrétiens qui visitaient sa tombe, puis son église. Sa tombe accueillait les dévots d’Italie, de Grèce, de France, d’Espagne, voire de Constantinople, siège de l’Empire byzantin. Les pèlerins se reposaient à Marea avant de reprendre leur route pour le monastère de Saint Mena. Au fur et à mesure, le nombre des pèlerins a augmenté, et par conséquent, leurs besoins aussi.

Marea, une halte pour pèlerins
Fragment d’une boucle d’oreille en or. (Photo : T. Skrzypiec)

L’empereur a fait construire un quai sur le lac Mariout pour accueillir les bateaux fluviaux qui transportaient les pèlerins d’Alexandrie. A Marea, les dévots s’y reposaient quelques heures. « Près du quai ont été trouvés des toilettes, des bains publics et une grande maison byzantine », explique le professeur Tomasz Derda. Selon l’expert, durant les heures de repos, le pèlerin se purifiait physiquement et aussi spirituellement en se rendant à l’église avant de reprendre sa route vers le monastère de Saint Mena. « Pendant l’époque byzantine, l’église de Saint Mena dépendait de l’empereur lui-même et de son culte. C’était plutôt des pèlerins chrétiens d'Europe qui se rendaient à l’église et pas ceux d’Egypte », souligne Louäy Mahmoud Saïd, expert en égyptologie et coptologie à l’Université de Ménoufiya et à la Bibliotheca Alexandrina. Ce pèlerinage est aussi marqué par la présence de bouteilles d’argile de saint Ména dans de nombreuses églises antiques européennes. Elles contenaient de l’eau sainte de l’église de Saint- Ména.

Les prochaines saisons de fouilles donneront de nouvelles surprises. Les membres de la mission espèrent ensuite trouver les routes principales vers le site de Marea lorsque les excavations de l’église prendront fin.

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