Al-Ahram Hebdo, Enquête |

  Président
Abdel-Fattah El Gibali
 
Rédacteur en chef
Hicham Mourad

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 Semaine du 29 août au 4 septembre 2012, numéro 937

 

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Enquête

Presse. La détention d’Islam Afifi, rédacteur en chef du quotidien indépendant Al-Dostour, soulève un tollé dans les milieux journalistiques et parmi les défenseurs des libertés publiques. Sa libération par le président Mohamad Morsi ne serait que « de la poudre aux yeux ». 

Une question de liberté 

La première détention d’un journaliste depuis la chute du régime de Moubarak ravive la grogne des journalistes. Accusé de diffamation à l’égard du président de la République et d’incitation aux troubles, Islam Afifi, rédacteur en chef du quotidien Al-Dostour, a été placé jeudi en détention préventive jusqu’à la prochaine audience de son procès, prévue le 16 septembre. Selon l’acte d’accusation, Afifi est accusé de diffusion de « fausses nouvelles de nature à perturber l’ordre public » après avoir signé une série d’articles où il affirmait que l’élection présidentielle avait été falsifiée pour le compte du président Mohamad Morsi et que des terrains de la péninsule du Sinaï avaient été vendus à des Palestiniens.

De son côté, Afifi a dénoncé un procès « politique », affirmant que les plaintes déposées contre lui faisaient partie du règlement de comptes avec les opposants du nouveau régime au pouvoir. « Ce procès est un véritable test pour l’une des revendications essentielles de la révolution du 25 janvier, celle de la liberté d’expression », affirme le journaliste.

Ce même jeudi 23 août, le président Mohamad Morsi a usé pour la première fois de son pouvoir législatif pour promulguer un décret ayant valeur de loi, annulant la détention préventive pour les délits de presse. Afifi a pu retrouver sa liberté en vertu de ce décret.

Le porte-parole de la présidence de la République, Yasser Ali, s’est félicité du décret présidentiel, tout en rejetant les accusations selon lesquelles le nouveau pouvoir serait hostile à la liberté d’expression. « La révision de l’ensemble des législations liberticides accablant la presse sera le rôle du nouveau Parlement », a promis le porte-parole.

Annoncé comme un triomphe pour la liberté de la presse, le décret présidentiel a toutefois été considéré comme de « la poudre aux yeux » par les journalistes et les défenseurs de la liberté d’expression.

Amnesty International a dénoncé le régime des Frères musulmans pour ses positions hostiles à la liberté d’expression. Dans un communiqué, l’organisation a qualifié l’arrestation d’Islam Afifi d’un retour inadmissible à la répression des libertés pratiquée sous le régime déchu de Hosni Moubarak. « Ces exercices liberticides doivent s’arrêter immédiatement », a ajouté le communiqué.

Pour Hafez Abou-Seada, président de l’Organisation égyptienne des droits de l’homme, le décret du président n’a apporté rien de nouveau, puisque déjà la détention préventive pour les délits de publication a été annulée en 2006. « Ce décret présidentiel n’a donc annulé que l’exception qui concerne l’outrage du président de la République », précise Abou-Seada.

Les déclarations de la présidence semblent donc être loin de rassurer les journalistes qui restent sceptiques quant aux intentions du nouveau pouvoir. Ils appellent à une mobilisation générale pour faire avorter toute tentative de réduire leur marge de liberté déjà restreinte.

« Le décret présidentiel ne vise qu’à rassurer l’opinion publique, mais ne reflète pas de volonté sincère de libérer la presse des lois qui l’accablent », estime Yéhia Qallach, ancien secrétaire général du syndicat des Journalistes. « Le nouveau régime au pouvoir reste sourd aux appels des journalistes qui veulent l’annulation totale des peines de prison pour les délits de publication. Hélas, après une révolution, la presse reste captive des lois héritées de l’époque despotique de Moubarak », ajoute Qallach.

Beaucoup de journalistes souhaitent que le procès d’Afifi soit le déclencheur d’une nouvelle campagne à l’instar de celle qu’ils ont menée en 1995. Cette année-là, ils ont fait front commun et réussi à tuer dans l’œuf la fameuse loi 93 qui renforçait les peines contre les délits de publication. « La lutte se poursuivra parce que la situation actuelle n’est pas moins grave que celle qui prévalait en 1995 », prévient Qallach, en appelant le syndicat à tenir une assemblée générale urgente pour « étudier les moyens de faire face à la volonté des islamistes de dominer la presse, un dessein qui se concrétise de jour en jour ».

 Si les journalistes ne nient pas l’existence de dérives professionnelles, ils ne croient pas que le remède serait de les mettre en prison. Pour Qallach, il vaut mieux s’attaquer au fond du problème et non pas aux symptômes. « Avant de juger les journalistes, il faut revoir l’arsenal des lois qui les empêchent d’exercer leur métier de manière professionnelle. On ne peut pas les accuser par exemple de diffuser des informations mensongères, alors qu’ils n’ont pas accès à l’information et que l’atmosphère politique manque de transparence », conclut-il.

Noha Ayman et May Al-Maghrabi

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3 questions à
Saadeddine Ibrahim,
 professeur de sociologie à l’Université américaine du Caire.
 

« Les Frères musulmans sont soucieux d’entretenir de bonnes relations avec les Etats-Unis » 
 

Al-Ahram Hebdo : En tant que sociologue, quel est votre avis sur les changements dont a témoigné la société égyptienne au lendemain de la révolution du 25 janvier, notamment la recrudescence de la violence et du harcèlement sexuel pratiqués désormais en toute impunité ?

Saadeddine Ibrahim : La révolution du 25 janvier était essentiellement l’œuvre des jeunes générations qui ont réussi à rassembler toute la société égyptienne. La révolution a réussi à briser la barrière de peur chez les Egyptiens … une fois pour toutes. Elle a également réussi à les politiser, ce qui est en soi formidable, parce qu’en tant que sociologue, on dit que la démocratie ne peut se réaliser qu’en cultivant la conscience politique des masses. Pour moi, ceci est beaucoup plus important que les quelques symptômes négatifs qui se manifestent systématiquement après les révolutions.

— Vous avez également la nationalité américaine et vous êtes réputé proche des centres de prise de décisions américains … Que pensez-vous des relations qui prévalent actuellement entre les Frères musulmans et l’administration américaine ?

— Je ne prétends pas disposer d’informations, mais il y a des indices … Il est clair que les Frères musulmans sont soucieux d’entretenir de bonnes relations avec les Etats-Unis. Entre les deux tours de l’élection présidentielle, ils ont dépêché une délégation d’une trentaine de personnes, parmi les membres occidentalisés de la confrérie, pour prendre le pouls des cercles officiels américains et frapper aux portes de Washington et de New York. Leur message était que les Frères musulmans ne toucheraient pas aux intérêts politiques et économiques des Américains dans la région et qu’ils respecteraient le traité de paix égypto-israélien. Il faut également souligner le fait qu’à l’échelle économique, les Frères musulmans sont favorables à l’économie du marché, ce qui facilitera beaucoup de choses dans leurs futures relations avec les Etats-Unis.

— Quelle est, d’une manière générale, votre évaluation politique des Frères musulmans ?

— Les Frères musulmans sont adeptes d’une doctrine. Ils disposent d’une organisation et ont un objectif, ou plutôt un rêve qu’ils ont nourri tout au long des 80 dernières années. Celui-ci consiste à imposer leur domination sur l’Egypte pour ensuite la transformer en un émirat faisant partie du « monde islamique ». L’Etat islamique et la restauration du califat occupent une place importante dans leur littérature et leur imaginaire.

Propos recueillis
par Magda Barsoum

 




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