Al-Ahram Hebdo, Evénement | De l’eau dans le désert
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 semaine du 25 au 31 mars 2009, numéro 759

 

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Eau. La Libye a profité du Forum mondial de l’eau pour lever le voile sur son mystérieux projet d’extraction d’eau fossile. Une initiative controversée qui relance le débat sur la crise de l’or bleu.

De l’eau dans le désert

Alors que le Forum mondial de l’eau mettait justement l’Afrique au centre de ses priorités, la Libye a dévoilé cette semaine, à Istanbul, les détails d’un gigantesque projet de récupération d’eau. L’installation, baptisée Great Man-Made River Project ou GMR, est quasiment arrivée à terme. La situation de stress hydrique en Libye, et plus généralement en Afrique, a vivement encouragé cette initiative. Avec 800 000 immigrés, la Libye compte 5,7 millions d’habitants, dont la majorité sont répartis dans les baladiyats (circonscriptions administratives) du littoral. Le reste du pays n’est que partiellement occupé. Les conditions climatiques que connaît la Libye sont dans l’ensemble caractérisées par une chaleur extrême et des pluies rares et irrégulières. Les régions désertiques et subdésertiques, représentant la quasi-totalité du territoire, reçoivent peu de précipitations. Le besoin total annuel en eau du pays est aujourd’hui évalué entre 4 et 5 milliards de m3, qui contraste avec le peu de précipitation. Depuis les années 50, les demandes en eau dans l’ensemble des pays méditerranéens ont doublé, et elles pourraient s’accroître davantage dans les années à venir, causé par une croissance démographique toujours plus forte.

Vient s’ajouter à cela le réchauffement climatique qui tend à aggraver la pression sur les ressources et à les rendre plus difficile d’accès. Avec le risque que 290 millions de personnes soient en situation de pénurie d’eau d’ici 2050, contre 60 millions aujourd’hui.

En dépit de son nom, le Great Man-Made River Project n’a rien d’une rivière. Concrètement, il implique l’installation de 4 000 km de gigantesques « tuyaux » de 4 mètres de diamètre qui permettent d’acheminer l’eau pompée dans le désert jusqu’à la côte nord du pays, où vivent la majorité des habitants. Lancé au début des années 1980 par le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi comme un moyen de parvenir à l’auto-suffisance alimentaire, ce projet a été présenté dans des brochures distribuées lors du Forum mondial de l’eau comme la « huitième merveille du monde ».

Malgré son gigantisme, le projet est mené, depuis de nombreuses années, dans une relative discrétion et reste assez mal connu. Il avait d’ailleurs alimenté diverses rumeurs, notamment dans les médias occidentaux, selon lesquelles les tuyaux stockaient des armes chimiques. « C’est la première fois, lors d’un Forum mondial de l’eau, que nous avons une présentation (de ce projet) par nos collègues libyens », a déclaré Andras Szollosi-Nagy, de l’Unesco, qui a salué la transparence de la présentation. L’eau douce serait extraite à 500 mètres de profondeur par 1 300 puits. Coût de ce plus grand projet d’irrigation au monde : plus de 33 milliards de dollars, incluant l’investissement initial et les coûts d’entretien sur 50 ans. Pour Fawzi Al-Sharief Saeid, responsable libyen de la gestion des eaux souterraines, « les études ont montré que le projet était plus économique que les autres alternatives », telles que la construction d’usines de dessalement ou l’importation d’eau depuis l’Europe. Selon les études libyennes, 4 860 années de réserves en eau souterraine seraient disponibles pour la Libye mais aussi pour les trois autres pays potentiellement concernés : le Soudan, le Tchad et l’Egypte.

Si l’initiative a été saluée par des membres de l’Unesco pour la transparence de sa présentation, il a également soulevé la perplexité chez nombre d’experts qui s’inquiètent des conséquences environnementales et économiques d’une opération d’une telle ampleur. Certains, comme Mark Smith, spécialiste de l’eau à l’International Union for Conservation of Nature (IUCN), redoutent l’exploitation intensive d’une eau « fossile » emmagasinée depuis des millénaires et qui ne pourra jamais être remplacée dans un Sahara aux très maigres précipitations. D’autres estiment l’investissement disproportionné, redoutent les réactions des voisins de la Libye et craignent une surenchère dans le pompage de cette eau du désert jusqu’à présent préservée. Qualifié de pure folie, le GMR, dont les deux tiers sont achevés, serait pourtant économiquement viable et ne devrait susciter aucun conflit, a assuré Fawzi Al-Sharief Saeid. En revanche, pour Eugenia Ferragina, spécialiste des questions de l’eau au Conseil de recherche national italien, le projet de Kadhafi est « absurde d’un point de vue économique » et crée une source de tensions potentiels avec les pays voisins. « Cela peut devenir une course au pompage, une course pour voir qui arrive à extraire l’eau en premier », a-t-elle expliqué aux médias. Le GMR représente donc une belle opportunité pour subvenir aux besoins dans l’urgence, mais ne fera probablement pas de miracles sur le long terme.

Maude Girard

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