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 Semaine du 18 au 24 mars 2009, numéro 758

 

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Enquête

Siwa. Le creusement excessif de puits a provoqué une élévation des eaux souterraines. De quoi menacer dangereusement l’agriculture et du coup les habitants de cette oasis lointaine. Reportage.

L’oasis prise dans les eaux

Accéder à l’Oasis de Siwa n’est pas une tâche facile. Il faut 14 heures en bus et un parcours de 820 km depuis Le Caire. La plupart des transports pour Siwa passent d’abord par la ville de Marsa Matrouh sur la Méditerranée avant de prendre la route vers le sud. Un voyage au bout duquel l’oasis apparaît comme un mirage ... En plein cœur du Sahara, à 60 km de la frontière libyenne, Siwa n’a trouvé sa place sur la carte d’Egypte en tant que ville dépendant du gouvernorat de Matrouh qu’après la Révolution de 1952. Un statut plutôt symbolique qui s’est longtemps limité à subvenir aux besoins de première nécessité des habitants. L’oasis n’est effectivement sortie de l’oubli que dans les années 1980. Une route liant l’oasis à la ville de Marsa Matrouh, située à 306 km plus au nord, a été percée et asphaltée en 1984. Un an après, l’électricité a fait son apparition. De multiples services et infrastructures ont été installés. La ville commence à accueillir des groupes touristiques qui viennent souvent en safari découvrir les mystères de ce coin vierge. Les habitants (aujourd’hui au nombre de 20 000) commencent à s’ouvrir au monde extérieur et à bénéficier de l’aubaine touristique.

Mais le tableau de l’oasis n’est plus idyllique et les habitants ont du mal à savourer pleinement les petits avantages acquis au fil des ans à cause du problème des eaux souterraines qui menacent la culture des dattes et des olives, l’autre source de gagne-pain avec le tourisme. Le député de Siwa, Bilal Ahmad, avait déjà présenté une interpellation au Parlement dans une tentative de médiatiser ce problème. Et tout le monde attendait le mois dernier la visite du premier ministre, Ahmad Nazif. Une visite destinée certes à promouvoir le potentiel touristique de ce coin retiré de l’Egypte, mais ils en auraient profité pour régler ce problème. Mais à leur grande déception, le chef du gouvernement a ajourné sa visite sans avancer de raison.

L’agriculture est l’activité principale des Siwis. Les paysans dépendent des eaux souterraines, qui se trouvent en abondance, pour l’irrigation de leurs terres. Mais depuis les années 1990, rien ne va plus.

Les paysans ont creusé trop de puits pour se garantir à chacun une quantité suffisante d’eau pour la culture. « L’eau est disponible 24/24h, et la quantité dépasse nos besoins. Le problème, c’est que l’élévation du niveau des eaux commence à submerger certains terrains, de quoi endommager les cultures, surtout que le niveau de salinité est élevé », explique Saïd Chaabane, cheikh de la tribu Aghurmi.

Le taux de salinité du sol influe négativement sur la production des dattes et des olives, entraînant une perte annuelle que la municipalité estime aujourd’hui à plusieurs millions de L.E.

La solution ? Les habitants de la ville demandent au gouvernement d’installer un système de drainage. En 1996, une visite du président Moubarak a permis aux habitants de Siwa d’attirer l’attention des responsables. Suite à cette visite, le ministère de l’Irrigation a envoyé des experts pour étudier la situation sur les terrains et examiner les demandes des habitants. Les experts ont recommandé le percement de deux bassins géants pour recevoir le surplus d’eau. Le projet a été aussitôt achevé. Une autre recommandation consistait à remblayer le maximum de puits « sauvages » et de les remplacer par d’autres, plus profonds, scientifiquement conçus et gérés.

Or, les responsables du ministère de l’Irrigation se sont mis à creuser les puits selon le plan officiel, tout en enjoignant les habitants à remblayer leurs puits avec leurs propres moyens. Ces derniers rechignent à s’exécuter, d’un côté par manque de confiance et de l’autre par manque de moyens. « Pour creuser ce puits, j’ai dépensé 5 000 L.E. Pour le remblayer aujourd’hui, je dois payer une somme semblable. Si le gouvernement juge menaçant ce genre de puits, il n’a qu’à financer leur remblayage », se plaint Ibrahim, un habitant. Résultat : les puits creusés par le ministère n’ont pas résolu le problème et les eaux souterraines continuent à monter à la surface, suite au creusement de puits partout, ici et là.

Selon le président de la municipalité, Hamza Mansour, Siwa renferme un millier de puits dont débordent des quantités d’eau importantes. « C’est un danger qui menace toute la ville, notamment à cause de son emplacement géographique », ajoute le responsable.

En effet, d’après les experts, Siwa, qui fait partie de la dépression de Qatarra, est menacée d’inondation bien que la surface des deux réservoirs de collecte d’eau soit passée de 27 000 à 48 000 m2.

Les chefs des 11 tribus de Siwa, les cheikhs des mosquées et les dirigeants de la municipalité tiennent des rencontres continuelles avec les habitants pour les sensibiliser contre ce danger écologique et économique et les convaincre de cesser de creuser des puits. La superbe oasis risque-t-elle de disparaître sous les eaux ?

Héba Nasreddine

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Des traditions tenaces

Siwa s’étend sur une superficie de 70,3 km2. Pendant des millénaires, depuis l’ère pharaonique en passant par l’époque gréco-romaine, l’oasis a bénéficié d’un statut autonome. Le gouverneur d’Egypte Mohamad Ali pacha fut le premier à avoir violé son isolement, en soumettant à son pouvoir ce petit territoire, en route pour la conquête du Soudan en 1840. La région de Siwa s’est toujours plainte d’être « coupée » de l’ensemble de l’Egypte. Ceci est dû à l’éloignement géographique de cette région de 20 000 habitants, mais aussi à ses particularités culturelles. Les Siwis sont à l’origine des Berbères (des Amazighs d’Afrique du Nord). Ils vivent dans des tribus ou des clans régis par un chef. Ils parlent entre eux la langue maternelle des Amazighs, le tasiwit, même s’ils ne connaissent pas la façon de l’écrire. « Après l’ouverture de notre région au monde, nous avons dû apprendre l’arabe pour pouvoir communiquer avec les étrangers. Nous avons la passion du savoir, mais à condition que cela ne donne lieu à aucun changement dans nos coutumes », souligne Omar Rageh, cheikh de la tribu d’Awlad Moussa. Comme tous les Siwis, il porte un pantalon et une galabiya blanche au-dessus de laquelle il porte une veste noire. Il ne change jamais ce costume même en partant ailleurs. Les femmes n’ont pas le droit de contacter des inconnus et ne sortent que rarement. Elles sont vêtues en noir et complètement voilées. Les Siwis ont préservé leur traditionnelle manière de construction des maisons, en utilisant des grosses pierres mélangées avec de la boue et du sel. La charrette tirée par un âne est le transport public des habitants jusqu’aujourd’hui.

H. N.

 

 

 




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