Premièrevisite d’Etat en Egypte, mais le deuxième déplacement dans le pays depuis celui effectué à l’occasion de l’inauguration du Canal de Suez le 6 août dernier, l’arrivée au Caire du président français, François Hollande, pour un séjour du 17 au 18 avril, confirme l’emballement des rapports égypto-français, observé depuis l’arrivée au pouvoir du président Abdel-Fattah Al-Sissi, en juin 2014. En moins de deux ans, les relations entre les deux pays ont connu un réchauffement spectaculaire, qui s’est traduit aussi bien dans les domaines économique, que politique et militaire.
Témoin phare de ces développements : les ventes d’armes françaises à l’Egypte, qui ont connu une progression sans précédent, avec notamment celles des 24 chasseurs Rafale, les premiers vendus à l’étranger, des deux porte-avions Mistral et de la frégate multimission FREMM. Les deux pays devraient, lors de la visite du chef de l’Etat français, finaliser les ventes de quatre nouveaux navires de guerre, dont deux corvettes rapides Gowind, ainsi qu’un satellite de télécommunications militaires, pour un montant global d’un milliard d’euros. D’autres marchés d’armes sont en discussion, dont des équipements des sept bateaux français achetés jusqu’ici par Le Caire.
Ces marchés d’armes ont été rendus possibles et conclus dans des temps records en raison d’un contexte géopolitique régional des plus volatils : la multiplication des conflits armés dans la région, dont notamment ceux en Libye, un pays voisin de l’Egypte, et au Yémen qui contrôle, avec le Djibouti, le détroit de Bab Al-Mandeb, à l’entrée sud de la mer Rouge menant au Canal de Suez. Ce dernier est une source majeure de devises étrangères pour Le Caire, qui projette d’y créer une zone industrielle et un hub logistique pour relancer son économie. La montée en puissance de la menace terroriste, représentée en particulier par l’Etat Islamique (EI), constitue en outre une préoccupation majeure pour Le Caire et Paris. Cette menace sévit dans plusieurs pays de la région en proie à la guerre civile et à l’instabilité sécuritaire, notamment en Syrie, en Iraq, mais aussi en Libye. L’Egypte y fait face également au Sinaï. La France à son tour a été victime de ce terrorisme aveugle à deux reprises l’an dernier, en janvier et novembre. L’alerte y reste maximale, notamment après les attentats perpétrés à Bruxelles en mars 2016, revendiqués par le même EI. L’Egypte a fait de la lutte antiterroriste sa priorité, y compris dans la région. De son côté, la France estime nécessaire d’aider l’Egypte à se donner les moyens d’une lutte efficace contre le terrorisme, d’où ses ventes d’armes. Pour pallier le danger de terrorisme en France et en Europe occidentale, qui se trouve alimenté par les crises du Moyen-Orient, Paris juge primordial d’apporter son aide à la lutte à la source que mènent des pays de la région, l’Egypte en tête.
La brouille qui caractérise les rapports de l’Egypte avec son allié américain, depuis la destitution de l’ancien président Mohamad Morsi, issu des Frères musulmans, en juillet 2013, et l’arrivée de Sissi au pouvoir en 2014, explique en partie l’emballement récent des relations avec la France. L’une des premières conséquences de ce froid égypto-américain est que Washington est devenu moins attentif aux besoins du Caire en armements. Une partie de l’assistance militaire annuelle, de 1,3 milliard de dollars, accordée par les Etats-Unis à l’Egypte, a été ainsi suspendue en octobre 2013. Cette suspension a été ensuite levée fin mars 2015, mais l’octroi de l’aide militaire reste sous la coupe de conditions relatives au respect des droits de l’homme et à la démocratisation. Des conditions que le gouvernement du Caire juge inacceptables. Bien que l’Administration américaine ait adouci dernièrement sa position en demandant au Congrès en début d’année de supprimer toute condition liée à l’aide militaire, les relations bilatérales demeurent entachées de suspicions, qui persisteront jusqu’à l’élection d’un nouveau président américain en novembre prochain. Ces développements ont poussé Le Caire, qui jugeait urgent de renforcer ses capacités militaires dans un contexte d’instabilité régionale et de menaces terroristes, à se tourner vers Paris mais aussi Moscou, en quête d’armements modernes. Le soutien financier de l’Arabie saoudite, chef de file des monarchies du Golfe, mais aussi des Emirats arabes unis, a favorisé ce retournement.
Il était normal dans ce nouveau contexte stratégique, renforcé par des convergences politiques entre Le Caire et Paris dans la région, concernant notamment la crise en Libye et le conflit israélo-palestinien, que la présence économique de la France en Egypte connaît un renforcement important. Ainsi, les exportations françaises, hors secteur d’armement, ont fait un bond de 33,8 % en 2015, un record, pour atteindre 2,1 milliards d’euros, faisant passer la part de la France dans le marché égyptien de 2,8 % en 2013-2014 à 4 % en 2014-2015. Cette hausse confirme la tendance déjà observée en 2014, où les exportations françaises ont bondi de 17,2 %, après deux ans de baisse consécutive, due à l’instabilité politique et sécuritaire consécutive au soulèvement populaire de janvier 2011. En revanche, les importations françaises d’Egypte ont connu une chute de 54,4 % en 2015, à cause de l’effondrement des exportations pétrolières de l’Egypte, qui est devenue un importateur net des hydrocarbures en raison de la baisse de sa production et la hausse de la consommation interne.
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