Depuis sa fondation en 1880, l’Institut Français d’Archéologie Orientale (IFAO) a réalisé d’importantes missions archéologiques dans tous les gouvernorats d’Egypte. Ces travaux scientifiques soigneusement documentés et photographiés ont commencé il y a plus de 100 ans. Des milliers de photographies immortalisant les découvertes les plus importantes faites par l’IFAO ont ainsi été classées pendant des années dans les archives de l’institut. Aujourd’hui, ce trésor archéologique et historique a été réuni dans un ouvrage intitulé Instantanés d’Egypte. Trésors photographiques par l’Institut Français d’Archéologie Orientale. Cet ouvrage, regroupant 184 photographies, retrace l’histoire de la coopération archéologique franco-égyptienne, et celle de l’IFAO. Les photographies ont été minutieusement sélectionnées par les archéologues Delphine Driaux et Marie-Lys Arnette et sont accompagnées de textes rédigés dans un langage accessible et poétique.
Couverture.
C’est la jeune archéologue Delphine Driaux qui a eu l’idée de réaliser cet ouvrage, lorsqu’elle participait à l’inventaire du service des Archives de l’IFAO. Delphine Driaux « a eu entre les mains des milliers de tirages, pour la plupart inédits, dont l’intérêt est immédiatement apparu », lit-on dans l’introduction du catalogue. Bien que ces photographies scientifiques soient en noir et blanc, elles sont d’une grande valeur esthétique. L’intérêt archéologique et artistique de ces images a convaincu l’archéologue de se lancer dans cette aventure éditoriale. D’après Marie-Lys Arnette, sa collaboratrice, le choix des photos a été très difficile. « Nous échangions constamment avis et conseils avec nos collègues », se souvient l’archéologue.
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Un ouvrage poétique
Les difficultés du photographe sur le site archéologique.
Le catalogue est constitué de deux parties. La première est uniquement consacrée aux photographies, alors que la seconde reprend chaque cliché et les accompagne de légendes parfois informatives, parfois poétiques ou simplement anecdotiques. Contrairement à d’autres ouvrages sur le même sujet, cette édition recèle une certaine poésie, voire un certain romantisme. Au fil des images, on découvre des ouvriers au travail, des photographes en position d’acrobate et la joie des archéologues au moment des plus belles découvertes de l’histoire de l’archéologie. La vie quotidienne et le travail de terrain qui commençaient toujours au palais Mounira, siège de l’IFAO, sont fidèlement illustrés. On découvre aussi les divers départements de l’IFAO : celui de l’archéologue Emile Chassinat, qui a acheté le palais avec son épouse Aline pour abriter l’institut, le bureau de Jean Maspero, fils de Gaston Maspero et directeur du service des antiquités, la bibliothèque, le salon vert du palais et son jardin où les membres de l’institut ont pour habitude de se réunir pour déjeuner. Un cliché immortalise un de ces déjeuners sur l’herbe réunissant l’égyptologue Chassinat, le musicien Victor Loret et le compositeur Camille Saint-Saëns qui a écrit, entres autres, l’opéra Samson et Dalila.
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L’archéologue photographe
Restauration de la salle hypostyle du temple de Khnoun.
Après la visite du palais, le lecteur est invité à suivre les archéologues qui partent sur le terrain. Un cliché pris sur le vif représente l’égyptologue Bernard Bruyère avec les membres de sa mission se rendant à Deir Al-Madina. Ils feront leur inspection du site et installeront l’équipe avant de commencer le travail de terrain. « Malgré la valeur esthétique de plusieurs clichés, les photographes sont le plus souvent restés inconnus. Au XIXe siècle et pendant la première moitié du XXe siècle, les égyptologues se chargeaient eux-mêmes de photographier leurs recherches. Parmi eux se trouvaient Bernard Bruyère, Fernand Bisson de La Roque ou encore Serge Sauneron. Ce sont eux qui ont fondé le laboratoire de photographie de l’IFAO », explique Marie-Lys Arnette. Parmi les photos les plus impressionnantes figurent celles illustrant l’état de certains temples avant la construction du Haut-Barrage, à l’instar du temple d’Isis à Philae. « Les monuments de cette île ont été démantelés puis reconstruits sur l’île voisine d’Agilka (…) Entre l’édification par les Britanniques de l’ancien barrage inauguré en 1902, et celle du Haut-Barrage dans les années 1960, le temple se visitait principalement en barque, puisqu’il se trouvait sous les eaux la plus grande partie de l’année » explique le catalogue.
Le niveau des eaux est mesuré après le retrait de l'inondation.
Les photos montrent aussi toutes les étapes du travail de la découverte des monuments jusqu’à leur restauration. Mais elles montrent aussi les difficultés rencontrées sur le terrain, illustrant même les procédés de prise de photos. Sur une image, on voit le photographe Jean-François Gout se servir d’une échelle bricolée sur place pour photographier les ruines de l’église copte dédiée à saint Marc et située en haut de la colline de Gournet Mouraï. Et sur la couverture du catalogue, on voit un photographe en train de régler son appareil à moins d’un mètre d’un précipice. Il est tellement concentré sur son appareil que l’on se demande s’il ne va pas tomber dans le vide. Instantanés d’Egypte. Trésors photographiques par l’Institut Français d’Archéologie Orientale est un livre passionnant qui ne passera pas inaperçu .
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Restauration de la nécropole de Qilaa Al-Debba à Dakhla.
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Promenade à Suez en 1932.
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Les palmiers reflétés sur le Nil pendant sa crue,
début du XXe siècle
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