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Jean-Luc Martinez : Nous allons collaborer pour organiser des expositions en échangeant le savoir-faire

Nasma Réda, Lundi, 19 septembre 2016

Jean-Luc Martinez, président-directeur général du Musée du Louvre, revient sur l’accord conclu entre son établissement et le ministère égyptien des Antiquités.

Jean-Luc Martinez
Jean-Luc Martinez, président-directeur général du Musée du Louvre.

Al-Ahram Hebdo : Quel est le but de cet accord signé entre le minis­tère des Antiquités et le Musée du Louvre ?

Jean-Luc Martinez : Nous, les Français, avons une longue his­toire partagée avec l’Egypte et le ministère des Antiquités. Les savants français ont beaucoup travaillé en Egypte sur l’époque pharaonique ainsi que sur l’époque copte, byzantine et aussi islamique. Ce protocole est basé sur les échanges d’histoire et d’expertise dans le domaine des antiquités et spécialement dans le domaine des musées. Nous commencerons par les conservateurs égyptiens du Musée d’Art Islamique (MAI) qui vont se rendre pour trois semaines en France afin d’être formés à la muséologie. Ils étu­dieront la collection du départe­ment de l’art de l’islam au Louvre. Nos chercheurs aussi vont se rendre en Egypte pour un échange d’expertise en matière d’antiquités islamiques.

— Pourquoi avoir choisi le Musée d’art islamique ?

— Le Musée d’art islamique au Caire existe depuis 1926, et pendant 25 ans, il a été présidé par le Français Gaston Wiet. Nous conservons donc en France beaucoup d’archives et de photo­graphies du musée. Donc, le tra­vail commencera par l’échange des archives, nous voulons les étudier avec nos partenaires égyptiens parce que presque tous les documents sont écrits en fran­çais, et bien entendu, nos collè­gues égyptiens ont le droit de les étudier parce que c’est une partie de l’histoire de leur musée.

— Cette convention se base-t-elle uniquement sur l’échange scientifique entre le Louvre et le MAI ?

— C’est principalement une collaboration au niveau de la for­mation du personnel mais aussi pour l’organisation d’expositions et les échanges de savoir-faire. On va commencer un travail de numérisation des archives du Louvre, car on possède des photo­graphies qui remontent au moment des découvertes des pièces antiques depuis les années 1920. Ensuite on compte collabo­rer pour organiser des expositions en échangeant à la fois des thèmes et du savoir-faire. Il n’y a pas beaucoup de collections d’art isla­mique dans le monde.

— Du point de vue des échanges entre les deux pays, comment cette collaboration se traduira-t-elle ?

— Il sera très intéressant que les archéologues égyptiens se ren­dent à Paris afin de travailler sur la collection française de l’art de l’islam au Louvre. Les premiers qui se rendront au Louvre sont ceux qui ont travaillé sur les pièces actuellement exposées au MAI après leur restauration et leur aménagement. Ceci nous donne une idée pour pouvoir changer et faire évoluer l’actuelle présentation des pièces islamiques au Louvre, pour mieux com­prendre la culture islamique. Pour nous, Français, cette collaboration nous permet de retrouver ce lien avec la réalité de ce pays.

— Comment votre récente visite au Musée d’art islamique au Caire renforce-t-elle les rela­tions culturelles franco-égyp­tiennes ?

— Je faisais partie de la déléga­tion culturelle qui accompagnait le président François Hollande lors de sa visite en Egypte en avril dernier. Suite à cette visite, le président nous a conseillé sur la nécessité du renforcement des relations culturelles entre les deux pays, notamment dans le domaine du patrimoine et des musées. On a alors signé une convention entre les deux pays sur la coopération dans le domaine de la muséologie. Après cette signature, je sens qu’on est sur le bon chemin pour appliquer cette coopération. C’est un pas en avant.

— Comment évaluez-vous le MAI du Caire après sa restau­ration ?

Nous allons collaborer pour organiser des expositions en échangeant le savoir-faire

— Je suis vraiment impression­né du travail qu’on a trouvé au MAI parce que j’ai vu à travers les photos que le musée était com­plètement endommagé par l’ex­plosion de janvier 2014. C’était une destruction totale. Un travail de fond a été fait et le musée s’est redressé de nouveau. Ce qui est remarquable vraiment, c’est le travail des restaurateurs, des conservations, de muséologie, un travail aussi de réflexion publique.

— Selon vous, le MAI pré­sente-t-il efficacement ses col­lections au public ?

— Au Musée islamique, il y a une clarté dans l’exposition des pièces. Ainsi, le fil conducteur de visite est bien effectué à travers une collection surprenante, un bâtiment exceptionnel ainsi qu’un quartier incroyable tout autour. En fait, les musées doivent racon­ter des histoires pour faire le lien entre les oeuvres présentées et le public. Le MAI établit bien ce lien afin que la visite soit intéres­sante. Un autre aspect remar­quable au MAI, c’est qu’il regroupe une belle collection de pièces islamiques étrangères. Ce qui est assez rare. La plupart des pays de culture islamique ont des musées qui possèdent des pièces uniquement de leurs propres pays. Alors que le MAI possède des pièces d’art islamique de l’Iran, et de l’Empire ottoman, etc. Il les met bien en valeur. En Egypte, on est au coeur du monde islamique, alors on a des objets très anciens (égyptiens), mais aussi des pièces provenant d’autres régions du monde, ce qui est assez excep­tionnel.

Il est vrai que la plupart des musées d’art islamique occiden­taux possèdent des collections d’art iranien ou ottoman, mais il est difficile pour les étrangers de bien comprendre les points de divergence entre les différentes pièces vu la richesse de l’histoire islamique. La muséologie est une science très importante pour pou­voir attirer les visiteurs.

— Après une tournée au MAI, quelles sont vos critiques ?

— J’ai l’impression que tout est bien fait. Le musée est prêt pour l’inauguration. Il attend son public.

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