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Les ordonnances d’Hippocrate découvertes à Sainte-Catherine

Nasma Réda, Mardi, 11 juillet 2017

Des textes effacés sous des palimpsestes remontant aux Ve et VIe siècles ont été découverts cette semaine au monastère de Sainte-Catherine dans le Sinaï.

Les ordonnances d’Hippocrate découvertes à Sainte-Catherine

Au cours du projet d’énumération et de photographie minutieuse des manuscrits de la bibliothèque du monastère de Sainte-Catherine, situé au pied du Mont Moïse dans la péninsule du Sinaï, les scientifiques ont découvert un manuscrit (palimpseste) remontant au Ve et au VIe siècle, écrit sur du vélin. « Lors des recherches, les scientifiques ont pu dévoiler des textes cachés. Il est à noter que le palimpseste consistait à réécrire de nouveaux textes sur d’anciens, et cela est dû à la rareté du vélin qui était utilisé surtout au Moyen âge à cause de sa blancheur et sa finesse », explique Michael Phelps, directeur du projet et président de l’ancienne bibliothèque des manuscrits électroniques à Los Angeles, arrivé spécialement, accompagné de dix autres scientifiques, suite à une demande en 2013 de Demetry Demianos, l’archevêque du monastère. La mission a découvert sur l’une des pages du manuscrit le nom « NF arab 8 » et trois textes écrits l’un sur l’autre, dont le plus ancien remonte au Ve siècle. « Il s’agit de plusieurs ordonnances médicales écrites par le célèbre médecin grec Hippocrate. Sur cette page, deux autres textes toujours médicaux et aussi en grec ont été rédigés par des savants anonymes », déclare Mohamad Abdel-Latif, assistant du ministre pour les antiquités coptes et islamiques.

Une autre page découverte renfermait un texte en arabe du célèbre médecin grec Claude Galien, remontant au IXe siècle, ce texte a été rédigé sur des messages religieux de saint Paul de Tarse, qui dataient du Ve siècle.

Pour redécouvrir les textes effacés sous les palimpsestes, l’équipe de travail devrait utiliser des techniques modernes d’imagerie spectrale, à différentes longueurs d’onde. « Cette étape technique consiste à prendre pour chaque page du palimpseste 33 photos en noir et blanc, utilisant des machines sophistiquées modernes, puis les exposer aux rayons infrarouge et ultraviolet », souligne Phelps.

En effet, ce projet de photographie, qui a commencé il y a quatre ans, vise à sauvegarder les biens culturels du monastère et à numériser les collections de manuscrits, palimpsestes inclus, afin de les rendre accessibles aux chercheurs du monde entier. Phelps ajoute qu’ils ont également découvert, lors de ces travaux, une ancienne copie de la Bible en syriaque, et des légendes écrites en grec concernant des célèbres personnalités. « Ces textes qui étaient pâles et presque effacés renfermaient aussi des dessins des plantes médicinales, ainsi que des épidémies qui nous sont inconnues jusqu’à nos jours », affirme Stackos Damianos, un membre de l’équipe de scientifiques et directeur de la bibliothèque.

Selon Ahmad Al-Nemr, superviseur de la documentation de l’archéologie copte au ministère des Antiquités et membre du bureau scientifique, ces manuscrits sont « les plus délicats », c’est pour cela qu’il serait difficile de les présenter aux chercheurs, et c’est ce qui valorise cette étape technique de la photographie.

Une bibliothèque riche par ses manuscrits

Al-Nemr affirme que le monastère de Sainte-Catherine abrite de nombreux manuscrits de palimpsestes et une collection de manuscrits du Sinaï. Cette collection de la bibliothèque monastique chrétienne, qui est la plus ancienne et la plus importante après celle du Vatican, compte 3 300 manuscrits, dont les deux tiers sont en grec. Le reste est principalement en arabe, syriaque, géorgien et slave. La plupart des manuscrits sont des textes religieux chrétiens pour inspirer ou guider les moines dans leur dévouement. Mais d’autres sont de nature éducative, comme les textes grecs classiques, les textes médicaux, en plus des manuscrits historiques, géographiques et philosophiques. Le manuscrit le plus célèbre est le Codex Sinaiticus du IVe siècle, dont douze pages et quelque vingtquatre fragments écrits en syriaque sont conservés par le monastère, le reste a été transporté en Russie puis vendu au Royaume-Uni au XXe siècle, ne laissant en Egypte que quelques pages et fragments. C’est l’un des deux manuscrits seulement dans le monde entier qui montre la plus vieille transcription connue à ce jour du Nouveau Testament dans son intégralité.

Bien que les travaux de restauration du côté est du bâtiment de la bibliothèque soient à peine achevés, « on commencera dans quelques semaines au côté ouest », indique Samuel Bichara, porte-parole des moines du monastère. « Le monastère ainsi que sa bibliothèque étaient une destination touristique de grande valeur, on comptait 300 000 touristes par an avant 2011 », dit Bichara.

Un mont, et une histoire

Le mont Sinaï n’était qu’un simple coin perdu dans le désert dans le sud de la péninsule du Sinaï. C’est là où le prophète Moïse a parlé à Dieu. Dès le IIIe siècle, des moines choisissaient de vivre dans la solitude en Egypte et ont préféré cette région sainte tant aride. Ils ont commencé à faire leur propre activité, comme la production des icônes, la rédaction des manuscrits et autres. Depuis le IVe siècle, leur nombre a augmenté dans la région. Et c’est vers l’an 550 que l’empereur Justinien ordonne la construction du monastère. Les moines se sont alors précipités à y conserver les manuscrits dans différents endroits. En 1725, lorsque Marthalis fut élu archevêque du Sinaï, il avait une grande préoccupation pour les manuscrits et a demandé qu’ils soient tous rassemblés dans un seul et nouvel endroit et qu’un catalogue pour les manuscrits soit rédigé.

Et ce n'est qu’en 1930 que la construction de la bibliothèque a commencé avec un nouveau bâtiment le long du mur sud du monastère, et qui a été achevé en 1951. Cela a fourni un nouvel espace pour la collection de manuscrits et de livres imprimés du monastère. La bibliothèque comprend aujourd’hui, en plus des 3 300 anciens manuscrits, environ 8 000 livres imprimés au cours des siècles, avec 5 000 récemment imprimés. En 1975, une cachette de manuscrits et de fragments qui étaient en état déplorable a été découverte dans le mur nord.

Ce site antique du monastère de Sainte-Catherine a été inscrit en 2002 sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco. A partir de 2008, un projet de réhabilitation de la bibliothèque a commencé, pour fournir des ateliers de conservation et des studios de photographie numérique, un stockage grandement amélioré pour les livres et les manuscrits, ainsi qu’un espace de lecture amélioré pour les chercheurs invités.

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