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 Semaine du 25 au 31 août 2010, numéro 833

 

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Société

Statut Familial. Un guide complémentaire plus équitable est mis sur le tapis par un réseau d’associations. Il s’agit d’une réflexion sur le traitement de questions épineuses comme la polygamie et le partage des biens entre les époux. De quoi soulever des tempêtes.

Un guide qui fait perdre le nord à beaucoup

Une initiative qui a été accueillie par les organisations de défense des droits de la femme avec beaucoup d’enthousiasme. « C’est un pas en avant pour réglementer la polygamie qui représente un phénomène inspiré de la culture des pays du Golfe et qui n’est pas adapté à la culture égyptienne, surtout à la situation économique de la plupart des hommes. Je crois qu’on a abusé du droit à la polygamie et le résultat a été que beaucoup de femmes et d’enfants se sont retrouvés abandonnés et sans ressources par un mari et un père parti vivre avec sa nouvelle femme », déclare Nihad Aboul-Qomsane, présidente du Centre égyptien du droit de la femme. Pour elle, il ne s’agit pas de confisquer à l’homme le droit à la polygamie, mais de réglementer cette pratique surtout que la charia et le Coran ne l’autorisent que sous conditions.

Ce guide est encore au stade de la préparation, mais ses grandes lignes sont déjà élaborées. Il aborde dix problèmes, à savoir les fiançailles, l’obéissance, la pension alimentaire, la garde des enfants, la vision, le divorce, le kholea, le mariage sans tuteur, la polygamie et les biens communs. Les trois derniers, qui figurent parmi les plus sensibles, ont provoqué un grand tollé. En ce qui concerne la polygamie, le guide donne au juge le pouvoir d’autoriser un mari à prendre une seconde épouse au vu des circonstances et en fonction de ses moyens financiers afin d’assumer les charges d’un second foyer. Autrement dit, le mari doit justifier au tribunal la nécessité du mariage avec une nouvelle femme (maladie incurable de l’épouse, stérilité, etc.), disposer des ressources nécessaires pour venir aux besoins de toutes les épouses et s’engager à traiter ces dernières avec équité. La première épouse et la nouvelle doivent être informées à l’avance de l’existence de l’une et de l’autre et fournir leur consentement attesté par un juge. La première femme peut demander le divorce si son mari insiste à se remarier.

Bien que ce ne soit qu’une brochure comprenant des propositions de solutions, ce guide soulève une vraie tempête parmi les rigoristes et même parmi les citoyens.

« Ce projet est calqué sur le modèle tunisien. La relation entre l’homme et la femme est réglementée par la charia. Dieu a institué le régime de la polygamie pour les musulmans en toute connaissance des faiblesses humaines. Il l’a assorti de règles dont l’application relève de la conscience et de la responsabilité de chaque individu. Ces règles doivent être appliquées de la manière dont elles ont été interprétées depuis les temps de la Révélation. Il n’appartient donc à quiconque ni de remettre en cause les prescriptions divines en ce domaine, sur n’importe quelle base que ce soit, ni d’instituer des contrôles qui rendraient la pratique de la polygamie plus difficile. D’autant plus que la charia peut s’appliquer en tout temps, en tout lieu et en toute circonstance », s’insurge la Dr Malaka Deraz, prédicatrice religieuse.

Un discours qui trouve de larges échos dans la société. « Comment peut-on interdire la polygamie alors que c’est un droit accordé aux musulmans sans aucune restriction ? En l’abolissant, la voie serait ouverte aux relations illégitimes, car au lieu de se remarier, le mari va alors tromper sa femme », lâche un homme, la rage au cœur. Une opinion partagée par les hommes qui trouvent que cet article est injuste à leur égard. « Il transforme la relation de couple en un commerce. Les liens sacrés du mariage ne seront donc plus basés sur les principes de l’amour et de la miséricorde », avance-t-on. Pour d’autres, c’est un faux problème puisque les jeunes n’ont même pas les moyens d’épouser une seule femme. « C’est un problème inventé de toutes pièces. Dans notre pays c’est presque un luxe pour un jeune que de se marier. Comment pourra-t-il penser à prendre une seconde ou troisième épouse ? », lance un jeune abandonné par sa fiancée, faute de moyens, après 7 ans d’attente.

Le réseau des associations féminines initiateur du guide a été accusé de rédiger un projet de loi. C’est ce qu’il a officiellement démenti lors d’une conférence de presse tenue au syndicat des Journalistes. « Il ne s’agit ni d’un projet de loi ni d’une décision judiciaire dont l’application s’impose de manière impérative, mais d’un guide instructif servant à élaborer un code de la famille complémentaire et plus équitable. Son objectif est de présenter un point de vue qui permet à toutes les parties intéressées de mieux comprendre ce que la loi dit sur des questions d’actualité en matière de relations conjugales, et ce afin de protéger le statut de la famille et la dignité de la femme », explique Siham Ali, avocate et présidente du programme de défense et d’appui dans l’Institution des droits de la femme. Siham Ali, qui a participé à sa rédaction, trouve que ce guide est d’une grande utilité car il vise à combler le vide existant dans la loi concernant le statut personnel. « Cette loi mise en vigueur a été amendée plusieurs fois pour faciliter les procédures, mais ces amendements sont toujours appliqués du point de vue de la forme sans toucher au fond. Nous avons donc besoin de ce guide pour s’attaquer au fond du problème et y porter surtout des solutions », ajoute-t-elle.

Un regard conciliant

Mais ce guide n’a pas que des ennemis. Abdel-Moeti Bayoumi, du Centre des recherches islamiques d’Al-Azhar, pense, lui, que les principes de la charia permettent de réglementer la vie courante en fonction des circonstances de la société. Dans cette optique, il ne s’oppose pas à l’esprit même du guide, même s’il exprime certaines réserves. « L’un des compagnons du prophète, Omar Ibn Al-Khattab, a restreint certaines pratiques autorisées par la charia, et a parfois même permis le contraire car les circonstances l’exigeaient », assure Bayoumi. Il n’est pas contre la réglementation de la polygamie vu que cette pratique, devenue aujourd’hui bien éloignée de la lettre et de l’esprit des versets du Coran, est la première cause des conflits conjugaux et la source d’innombrables malheurs dans beaucoup de familles. D’après lui, l’interdiction de la polygamie peut très bien s’effectuer de manière légitime, dans le respect des règles du droit musulman, en vertu de nombreux principes de la charia qui peuvent s’appliquer à la situation, et dont la règle est bien établie : tout ce qui produit plus de mal que de bien est illicite. « Aujourd’hui, dans un mariage polygame, il n’y a pas que le mari qui a des droits, comme le droit inaliénable de prendre une nouvelle épouse, à sa discrétion. Les autres femmes vivant sous le régime matrimonial de la polygamie ont aussi des droits, établis par la charia, qu’il est nécessaire et légitime de protéger. Comme le droit à l’équité, à la justice, à l’entretien matériel, pas de préférence donnée sur le plan matériel à une des épouses ou à quiconque des enfants par rapport aux autres ou pour tout ce qui a trait à la vie du ménage », précise-t-il.

Car dans la réalité, les abus existent bien. Farida a consacré toute sa vie à son foyer et à son époux. Après 30 ans de mariage, son mari lui a demandé d’approuver son remariage. « L’élue » n’a que 19 ans ... « J’ai peur d’être mise à la porte en refusant de signer ce papier, j’accepte de vivre aujourd’hui sous le même toit que ma dorra », dit-elle tristement. Selon elle, le nouveau plan, qui vise à restreindre la polygamie, mettra fin à cette exploitation injuste du pouvoir exercé depuis des années par l’homme. Une opinion soutenue par Siham Ali qui ajoute que l’islam met des conditions à la polygamie, comme il est dit dans la sourate Al-Nissaa (les femmes) : « Mais si vous craignez de n’être pas équitables, prenez une seule femme ».

Le 50 % qui dérange

Or, la polémique ne s’arrête pas là. Le même guide instructif propose le partage des biens entre les époux. Cependant, une fois cette question abordée, un débat s’est vite installé, suscitant la controverse en particulier chez les hommes, qui craignent d’y voir un coup porté à leurs biens. D’après Siham Ali, il existe un principe religieux, propre à l’école malékite, qui consiste à tenir compte de la contribution de l’épouse à l’enrichissement de la famille. « C’est son droit le plus absolu vu que ce partage s’applique uniquement aux biens acquis durant le mariage, et non pas à l’héritage, tenant compte de sa contribution financière aux dépenses du foyer. De plus, en accordant à la femme la moitié des biens de son époux en cas de divorce, celui-ci hésitera à la répudier », déclare Gamila, pharmacienne, qui, après un an de stage effectué aux Etats-Unis, est rentrée pour découvrir que son mari avait obtenu le divorce, qu’il s’était emparé de sa maison et de sa voiture, et pour couronner le tout, de sa pharmacie. Pourtant, les hommes n’ont pas caché leur hostilité, remettant en cause la richesse commune. Zaki Abou-Ghadda, conseiller culturel de l’association Si Al-Sayed, chargée de la protection des droits de l’homme, est allé jusqu’à recommander aux hommes de ne pas se marier afin de préserver leurs biens. « C’est plutôt une copie déformée des principes occidentaux les plus osés. Chaque conjoint portera une arme contre l’autre et cherchera à sa façon de sortir gagnant de ce commerce », poursuit-il.

Selon Medhat Abdel-Hadi, directeur du Centre égyptien pour les consultations familiales et le développement des sociétés, il existe un état de chaos au niveau de la famille, noyau de la société. « Aujourd’hui, 50 % des nouveaux mariés sont divorcés. Un chiffre qui prouve que la situation est alarmante et ce n’est pas, comme on le répète toujours, une question d’ordre économique uniquement car c’est bien plus profond. Un état de fait qui mérite de la réflexion et des solutions loin des clichés. La vie conjugale est un équilibre qui se bâtit sur l’amour et non pas seulement sur le juridique », conclut-il. Pour lui, faire en sorte que la société évolue est beaucoup plus important. C’est ce qui devrait être à la tête des priorités, bien avant la modification des lois.

Chahinaz Gheith

 




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