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Excursion dans une époque lointaine

Doaa Elhami, Mardi, 29 novembre 2016

Le Centre de documentation du patrimoine culturel et naturel (Cultnat) vient de faire une reconstitution numérique de la chaussée du complexe funéraire du roi Wanis, dernier souverain de la Ve dynastie. Un travail qui vaut le détour.

Excursion dans une époque lointaine
Une visite virtuelle est disponible. (Photo : Ministère des Antiquités égyptiennes)

C’est grâce aux archives et aux documents du grand égyptologue Sélim Hassan que le Centre de documentation du patrimoine culturel et naturel (Cultnat) a fait une reconstitution numérique de la chaussée du complexe funéraire du roi Wanis, dernier souverain de la Ve dynastie. « Vu ses 750 mètres de longueur, son altitude, les monuments cachés dessous et enfin les scènes qui ornent ses murs, cette chaussée a une grande particularité », commente Amira Seddiq, égyptologue de l’unité du patrimoine archéologique dépendant du Cultnat. Cette reconstitution numérique permet une visite virtuelle de cette chaussée antique présentée pour la première fois durant l’exposition sur l’oeuvre de Sélim Hassan tenue au Musée égyptien (voir encadré). On peut faire cette visite aussi au siège du Cultnat au Smart Village, explique Amira Seddiq. Pour commencer la visite virtuelle, le visiteur est invité à entrer dans une cave où se trouvent trois grands écrans en forme de U. Une fois à l’intérieur, le visiteur virtuel doit se tenir au centre de la cave afin de commencer sa tournée. Au fur et à mesure, le visiteur voit les scènes défiler devant ses yeux, ce qui lui donne l’impression de se balader dans la chaussée, qui est une sorte de passage souterrain haut de 32 mètres qui relie le temple d'accueil au temple funéraire. « Pour atteindre cette hauteur, l’architecte a été contraint de démolir plusieurs monuments et de construire sur d’autres », explique l’égyptologue. A sa sortie du temple d’accueil, la chaussée tourne pour contourner une partie fragile du sol. Vers la moitié de la distance, il y a un nouveau tournant et une tranchée creusée par l’architecte renommé Imhotep, bâtisseur de la pyramide à degrés. « Ce dernier avait fait cette tranchée pour consolider le sol, éloigner l’eau du Nil et protéger le complexe funéraire de Djoser », explique encore Amira Seddiq.

Une partie de la chaussée cachait le mastaba de Ni-Ankh-Khnoum et Khnoum-Hotep, connu comme étant le mastaba des deux frères. Des fouilles ultérieures ont permis de découvrir ce mastaba. Celui-ci remonte à la Ve dynastie. Il est considéré comme l’un des plus beaux et plus vastes tombeaux de l’Ancien Empire. Quant au dernier tournant de la chaussée, il est situé à la fin de la chaussée au seuil du temple funéraire. C’est là qu’a été découverte la tombe du roi Sékhemkhet de la IIe dynastie. Tous ces sites sont ouverts actuellement à la visite à Saqqara.

Il ne fait aucun doute que la reconstruction numérique de la chaussée a dévoilé des détails inattendus. Etant couverte d’un plafond de granite orné d’étoiles bleues, symbolisant le ciel, la chaussée retrace, à travers les 400 blocs de pierre dont sont formés les murs sud et nord, la vie du roi et la situation de l’Etat égyptien à l’intérieur et à l’extérieur sur les plans politique, économique et social. Certains de ces blocs sont conservés dans les dépôts du ministère des Antiquités, d’autres ont été réutilisés dans l’édification de complexes funéraires ultérieurs. Des scènes décoratives se trouvent en effet sur les murs sud et nord de la chaussée, et se complètent les unes les autres. En effet, la paroi sud s’ouvre sur une scène décrivant l’armée égyptienne sur le champ de bataille. « L’artiste qui a dessiné ces scènes était d’une grande ingéniosité. On voit clairement la souplesse du mouvement des soldats. Pendant qu’un soldat ennemi est renversé, un autre est assassiné sous les coups de marteau d’un guerrier égyptien », explique Amira Seddiq. Sur la paroi nord, une scène représente le cortège des drapeaux précédé des captifs qui ont été pris pendant la guerre. Parmi les scènes importantes, il y a celle qui représente les prisonniers étrangers, syriens et libyens, humiliés devant le souverain égyptien et emportés sur des navires. Selon Seddiq, cette scène incarne les deux campagnes lancées par Wanis afin de protéger le pays, l’une à l’Est, contre les tribus syriennes, et l’autre à l’Ouest, contre les Liboux.

Peur et prospérité

L’Egypte jouissait sous le règne de Wanis d’une prospérité économique considérable, et ceci est clair dans l’une des scènes du mur sud. Il s’agit d’un panorama de différentes activités connues à l’époque durant les trois saisons de l’année égyptienne. Il y a ainsi la scène de l’agriculture, suivie de celle de la moisson du blé puis celle des autres récoltes et enfin la scène de stockage de ces récoltes. Le commerce occupait aussi une place primordiale dans la vie quotidienne de l’Egypte ancienne sous le règne de Wanis. Sur le mur sud, le visiteur contemple le marché des légumes où les marchands échangent leurs produits avec les clients. « Le texte de cette scène explique comment le client marchande avec le vendeur. Cette tradition égyptienne existe jusqu’à nos jours », reprend l’égyptologue. Selon elle, cette richesse reflète la stabilité de l’Etat égyptien à cette époque lointaine. Une prospérité qui est reprise sur le mur nord avec la scène des jarres et des récipients fabriqués en or et en argent. Cette scène révèle encore les fortes relations commerciales de l’Etat égyptien avec ses voisins. En outre, la hiérarchie administrative respectée de l’Etat est elle aussi incarnée sur les scènes murales. Le visiteur contemple, sur la paroi sud, une scène descriptive du roi installé sur le trône en tenant en main le sceptre. Devant lui, on remarque à un niveau inférieur les hauts fonctionnaires de l’Etat. Une autre scène descriptive montre la famine avec tous ses détails douloureux. Pour l’égyptologue, cette scène symbolise et répand la peur chez les citoyens, pour ne pas se révolter contre le règne du roi. Selon Seddiq, l’image de la famine est suivie d’une scène d’offrandes présentées par le peuple aux divinités. Les paniers sont remplis de récoltes. « Comment un peuple souffrant de la famine peut-il présenter cette quantité d’offrandes ? » s’exclame l’égyptologue. Le cortège funéraire atteint sa fin avec une scène du roi qui avance vers l’au-delà. Sur le mur nord, les porteurs des offrandes funéraires s’orientent vers le temple funéraire pour terminer les funérailles. Cette fascinante tournée numérique de la chaussée nous dévoile quelques secrets de l’histoire de l’Egypte ancienne tout en invitant les égyptologues à mener de nouvelles fouilles à Saqqara.

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