Al-Ahram Hebdo, Dossier | Fariba Adelkhah,« Les Iraniens exploitent pleinement la marge de manœuvre dont ils disposent »
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 12 à 18 avril 2006, numéro 606

 

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Dossier

Iran. Fariba Adelkhah, directrice de recherches au CERI (Centre d’Etudes et de Recherches Internationales) à Paris, est l’auteure de nombreux ouvrages sur l’Iran. Interview à l’occasion de l’anniversaire de la Révolution iranienne. 

« Les Iraniens exploitent pleinement la marge de manœuvre dont ils disposent » 

Al-ahram hebdo : 30 ans après, certains assimilent toujours l’Iran à une dictature, qu’en est-il réellement ?

Fariba Adelkhah : Au sortir de la Révolution, tous les gouvernements qui se sont succédé sont restés très critiques par rapport au pouvoir. En 2005, pour la première fois, il y a eu deux tours. Durant les élections présidentielles de 2005 et celles de 1997, le président élu n’était pas le favori de l’establishment du régime ni sans doute du Guide de la Révolution.

Les élections, à défaut d’être démocratiques, sont tout de même concurrentielles. L’autonomie de la société s’étend à d’autres niveaux. Par exemple, sur le plan religieux, chacun — sauf les bahaïs — Il est libre d’exercer le culte qu’il entend. Et les réunions religieuses chiites ou sunnites de quartier se développent, réunissant autant les hommes que les femmes, dans des lieux séparés bien sûr.

Sur le plan éducatif, le système universitaire est diversifié, avec un concours très sélectif d’entrée dans l’Université publique, mais aussi de nombreuses universités privées, dont certaines de très grande qualité. La plupart de ces universités privées sont lucratives et elles contribuent à former l’élite.

Certes, le problème de liberté d’expression reste aigu en Iran. Cela dit, quand un journal ferme, un autre ouvre, le nombre de quotidiens reste très important. Les Iraniens exploitent pleinement la marge de manœuvre dont ils disposent, même si celle-ci est plus étroite qu’ailleurs, en partie parce que le pouvoir n’est pas unifié et permet donc plus de diversité.

— Selon vous, quelle est la cause de l’isolement iranien ?

— Parler d’islamophobie serait trop simpliste, mais il n’empêche que cela fait partie des problèmes pour l’Occident. La Révolution a fait peur, elle a été perçue comme une menace. La fermeture de fait des frontières pendant 15 ans aussi. C’est seulement à partir de 1998 que les étrangers ont commencé à voyager en Iran. En France, pays laïque, il est par exemple difficile de comprendre que la spiritualité n’est pas une entrave à la liberté et qu’elle produit du politique.

En Iran, il y a une séparation de fait entre le pouvoir du Guide (légitimité religieuse) et celui du président de la République (légitimité des urnes). On ne photographie jamais le Guide sur des sites liés à la technologie de l’énergie nucléaire ou aux raffineries de pétrole, mais plutôt le président de la République.

Par contre, c’est au président qu’il revient de vendre le développement de son pays. La presse sur l’Iran n’est pas bonne parce que la liberté d’expression est réduite. Il y a tout de même des avancées positives. Notamment la signature d’une pétition par un million d’Iraniens lancée par des femmes qui disaient : « Nous ne sommes pas contre la République islamique, ni contre l’islam, mais contre toutes formes de ségrégation ». Bien sûr l’Iran est loin d’être une démocratie, mais qui peut se vanter d’en être une dans la région ?

— Comment la crise économique est-elle vécue par la population ?

— Oui, la situation économique est très difficile, notamment à cause de la montée du prix du foncier. Il y a six mois, se loger à Téhéran était devenu tellement cher que cela équivalait au prix du mètre carré à Paris. Mais j’aimerais insister aussi sur la capacité du système D des Iraniens, autrement dit sur ce que nous appelons le système de la débrouillardise.

En fait, l’autonomie de la société par rapport au pouvoir est très importante et elle tire sa force du fait que l’économie informelle est fleurissante en Iran. Par informel j’entends une certaine politique du laisser-faire de la part du gouvernement, signe de son incapacité à gérer l’Etat. Par exemple, le cas des marchés frontaliers. Ils sont une opportunité de rencontre entre les différents milieux d’affaires iraniens, mais aussi le terrain d’activité de prédilection de l’économie informelle qui engage autant les femmes que les jeunes ou que l’immigration afghane. Cette économie de frontière, marine et terrestre, est une des ressources importantes de survie dans le pays. La preuve est que cela fait 30 ans que tout le monde crie que l’Iran ne sortira pas de cette crise, et trente ans que la République résiste.

— Beaucoup d’Iraniens ont quitté leur pays au moment de la Révolution, qu’en est-il aujourd’hui du nationalisme iranien ?

— L’Iran a beaucoup changé depuis 1979. Quatre millions d’Iraniens vivent aujourd’hui à l’étranger et la grande majorité est en contact avec le pays. Aussi parmi les exilés, beaucoup ont rendu leur carte et ont demandé leur passeport iranien pour pouvoir voyager en Iran. Par ailleurs, nombreux sont ceux qui vivent à cheval entre l’Iran et l’étranger. D’autres investissent en Iran et achètent des maisons de vacances ou s’engagent dans des activités caritatives, d’autres encore se sont installés à Dubaï pour le besoin du commerce.

Il faudrait parler d’un lien fort entre les Iraniens qui vivent à l’étranger et leur pays natal. Ce lien dépasse largement le cadre économique car il n’est pas rare de rencontrer des immigrés qui viennent en Iran, ou par l’intermédiaire de leur famille, se choisir comme épouse une femme ayant vécu en Iran pendant qu’eux-mêmes vivaient en exil. La Turquie devient le pays de rencontre ou de mariage pour ceux qui ne veulent pas se rendre en Iran pour des raisons politiques ou de service militaire par exemple. On a également vu les Iraniens de Los Angeles se soucier autant que la République islamique de l’intégrité de l’Iran pendant la crise du nucléaire ou encore se mobiliser contre le panturquisme dans l’Azerbaïdjan iranien. Les stars du showbiz en Californie chantent la nostalgie, la gloire et la grandeur de l’Iran autant que les Iraniens installés dans le pays.

Propos recueillis par Maude Girard 

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Le système politique en Iran

La république islamique d’Iran est considérée comme l’un des rares pays au monde à être une théocratie

. Le pouvoir, censé émaner de Dieu, réside dans les mains du clergé. Cette théocratie découle du concept de « Velayat el Faqih », théorisé dans les années 1960 par l’Ayatollah Khomeiny, premier « Guide de la Révolution ». Cependant, il existe aussi une dimension représentative dans ce système, puisque la souveraineté populaire est reconnue et qu’un processus électoral permet l’élection du président de la République, des députés et des membres de l’Assemblée des experts.

Le Guide de la Révolution ou Guide suprême

Poste créé par la Constitution de 1979 et qui équivaut à celui du chef de l’Etat. Le Guide est le personnage en tête du régime. Il représente la plus haute autorité politique et religieuse du pays.

Il est nommé à vie par l’Assemblée des experts. Il peut être l’objet d’une procédure de destitution par l’Assemblée des experts si celle-ci estime qu’il n’est plus apte à remplir ses fonctions. Dans ce cas et en attendant la présentation d’un nouveau Guide, un conseil composé du président de la République, du chef du pouvoir judiciaire et d’un des jurisconsultes religieux du Conseil des gardiens assume provisoirement toutes les attributions du Guide.

Le Guide suprême détermine la direction politique générale du pays, supervise l’exécution des politiques du régime, déclare la guerre ou la paix et peut démettre le président de la République de ses fonctions selon certaines conditions.

Depuis la Révolution de 1979, deux personnes ont occupé ce poste: Rouhollah Khomeiny, de 1979 à 1989, et Ali Khamenei, de 1989 jusqu’à nos jours.

Le président

Avant la Révolution de 1979, le poste était plutôt honorifique. Mais depuis l’amendement de la Constitution en 1988, le poste de premier ministre a été annulé et ses prérogatives associées aux tâches du président.

Le président est la plus haute autorité de l’Etat après le Guide de la Révolution. Il est élu au suffrage universel pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois. Le Conseil des gardiens sélectionne les candidats selon certains critères. Entre autres, le candidat doit être un homme, musulman, âgé entre 25 et 75 ans et n’ayant pas servi le pays pendant la monarchie.

Il nomme et supervise le Conseil des ministres, coordonne les décisions du gouvernement et en définit les politiques avant qu’elles ne soient transmises au Parlement. Dix vice-présidents assistent le président, ainsi qu’un cabinet de 22 ministres, qui doivent tous être approuvés par le Parlement.

L’Assemblée des experts

Elle est composée de 86 membres religieux, élus pour 8 ans au suffrage universel direct. C’est le Conseil des gardiens qui détermine l’éligibilité des candidats. L’assemblée élit le Guide suprême et a l’autorité de lui retirer le pouvoir à n’importe quel moment.

Le Majlis ou le Parlement 

Il servait de chambre basse de la législature de 1906 à 1979, la chambre haute étant le Sénat. Après la Révolution islamique, quand la législature iranienne devient à chambre unique, le Majlis devient le seul corps législatif, sous le nom de l’Assemblée consultative islamique. Il est composé de 290 députés.

Les députés sont élus pour quatre ans au suffrage universel direct. Cinq sièges réservés ont vocation à représenter les minorités confessionnelles reconnues par le régime : zoroastriens, juifs et chrétiens. Il dispose du pouvoir de voter la loi et d’approuver ou de renverser l’exécutif, y compris le président.

Le Conseil des gardiens de la Constitution

Il est composé de 12 membres désignés pour six ans : 6 religieux nommés par le Guide suprême et 6 juristes élus par le Parlement.

Sa principale fonction est de veiller à la compatibilité des lois à la Constitution et à l’islam.

Il contrôle la validité des candidatures du président. Il doit approuver toutes les lois votées par le Parlement.  

Les présidents de l’Iran depuis la Révolution de 1979 : 

— Abolhassan Bani Sadr, de 1980 à 1981.

— Mohammad Ali Rajai, élu le 2 août 1981 et assassiné 28 jours plus tard.

— Ali Khamenei, élu en 1981 et réélu en 1985. A rempli le rôle de Guide suprême et de président après la mort de Khomeiny, avant l’élection de Rafsandjani.

— Ali Akbar Rafsandjani, élu en 1989 et réélu en 1993, jusqu’en 1997.

— Mohammad Khatami, élu en 1997 et réélu en 2001, jusqu’en 2005.

— Mahmoud Ahmadinejad, en poste depuis 2005.

 




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