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Attentat meurtrier à Hélouan

May Al-Maghrabi, Mardi, 10 mai 2016

Huit policiers ont été assassinés dimanche à Hélouan, au sud du Caire, par des inconnus. L'opération a été revendiquée simultanément par le groupe terroriste Ansar Beit Al-Maqdès et un groupuscule affilié aux Frères musulmans.

Attentat meurtrier à Hélouan
Le microbus qui transportait les policiers criblé de balles. (Photo : AP)

Des hommes armés ont abattu 8 policiers en civil dans les premières heures de la matinée de dimanche dans le quartier de Hélouan, au sud du Caire. Il s’agit de l’une des attaques les plus meurtrières et des plus ciblées menées par les terroristes hors du Sinaï. Selon le communiqué du ministère de l’Intérieur, les policiers circulaient à bord d’une camionnette lorsqu’un pick-up leur a barré la route. Ses occupants, masqués, ont alors assailli le pick-up, utilisant des mitrailleuses. Le Parquet général s’est rendu, le soir même, sur les lieux de l’attentat et les cadavres des martyrs ont été transportés à la morgue. Selon le rapport de la médecine légiste, les victimes ont été attaquées à une distance de 3 mètres et chaque victime a reçu au moins 10 balles. Le quartier a été ensuite ratissé par les forces de sécurité qui intensifient les efforts pour identifier et arrêter les auteurs de cet attentat. Dimanche, des funérailles officielles auxquelles ont participé le ministre de l’Intérieur et les familles de victimes ont été organisées.

Le quartier de Hélouan est connu pour être l’un des fiefs des Frères musulmans et d’autres factions islamistes. En juin 2015, un attentat avait visé un policier dans ce quartier. Et en août 2014, c’est aussi à partir de ce quartier industriel populaire que les dites « brigades armées de Hélouan » avaient annoncé la lutte armée contre la police et l’armée.

Plusieurs partis politiques, des ONG, le parlement ainsi qu’Al-Azhar et l’Eglise ont dénoncé « un acte terroriste lâche ». Depuis la destitution, le 3 juillet 2013, du président islamiste Mohamad Morsi, la police et l’armée sont régulièrement la cible d’attaques terroristes. L’armée mène, depuis plus de deux ans dans le Sinaï, une guerre sans merci contre les groupes terroristes armés. Parallèlement la police a réussi à démanteler plusieurs cellules terroristes issues des Frères musulmans au Caire et dans plusieurs gouvernorats. Ces efforts ont contribué à endiguer la vague terroriste qui frappe le pays sans toutefois l’éradiquer totalement.

L’attentat de dimanche a été revendiqué par deux groupes. Il s’agit de la « Résistance populaire », un mouvement clandestin formé de jeunes Frères musulmans opposés à la stratégie de profil bas adoptée par les leaders de la confrérie. Le mouvement a affirmé dans un communiqué que l’attentat vise à « commémorer les 1 000 jours de l’évacuation du sit-in de Rabea qui avait officiellement fait plus de 600 morts ». Simultanément, le groupe Ansar Beit Al-Maqdès, branche égyptienne de Daech au Nord-Sinaï, a aussi revendiqué l’attentat. Ce mouvement, qui a fait allégeance au groupe Etat Islamique (EI) en novembre 2014, a déjà revendiqué une série d’attaques et d’attentats contre l’armée et la police. « Les soldats du califat ont attaqué un minibus transportant 8 apostats de la police criminelle à Hélouan et les a tous tués. Nous vengeons les femmes pures détenues dans les prisons des apostats », affirme l’Etat islamique sur l’un de ses comptes Twitter.

Coopération entre les Frères musulmans et Ansar Beit Al-Maqdès.

Selon le spécialiste des mouvements islamistes, Ahmad Ban, tout porte à croire que cet attentat est le fruit d’une coopération directe entre les Frères musulmans et le groupe Ansar Beit Al-Maqdès. « Cette opération meurtrière porte l’empreinte de Daech en ce qui a trait à la planification et à l’exécution, car ce genre d’opération nécessite des éléments expérimentés et entraînés. Les terroristes avaient des informations sur le trajet des policiers et leur déplacement. Ces informations ont très probablement été fournies par certains groupuscules affiliés aux Frères musulmans qui ont bénéficié d’une complicité au sein même de la police », estime Ban. Cette coopération est, selon lui, dangereuse et nécessite une grande vigilance de la part des services de sécurité. « Une multitude de groupuscules clandestins opèrent au Caire et dans les gouvernorats. Ils travaillent souvent avec des moyens rudimentaires, mais une éventuelle coopération avec Ansar Beit Al-Maqdès leur permettra d’acquérir plus d’expérience », craint Ban. Il explique que ce rapprochement entre les deux groupes est le résultat des coups sécuritaires successifs assénés aux islamistes. « Aujourd’hui, les noyaux idéologiques des groupes affiliés aux Frères et Ansar Beit Al-Maqdès ont fusionné. Les terroristes salafistes voulaient instaurer l’Etat islamique par la force des armes en renversant les régimes mécréants, alors que les Frères tentaient de réaliser le même but à travers les urnes. Les deux parties sont devenues d’accord que la politique n’était pas le bon choix, et que leur objectif ne peut être atteint que par la lutte armée ».

L’expert sécuritaire Mahmoud Katari souligne la nécessité de purger l’appareil sécuritaire des cellules latentes qui coopèrent avec les Frères. « Il faut aussi revoir le concept de la sécurité préventive. Il y a deux mois, le groupe Ansar Beit Al-Maqdès avait publié une vidéo montrant comment ses éléments s’entraînaient sur les opérations terroristes en villes. Mais les services de sécurité se sont focalisés sur la sécurisation des villes côtières et n’ont pas eu la prévision que des opérations pourraient avoir lieu ailleurs », critique Katari.

Des informations circulent sur une éventuelle implication de 4 policiers dans cet attentat qui auraient fourni des informations aux terroristes sur le trajet des policiers assassinés en contrepartie d’une grande somme d’argent. Des informations démenties lundi par des sources judiciaires au quotidien Al-Ahram, indiquant que l’enquête en cours ne possède pas encore de telles informations.

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