Al-Ahram Hebdo, Evénement | Le Nouvel An en deuil

  Président
Abdel-Moneim Saïd
 
Rédacteur en chef exécutif
Hicham Mourad
  Conseiller de la rédaction
  Mohamed Salmawy

Nos Archives

 Semaine du 5 au 11 janvier 2011, numéro 852

 

Contactez-nous Version imprimable

  Une

  Evénement

  Enquête

  Dossier

  Nulle part ailleurs

  Invité

  Egypte

  Economie

  Monde Arabe

  Afrique

  Monde

  Opinion

  Société

  Arts

  Idées

  Littérature

  Visages

  Environnement

  Voyages

  Sports

  Vie mondaine

  Echangez, écrivez



  AGENDA


Publicité
Abonnement
 
Evénement

Attentat . C’est toute l’Egypte qui a été ciblée par l’attaque contre l’église copte des Deux saints à Alexandrie, soulignent les autorités, privilégiant la piste d’Al-Qaëda. Mais nombreux sont ceux qui trouvent que le problème n’est pas attaqué de front et est vu seulement sous l’angle sécuritaire. Etat des lieux.

Le Nouvel An en deuil

Une importante foule de chrétiens s’est rassemblée à Abbassiya et dans l’enceinte de la principale cathédrale copte. A l’intérieur, le cheikh d’Al-Azhar, le mufti du pays et le ministre des Waqfs sont reçus par le pape Chénouda, dans la foulée de l’attentat. Une tentative de réconcilier les esprits et présenter les condoléances, mais en vain. Les coptes en colère prennent pour cible la voiture de l’imam d’Al-Azhar par des jets de pierre. A Alexandrie, et dans les alentours de l’église des Deux saints, les coptes, rassemblés pour témoigner de leur indignation, lancent des pierres contre le cordon de sécurité les entourant.

« ô Moubarak, pilote, le cœur des coptes est en feu », scandent les manifestants qui descendent une des avenues principales de la capitale, Salah Salem. Des voitures sont saccagées et des pierres lancées. Tristesse, colère et accusation du gouvernement, la tension est à son comble depuis l’attentat du Nouvel An, qui a fait 18 morts et 97 blessés, selon le dernier bilan officiel.

Et dans l’enquête sur l’attentat, 7 personnes sont détenues pour interrogatoire. Les instructions se succèdent et « un certain nombre » de suspects ont été brièvement interpellés avant d’être, pour la plupart, remis en liberté. Les autorités, qui évoquent à mot ouvert la présence d’« éléments étrangers » comme commanditaires de l’attentat, semblent privilégier la thèse d’un kamikaze.

Dans un premier temps, les sources policières parlaient d’une voiture piégée. Une thèse immédiatement écartée, car aucun trou qui serait provoqué par l’engin explosif n’a été repéré par terre ou même dans le haut des voitures. Selon une source policière, « toutes les voitures présentes sur le lieu de l’attentat sont touchées uniquement de l’extérieur ». Les résultats de l’analyse ADN devraient donner davantage d’éléments avec un « renforcement des mesures de sécurité à la frontière, pour éviter la fuite de suspects potentiels ». D’après la même source, l’état d’alerte a été mis au maximum dans le pays depuis la menace d’Al-Qaëda.

Il y a environ 40 jours, l’« Etat islamique d’Iraq », branche iraqienne de la mouvance de Bin Laden, a accusé les coptes de retenir, contre leur gré, des femmes qui se sont converties à l’islam. Dans une déclaration mise en ligne il y a deux semaines sur un site Internet islamiste, les musulmans étaient invités à attaquer des églises coptes d’Egypte « pendant les fêtes de Noël, lorsque ces églises sont bondées ». Si le risque d’un attentat existait donc, pourquoi la police n’a-t-elle pas pris ses précautions ? « La présence policière ne peut pas empêcher un kamikaze », se justifie cependant la police.

La rue Khalil Hamada, dans le quartier de Sidi Béchr à Alexandrie, s’est transformée à présent en une caserne, une vingtaine de blindés occupant les deux côtés de la rue. D’un côté s’élève l’église des Deux saints, et devant elle se dresse la mosquée d’Al-Madinah. Taches de sang, pierres et vitres cassées témoignent bien de cet incident qui a bouleversé le pays à la veille du Nouvel An.

Des témoignages

D’ailleurs, Alexandrie, autrefois ville la plus cosmopolite d’Egypte, est devenue depuis une dizaine d’années un bastion des extrémistes, un fief des islamistes, ce qui augmente les risques d’attentat. « Je suis sorti un peu avant la fin de la messe, parce que je suis cardiaque et voulais éviter la bousculade. J’attendais la sortie de mes filles lorsqu’une voiture Skoda est venue se garer juste devant l’église et un homme, dont je ne me rappelle pas les traits, est sorti en parlant dans son mobile. Deux minutes après, l’explosion s’est produite lorsque l’homme a levé sa main avec son cellulaire », raconte Gamil Khaïri, un des blessés dans l’attentat.

« Je croyais que c’est notre immeuble qui s’effondrait », explique Roudess, une habitante d’un bâtiment de 8 étages juste à côté de l’église, construite vers la fin des années 1970. Sameh Louca, son voisin, met en cause le gouvernement : « Ce qui se passe a un grand lien avec la crise économique ». Ainsi, selon lui, lorsque les fanatiques tentent de recruter un jeune pauvre contre une grande somme d’argent pour exécuter un attentat comme celui-ci, il le fera volontiers.Mais le gouverneur d’Alexandrie, Adel Labib, qui s’est déplacé immédiatement sur les lieux, estime, « en tant qu’ancien agent de la sécurité, que l’attentat n’a pas de motif sectaire ». Et donc de parler de la piste étrangère, celle d’Al-Qaëda. « La méthode utilisée est similaire aux attaques terroristes dans la région », souligne-t-il.

La piste étrangère, privilégiée par l’Etat

C’est, de toute façon, le discours officiel qui a du mal à faire publier des événements récents impliquant les coptes, toutes les instances de l’Etat sont mobilisées pour parler un seul discours, celui de l’unité nationale. Dans une intervention télévisée, dimanche, le président égyptien Hosni Moubarak a lancé un appel à l’unité nationale. « Toute l’Egypte a été ciblée par l’attaque, a-t-il affirmé. Le terrorisme aveugle ne fait pas de distinction entre musulmans et chrétiens ». Il a aussi invité les citoyens égyptiens à « ignorer les rumeurs et à faire preuve de solidarité, afin d’empêcher les terroristes d’atteindre leur principal objectif : la division du peuple ». Dans les écoles, on donne des cours spécialement pour l’occasion. On explique aux petits que c’est bien le terrorisme qui cible le pays, « chrétiens et musulmans vivent côte à côte », disent les enseignants en classe le même jour. A la télé, les émissions prennent pour slogan le croissant et la croix, ce symbole d’unité religieuse qui date de la Révolution de 1919.

Attaquer le problème de front

Un appel à la prière est lancé. Egyptiens, musulmans et coptes, sont ainsi invités à assister ensemble à la messe du jeudi soir, la veille du Noël copte. Des mouvements politiques prennent l’initiative d’organiser des manifestations d’unité. Les membres des deux communautés se rassemblent dans le quartier de Choubra, un quartier à forte représentation copte. Ensemble, ils scandent des slogans d’unité, mais aussi contre le régime. Les opposants ne mâchent plus leurs mots. Ce sont cette barrière politique et la situation économique dégradante qui encouragent le fanatisme, dit-on (lire page 5).

Cette position exaspère de plus en plus de coptes qui souhaitent voir le problème attaqué de front. Cette communauté, qui représente environ 8 % de la population, parle d’une sous-représentation politique, d’un accès difficile aux postes-clès et de restrictions pour la construction des églises. En dehors de la communauté copte aussi, des appels à une sérieuse analyse ont été lancés. Des appels à l’Etat pour cesser de considérer l’affaire « comme un dossier sécuritaire, sans faire attention à ses aspects politique, social et culturel ». Les autorités redoutaient une aggravation des tensions confessionnelles, et ainsi, la police a fait preuve d’une retenue sans précédent face aux manifestations de colère. Elles craignent un débordement ou des provocations d’islamistes qui chercheraient à s’en prendre aux manifestants chrétiens. Reste à savoir si l’Etat va finalement envisager la question sous l’œil culturel, social, économique et même politique pour franchir le terrible goulet d’étranglement qui enserre la société égyptienne depuis des décennies.

Chérine Abdel-Azim (au Caire)
Samar Zarée (à Alexandrie)

Retour au sommaire

 




Equipe du journal électronique:
Equipe éditoriale: Névine Kamel- Howaïda Salah -Thérèse Joseph- Héba Nasreddine
Assistant technique: Karim Farouk
Webmaster: Samah Ziad

Droits de reproduction et de diffusion réservés. © AL-AHRAM Hebdo
Usage strictement personnel.
L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence

de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions.